Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... Oukaci a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de son épouse et de ses enfants, d'enjoindre au préfet de la
Seine-Saint-Denis d'accorder le regroupement familial et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n°2008456 du 24 février 2021 le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2021, M. B... Oukaci, représentée par
Me Lendrevie, demande à la Cour :
1°) d'annuler A... ordonnance du Tribunal administratif de Montreuil du
24 février 2021 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de Seine-Saint-Denis rejetant la demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse et de ses enfants ;
3°) d'enjoindre au préfet de faire droit à A... demande de regroupement familial, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer entretemps une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en rejetant sa demande par ordonnance le tribunal a méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe d'impartialité objective dès lors qu'il n'a pu ainsi présenter d'observations à l'audience ni produire de note en délibéré, ce qui a avantagé l'administration ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen développé dans la demande et tiré de l'irrégularité de la procédure faute de consultation du maire ;
- le tribunal a à tort jugé que ce moyen était insuffisamment développé alors qu'il était assorti de la jurisprudence sur laquelle il se fondait ;
- il n'est toujours pas justifié que l'auteur de l'arrêté attaqué avait compétence pour prendre une telle décision ;
- A... décision est entachée d'insuffisance de motivation et a été prise sans examen sérieux et particulier de sa situation ;
- le préfet a à tort rejeté sa demande alors qu'il a une vie stable en France, un logement suffisant et un emploi ;
- A... décision de refus méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Labetoulle a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. Oukaci, ressortissant algérien, a déposé le 7 février 2019 auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de ses deux filles. A... demande a été rejetée par arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis par arrêté du 30 juin 2020. M Oukaci a, dès lors, saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté mais le président de la
11ème chambre du tribunal l'a rejetée par ordonnance du 24 février 2021 prise sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Par la présente requête M. Oukaci relève appel de A... ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...), les requêtes ne comportant que (...) des moyens qui (...) ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".
3. Pour rejeter la demande de M. Oukaci, le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a jugé que A... demande ne comportait qu'une liste de dix moyens qui n'étaient manifestement assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Toutefois, s'il est vrai que ces moyens sont seulement énoncés de manière stéréotypée et sans comporter de précisions, l'un d'entre eux consiste néanmoins à faire valoir que la décision attaquée " est entachée d'une irrégularité/la décision en l'espèce a été prise sans consultation du maire/Voir jurisprudence du TA de Strasbourg du 12 février 2019 N°1702438 ", un extrait de ce jugement étant ensuite cité. Alors même que ce moyen n'était pas assorti d'autres précisions, le juge était à même d'en apprécier le bien-fondé, de même d'ailleurs que celui de moyens consistant à soutenir que la décision attaquée " a été signée par une autorité incompétente ", " est insuffisamment motivée ", " est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle " et que " le préfet a commis une erreur de droit en ce qu'il s'est borné à la seule condition de ressources et n'a pas examiné l'ensemble des circonstances ". Dès lors, M. Oukaci est fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande par ordonnance sur le fondement de l'article
R. 222-1 précité le juge de première instance a entaché son ordonnance d'irrégularité. Par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens tendant à mettre en cause sa régularité et tirés notamment du défaut de réponse aux moyens et de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les moyens de la demande de M. Oukaci.
Sur la légalité de la décision du préfet :
5. Aux termes de l'article L. 421-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorisation d'entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par l'autorité administrative compétente après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir. Le maire, saisi par l'autorité administrative, peut émettre un avis sur la condition mentionnée au 3° de l'article L. 411-5. Cet avis est réputé rendu à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier par l'autorité administrative ". Par ailleurs l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, stipule que " (...) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) ". Or, si les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France, le préfet n'en est pas moins tenu, lorsqu'il envisage de rejeter, en raison de ses conditions de logement ou de ses ressources, la demande de regroupement familial présentée par un ressortissant algérien, de consulter le maire de la commune de résidence de celui-ci, dans les conditions prévues aux articles L. 421-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or en l'espèce, alors que le moyen a été explicitement soulevé dans la requête, il n'est pas justifié, en l'absence d'écritures en défense de l'administration, que A... consultation aurait été effectuée. Par ailleurs, si un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de celle-ci ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie, un tel défaut de consultation du maire de la commune, alors que le préfet envisage de rejeter la demande de regroupement familial pour des motifs liés aux conditions de ressources ou de logement du demandeur, est bien de nature à priver l'intéressé d'une garantie et constitue dès lors une irrégularité de nature à entacher la légalité de la décision attaquée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés en première instance et en appel.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée au seul motif qu'il n'est pas justifié que le maire a été consulté sur la demande de regroupement familial.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui annule la décision opposant un refus à la demande de regroupement familial présentée par M. C... en raison du défaut de justification de la consultation du maire de sa commune de résidence, implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de lui délivrer entretemps une autorisation temporaire de séjour.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n°2008456 du 24 février 2021 du président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil est annulée.
Article 2 : La décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 30 juin 2020 rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. C... au bénéfice de son épouse et de ses enfants est annulée.
Article 3 : il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par M. C... au bénéfice de son épouse et de ses enfants dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : l'Etat versera à M. Oukaci une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Oukaci et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2022.
La rapporteure,
M-I. LABETOULLELe président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01543