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01/02/2022 | FRANCE | N°21PA01387

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 01 février 2022, 21PA01387


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 30 septembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai d'un mois à co

mpter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 30 septembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification dudit jugement et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2018571/1-2 du 16 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2021, M. C..., représenté par

Me Monconduit, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 30 septembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler à tout le moins la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

4°) d'enjoindre au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification du présent arrêt ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'erreur manifeste d'appréciation en minimisant l'importance de sa vie professionnelle en France, alors qu'il a travaillé pendant les périodes de confinement, ce qui, au regard de la jurisprudence, constitue un motif exceptionnel d'admission au séjour, et en prenant en compte en revanche la situation irrégulière de l'un de ses employeurs ;

- le tribunal a commis une autre erreur manifeste d'appréciation en retenant qu'il ne justifiait pas d'une communauté de vie avec son épouse, ni d'une participation à l'entretien de leurs enfants, ni par suite de motifs exceptionnels ;

- le refus de séjour contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors notamment qu'il vit depuis 2016 avec son épouse, mère de ses trois enfants à l'entretien desquels il contribue, que la communauté de vie n'a pas cessé, qu'il a deux frères sur le territoire français et est très bien intégré professionnellement et socialement en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2021, le préfet de police demande à la Cour de rejeter la requête.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- et les observations de Me Veillat substituant Me Monconduit pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né le 11 avril 1977, entré en France en juin 2014 selon ses déclarations, a sollicité du préfet de police de Paris le 20 juin 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain, et des articles

L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le préfet de police ayant opposé un refus à sa demande par un arrêté du 30 septembre 2020 l'obligeant également à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, M. C... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de cet arrêté. Mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 16 février 2021 dont il interjette appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 visé

ci-dessus : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article

L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code précité à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

4. Or, si M. C... fait valoir qu'il a travaillé en France de manière continue de 2015 à 2020 et notamment qu'il a poursuivi son activité professionnelle pendant les confinements liés à la crise du Covid, il n'en résulte pas, en tout état de cause, que ses fonctions de magasinier l'auraient exposé à un risque particulier tel que la poursuite de cette activité pendant cette période de crise sanitaire pourrait être regardée comme constitutive d'une circonstance particulière justifiant que lui soit délivré le titre de séjour sollicité. Par ailleurs, il indique lui-même n'être entré en France qu'en 2014, soit à l'âge de trente-sept ans. De plus, s'il fait état de son mariage, le 12 octobre 2016, avec une de ses compatriotes, Mme B..., mère de ses trois enfants, nés respectivement les 3 janvier et 27 novembre 2017 et

22 novembre 2020, et soutient que la communauté de vie n'aurait pas cessé depuis lors, sa domiciliation chez un tiers à Paris étant selon lui fictive et destinée exclusivement à faciliter ses démarches en vue de l'obtention de sa carte de séjour, il ne justifie pas, en tout état de cause, qu'il ne pourrait poursuivre la communauté de vie avec son épouse, à la supposer établie, dans leur pays d'origine, la seule circonstance que Mme B... soit titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2026 ne faisant pas obstacle à ce qu'elle suive son époux au Maroc. Par ailleurs, si le requérant fait valoir que deux de ses frères résident en France en situation régulière, il indique lui-même que leur père, qui y vivait également, est à présent décédé, et il ne conteste pas par ailleurs, comme l'a relevé le tribunal, avoir encore des membres de sa famille, et notamment une sœur, dans son pays d'origine, où il conserve, dès lors, des attaches familiales proches. Ainsi, il ne justifie d'aucune circonstance particulière justifiant la délivrance du titre de séjour sollicité.

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, et eu égard notamment au caractère relativement récent de l'entrée en France de M. C..., au plus tôt en 2014, de ce qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans dans son pays d'origine où réside encore une partie de sa famille, et de ce que rien ne s'oppose à ce qu'il y poursuive sa vie familiale avec son épouse qui est également ressortissante marocaine, et leurs trois enfants, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'il serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant et qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. Toutefois, si M. C... fait valoir que l'arrêté attaqué aurait pour effet de priver ses enfants de sa présence s'il retournait au Maroc en les laissant en France avec leur mère, ou de les priver de celle-ci s'il les emmenait avec lui, ainsi qu'il a été dit rien ne s'oppose à ce qu'il puisse, à la supposer établie, poursuivre sa communauté de vie avec son épouse et ses enfants dans son pays d'origine dont son épouse est également ressortissante, la seule circonstance qu'elle dispose d'une carte de résident valable jusqu'en 2026 ne faisant pas obstacle à son retour au Maroc où il n'établit ni même n'allègue qu'elle ne pourrait retourner. Par ailleurs, il ressort de ses propres indications que, lors de l'intervention de l'arrêté attaqué, le 30 septembre 2020, l'ainé de ses enfants, né le 3 janvier 2017, avait trois ans et demi, et le second, né le 27 novembre 2017, deux ans et demi, tandis que le troisième n'est né que le 22 novembre 2020, donc postérieurement à l'intervention de cet arrêté. Ainsi, compte tenu du très jeune âge de ces enfants, il n'apparait pas que, en dépit de leur naissance en France, ils ne pourraient s'adapter à la vie dans le pays d'origine de leurs deux parents. Dès lors l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme méconnaissant leur intérêt supérieur, ni par suite comme pris en méconnaissance des stipulations précitées.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

9. Le présent jugement, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. C... à fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2022

La rapporteure,

M-I. LABETOULLELe président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01387


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01387
Date de la décision : 01/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SELARL INTERBARREAUX MONCONDUIT ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-01;21pa01387 ?
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