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30/12/2021 | FRANCE | N°20PA01100

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 décembre 2021, 20PA01100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

2 novembre 2018 par lequel le préfet de police lui a ordonné de remettre à l'autorité administrative les armes en sa possession, lui a fait interdiction d'acquérir et de détenir des armes quelle que soit la catégorie, et l'a inscrit au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes, ensemble la décision du 7 février 2019 par laquelle le préfet de police a rejeté son recours gracieux, et la d

cision du 13 février 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son reco...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

2 novembre 2018 par lequel le préfet de police lui a ordonné de remettre à l'autorité administrative les armes en sa possession, lui a fait interdiction d'acquérir et de détenir des armes quelle que soit la catégorie, et l'a inscrit au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes, ensemble la décision du 7 février 2019 par laquelle le préfet de police a rejeté son recours gracieux, et la décision du 13 février 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1906820/3, 1907358/3 du 28 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 mars 2020, 27 août 2020,

1er février 2021, 23 juin 2021 et 8 novembre 2021, M. C..., représenté par Me Marchand, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'annuler la décision du 7 février 2019 par laquelle le préfet de police a rejeté son recours gracieux et la décision du 13 février 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui restituer les armes confisquées et de procéder à son retrait du fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de l'autoriser à acquérir et détenir des armes et munitions ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement statue sur le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire qui n'était pas soulevé;

- il est insuffisamment motivé ;

- il a ajouté un moyen, non visé, relatif au principe " non bis in idem " ;

Sur la légalité de l'arrêté du 2 novembre 2018 :

- le procès-verbal de notification de cet arrêté est irrégulier dès lors qu'il n'est pas possible d'identifier la personne ayant procédé à la remise de ce procès-verbal ;

- ce procès-verbal se fonde sur une lettre de la direction de la police générale du

8 octobre 2018, alors que les faits qui lui sont reprochés datent du 22 octobre 2018;

- il a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et les faits sont matériellement inexacts;

- il est poursuivi pour une prétendue infraction qui ne respecte pas le principe de légalité applicable en matière pénale et administrative ;

- l'interdiction temporaire d'acquisition et de détention d'armes et son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA) sont disproportionnées et contreviennent au principe de présomption d'innocence ;

Sur la légalité de la décision du 7 février 2019 du préfet de police rejetant son recours gracieux :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation;

Sur la légalité de la décision du 13 février 2019 du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle mentionne une enquête dont il ignore la teneur ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet aux écritures du préfet de police s'agissant de la régularité du jugement et à ses propres écritures de première instance pour les autres moyens soulevés et qui ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., né le 9 juin 1975, a été interpellé le 22 octobre 2018, au domicile de ses parents, en état d'ivresse manifeste, après avoir fait usage de son arme à feu. Ses armes lui ont alors été confisquées. Par un arrêté du 2 novembre 2018 remis le 7 novembre 2018, le préfet de police lui a ordonné, sur le fondement des dispositions de l'article L. 312-7 du code de sécurité intérieure, de remettre les armes et munitions encore en sa possession, lui a interdit d'en acquérir ou d'en détenir quelle que soit leur catégorie, et l'a informé que cette interdiction serait inscrite au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes et de munitions. Le 2 janvier 2019, M. C... a formé un recours gracieux ainsi qu'un recours hiérarchique contre cet arrêté, recours respectivement rejetés par le préfet de police le 7 février 2019 et par le ministre de l'intérieur le 13 février 2019. M. C... relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et des décisions rejetant ses recours gracieux et hiérarchique.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des points 11 et 12 du jugement attaqué que le Tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens tirés de l'erreur d'appréciation, et de ce que l'interdiction temporaire d'acquisition et de détention d'armes et son inscription au FINIADA sont disproportionnées et contreviennent au principe de présomption d'innocence. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

3. En second lieu, le requérant soutient que le Tribunal a statué ultra petita sur les moyens tirés d'une part, de la méconnaissance du principe du contradictoire, et d'autre part, de la méconnaissance du principe non bis in idem, lesquels n'étaient pas soulevés devant lui. Toutefois, le fait de répondre à un moyen qui n'a pas été soulevé, constitue un motif surabondant, et reste sans influence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 2 novembre 2018 :

4. En premier lieu, M. C... reprend en appel les moyens qu'il avait soulevés en première instance tirés du défaut de motivation, de l'irrégularité de sa notification, de la méconnaissance du principe de légalité applicable en matière pénale et administrative, de la méconnaissance du principe de présomption d'innocence et du caractère disproportionné de la mesure. Il ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le Tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, le requérant soutient que l'arrêté du 2 novembre 2018 a été signé par une autorité incompétente. Toutefois, d'une part, comme l'ont relevé les premiers juges, M. B..., signataire de la décision contestée, disposait d'une délégation consentie par un arrêté n° 2018-00738 du 20 novembre 2018, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 27 novembre 2018, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'étaient pas présentes ou empêchées au jour de la signature de l'arrêté en litige et d'autre part, la circonstance que l'arrêté ne vise pas la délégation est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

6. En troisième lieu, M. C... soutient que le procès-verbal du 7 novembre 2018 de notification de l'arrêté du 2 novembre 2018, se fonde sur une lettre de la direction de la police générale du 8 octobre 2018, alors que les faits qui lui sont reprochés datent du 22 octobre 2018. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la date du 8 octobre 2018 est une erreur de plume, à laquelle il convient de substituer la date du 2 novembre 2018. En tout état de cause, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure : " Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes et de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l'Etat dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie ". Selon l'article L. 312-9 du même code : " La conservation de l'arme et des munitions remises ou saisies est confiée pendant une durée maximale d'un an aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents. Durant cette période, le représentant de l'Etat dans le département décide, après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations, soit la restitution de l'arme et des munitions, soit la saisie définitive de celles-ci. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, le 22 octobre 2018, M. C... a fait l'objet d'une interpellation au domicile de ses parents, après avoir fait usage d'un fusil de chasse dans l'appartement, alors qu'il était en état d'ébriété. Les armes en sa possession ont été saisies le jour même sur instruction judiciaire et, le 24 octobre 2018, il a été placé sous contrôle judiciaire par le juge des libertés et de la détention pour " mise en danger d'autrui (risque immédiat de mort ou d'infirmité) par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence " avec obligation de déposer ses armes dans un délai de 24 heures, interdiction de détenir des armes et des munitions, et obligation de se soumettre à des mesures de traitement ou de soins, dont il devra justifier à l'audience prévue le 11 mars 2019. Si M. C... conteste la matérialité des faits, en soutenant qu'il a tiré dans un mur et non au plafond, cette circonstance est sans effet sur la nature des faits qui lui sont reprochés, ainsi que sur leur dangerosité. Par ailleurs, la circonstance que le juge de la détention n'a pas retenu son état d'ébriété ou la tentative de suicide est également sans influence sur le caractère dangereux de ses actes. De plus, si les autorités de police ont relevé, aux termes de son interpellation, qu'il était en règle avec les obligations de déclaration, et qu'il n'était pas connu des services de police du lieu où il exerce son activité professionnelle de gérant de restaurant, cette circonstance ne suffit pas à démontrer qu'il ne représenterait aucun danger pour lui-même ou pour autrui. En tout état de cause,

M. C... ne conteste ni le fait d'avoir fait usage d'une arme de chasse dans un appartement, ni avoir été en état d'ébriété au moment des faits. De plus, il ressort des pièces du dossier, notamment de la note d'information du 22 octobre 2018, que l'intéressé est connu des services de police pour des violences commises en 2003, usage public d'insigne ou de document pouvant créer une méprise avec ceux de la police en 2017, ainsi que pour détention de stupéfiants, également en 2017. S'il soutient qu'il ne fait plus l'objet d'un contrôle judiciaire, cette circonstance est liée au seul fait que ses armes lui ont été confisquées. Enfin, s'il soutient qu'il ne fait plus l'objet de contrôle judiciaire, que son casier judiciaire est vierge et qu'il n'est pas connu du Bureau des actions de santé mentale, ces différentes circonstances ne sauraient démontrer une absence de dangerosité. Par suite, le préfet a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer M. C... comme représentant un danger pour lui-même ou pour autrui au sens des dispositions de l'article de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure et édicter à son encontre la mesure contestée.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 7 février 2019 du préfet de police rejetant son recours gracieux et la légalité de la décision du 13 février 2019 du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique :

9. En premier lieu, M. C... reprend en appel les moyens qu'il avait soulevés en première instance tirés de l'incompétence de leurs auteurs et de l'insuffisance de motivation de ces décisions. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

10. En second lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les décisions par lesquelles d'une part, le préfet de police a, le 7 février 2019, rejeté le recours gracieux formé contre l'arrêté du 2 novembre 2018 et d'autre part, le ministre a, le 13 février 2019, rejeté le recours hiérarchique formé contre ce même arrêté, ne se substituent pas à la décision du

2 novembre 2018. Toutefois, les vices propres dont seraient entachées ces décisions ne peuvent être utilement invoqués à l'appui d'une requête tendant à la fois, à l'annulation d'une décision et à celle du refus de faire droit aux recours gracieux et hiérarchique formés contre cette décision. Ainsi les moyens tirés de ce que ces décisions de rejet du recours gracieux ou hiérarchique seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et de ce que la décision du 13 février 2019 ferait référence à une enquête dont il ignore la teneur, sont inopérants et doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Briançon, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2021.

La présidente-rapporteure,

C. BRIANÇON

L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01100 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01100
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-05 Police. - Polices spéciales. - Police du port et de la détention d'armes.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-30;20pa01100 ?
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