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17/12/2021 | FRANCE | N°19PA03808

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 17 décembre 2021, 19PA03808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Seven a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler le marché à bon de commande conclu le 10 novembre 2015, ayant pour objet l'imprimerie et le routage du projet dit " projet Constances ", et de condamner l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à lui verser la somme de 289 464,96 euros en réparation du préjudice causé par son éviction illégale.

Par un jugement n°1600215 du 24 septembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a décidé de résilier c

e marché, a condamné l'INSERM à verser à la société Seven la somme de 4 772,96 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Seven a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler le marché à bon de commande conclu le 10 novembre 2015, ayant pour objet l'imprimerie et le routage du projet dit " projet Constances ", et de condamner l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à lui verser la somme de 289 464,96 euros en réparation du préjudice causé par son éviction illégale.

Par un jugement n°1600215 du 24 septembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a décidé de résilier ce marché, a condamné l'INSERM à verser à la société Seven la somme de 4 772,96 euros au titre des préjudices subis du fait de son éviction illégale, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2019, la société Seven, représentée par

Me Gallo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 24 septembre 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du marché mentionné ci-dessus, et en tant qu'il a pour partie rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) d'annuler le marché à bon de commande conclu le 10 novembre 2015, mentionné ci-dessus ;

3°) de condamner l'INSERM à lui verser une somme de 289 464, 96 euros en réparation du préjudice causé par son éviction illégale, augmentée des intérêts moratoires à compter de la date d'enregistrement de la demande de première instance, avec capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'INSERM une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a pour partie rejeté ses conclusions indemnitaires au motif qu'elle n'aurait pas eu une chance sérieuse de remporter le marché ;

- compte tenu des illégalités qu'il a relevées, c'est également à tort qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du marché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2021, l'INSERM, représenté par

Me de Bailliencourt, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société Seven ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter le montant de l'indemnité allouée à la société Seven au titre du manque à gagner à la somme de 9 720,37 euros ;

3°) de mettre à la charge de la société Seven une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Seven ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la société In continu et services qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 27 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au

22 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

- le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet ;

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique ;

- les observations de Me Gallo pour la société Seven ;

- et les observations de Me de Bailliencourt pour l'INSERM.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 3 août 2015 au Bulletin officiel des annonces de marché public et au Journal officiel de l'Union européenne, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a lancé une consultation sous la forme d'un appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché de prestation de services d'impression et de routage des documents dans le cadre du projet dit " projet Constances ". Par un courrier du

15 octobre 2015, l'INSERM a informé la société Seven du rejet de son offre en lui communiquant le détail des notes qui lui avaient été attribuées ainsi que celui de la société

In continu et services, attributaire du marché. La société Seven a, après plusieurs échanges avec l'INSERM, et après avoir demandé communication du rapport d'analyse des offres et du procès-verbal de classement des offres, demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler le marché conclu le 10 novembre 2015, et de condamner l'INSERM à lui verser la somme de

289 464,96 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction. Par un jugement du

24 septembre 2019, le tribunal administratif a décidé de résilier ce marché, a condamné l'INSERM à verser à la société Seven la somme de 4 772,96 euros au titre des préjudices subis du fait de son éviction illégale, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société Seven fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du marché, et en tant qu'il a pour partie rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du marché :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

3. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

4. Il ressort du jugement attaqué que, pour décider de résilier le marché en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur une dénaturation du critère n° 2 (" organisation et méthodologie retenues par le candidat pour l'exécution de la prestation dans les délais impartis"), sur l'imprécision du critère n° 3 (" délai de réalisation des prestations "), sur l'illégalité du critère n° 5 (" références et expériences du candidat dans le domaine de la création et impression de documents ") et sur une erreur manifeste dans l'appréciation de certains critères, ainsi que sur la gravité de ces vices et sur l'absence de possibilité de régularisation. Il a de plus estimé à bon droit que ces mêmes vices n'ont pas trait au contenu du contrat, n'affectent pas le consentement des parties et, en l'absence de circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, ne justifient pas l'annulation du marché.

5. Si la société Seven conteste ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du marché, elle n'a fait état, ni en première instance, ni en appel, de vices affectant le contenu de ce marché ou le consentement des parties ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge devrait relever d'office. Ses conclusions tendant à l'annulation du marché ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du manque à gagner :

6. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

7. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a estimé que les manquements qu'il avait relevés devaient être regardés comme la cause directe de l'éviction de la société Seven, mais que n'ayant été classée qu'en troisième position, cette société n'avait pas de chance sérieuse de remporter le marché, et que, n'étant toutefois pas dépourvue de toute chance de remporter le contrat, elle avait droit au remboursement des frais engagés pour participer à la procédure de passation, pour un montant non contesté de 4 772,96 euros.

8. En se bornant à faire état des vices entachant les notations attribuées sur le 2ème

sous-critère du critère n° 2, et sur le critère n° 3, pour soutenir sans l'établir qu'en l'absence de ces vices, elle aurait obtenu les mêmes notes que l'attributaire sur ces critères, et que les pondérations affectées au critère n° 3 et au critère n° 5 auraient dû être réaffectées par l'INSERM au critère n° 1, tiré du prix, la société Seven ne démontre pas que son offre aurait pu être classée en première position, devant celle de la société CFI Technologie et devant celle de l'attributaire, et donc qu'elle aurait eu une chance sérieuse de remporter le marché. Ses conclusions tendant à l'indemnisation du manque à gagner qu'elle soutient avoir subi ne peuvent donc qu'être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Seven n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 24 septembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a pour partie rejeté les conclusions de sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'INSERM qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Seven demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Seven une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'INSERM et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Seven est rejetée.

Article 2 : La société Seven versera à l'INSERM une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Seven Sarl, à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et à la société In Continu et Services SAS.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA03808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03808
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : GALLO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-17;19pa03808 ?
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