La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2021 | FRANCE | N°20PA04134

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 15 décembre 2021, 20PA04134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1913404 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26

novembre 2020 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, transmise à la Cour par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1913404 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2020 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, transmise à la Cour par une ordonnance n° 20VE03060 du 2 décembre 2020 du président assesseur de la cinquième chambre de la Cour administrative d'appel de Versailles, Mme D..., représentée par Me Walther, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1913404 du 3 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et en tout état de cause, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il indique à tort qu'elle n'a produit que des documents ne comportant aucune précision quant à l'accès effectif aux soins dans son point d'origine ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin ayant transmis le rapport médical n'aurait pas siégé au sein du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur de droit en appliquant les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016 ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut avoir un accès effectif aux soins dans son pays d'origine ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité du refus du titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Aggiouri a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante sénégalaise née le 13 octobre 1975, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 octobre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme B... soutient que les premiers juges auraient indiqué à tort que les documents qu'elle produisait ne comportaient aucune précision quant à l'accès effectif aux soins dont elle pouvait bénéficier dans son pays d'origine. Toutefois, une telle circonstance a trait au bien-fondé du jugement contesté et non à sa régularité. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. [...] La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat [...] ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé [...] ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport [...] ".

4. Mme D... soutient qu'il n'est pas établi que le médecin ayant rendu le rapport médical prévu par les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'aurait pas siégé lors de l'examen de sa situation par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 28 décembre 2018, que le rapport médical a été établi, le 4 septembre 2018, par le docteur C..., lequel n'a pas siégé au sein de ce collège. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 doit être écarté.

5. En deuxième lieu, Mme D... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait fondé sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11, dans sa version issue de l'article 26 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016. Ce faisant, Mme D... reprend en appel un moyen qu'elle avait déjà invoqué en première instance. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges, au point 4 de leur jugement.

6. En troisième lieu, pour refuser à Mme D..., qui a subi une greffe de cellules souches en 2011, la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII, en date du 28 décembre 2018, indiquant que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et a estimé en conséquence que son admission au séjour n'avait pas lieu d'être prononcée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour établir l'indisponibilité des soins nécessaires au Sénégal, Mme D... produit, outre diverses pièces médicales telles que des comptes rendus d'hospitalisation ou des ordonnances médicales, des certificats médicaux datés du 12 décembre 2019 et du 8 décembre 2020, qui, s'ils décrivent la surveillance clinique et radiologique à laquelle elle doit s'astreindre, énoncent dans des termes généraux et peu circonstanciés l'impossibilité de mettre en œuvre, au Sénégal, une telle surveillance. Ainsi, les éléments produits par Mme D... ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII. dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme D... se prévaut, d'une part, de sa présence en France depuis 2011, sous couvert, depuis février 2012, de titres de séjour, d'autre part, de son activité professionnelle, entre janvier 2019 et septembre 2019, en qualité d'agent spécialisé des écoles maternelles. Toutefois, Mme D..., entrée en France à l'âge de 36 ans, n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident son époux et ses quatre enfants. dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de renouveler le titre de séjour de Mme D..., le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de Mme D... doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment. Il en est de même du moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme D... à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

K. AGGIOURI

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA04134 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04134
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-15;20pa04134 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award