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13/12/2021 | FRANCE | N°21PA03963

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 décembre 2021, 21PA03963


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 mai 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2110970/8 du 14 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en procédure normale dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de ce jugement.

Pr

océdure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2021, le préfet de p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 mai 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2110970/8 du 14 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en procédure normale dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de ce jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que son arrêté prononce la remise aux autorités roumaines de M. B... et non son renvoi en Afghanistan ; en conséquence, le moyen tiré des risques de persécutions dans le pays d'origine est inopérant ; en outre, M. B... ne démontre ni qu'il aurait subi des mauvais traitements en Roumanie ni qu'il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays ;

- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan se disant né le 8 janvier 1990, est entré irrégulièrement en France et a sollicité, le 19 mars 2021, son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 17 mai 2021, notifié le même jour, le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités roumaines. Par un jugement du 14 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint à l'autorité précitée d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en procédure normale dans le délai d'un mois suivant la notification de ce jugement. Le préfet de police relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté en litige comme méconnaissant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé, d'une part, sur les traitements inhumains dont aurait fait l'objet M. B... dès son arrivée en Roumanie et la circonstance que ce pays présenterait de graves défaillances dans le traitement des demandeurs d'asile et, d'autre part, sur les risques de renvoi en Afghanistan de M. B... sans examen de sa situation en cas de transfert en Roumanie.

4. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

5. Si M. B... s'est prévalu, d'une part, de mauvais traitements de la part de policiers roumains ainsi que d'une absence complète d'accès à une assistance matérielle ou juridique de la part des autorités roumaines, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations, alors en outre que, dans le cadre de l'entretien individuel dont il a bénéficié auprès d'un agent de la préfecture de police, le 19 mars 2021, avec l'assistance d'un interprète en langue pachto qu'il a déclaré comprendre, l'intéressé n'a aucunement fait état des faits précités, notamment dans les observations qu'il a été invité à formuler à la fin de l'entretien. D'autre part, si M. B... a invoqué différents rapports, notamment ceux de la Mission d'Assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), d'Amnesty International, de La Cimade ou de l'hebdomadaire l'Express ainsi qu'un communiqué du Défenseur des droits, il n'établit toutefois pas, par les documents qu'il produit, qu'il existerait des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Roumanie qui constitueraient des motifs sérieux de croire que sa demande d'asile ne sera pas traitée par les autorités roumaines dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'il aurait, lors de son passage dans ce pays, été soumis à des traitements inhumains ou dégradants ou qu'il risquerait de l'être s'il y est renvoyé. Enfin et contrairement à ce qu'il soutient, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même que la demande d'asile présentée en Roumanie par M. B... est en cours d'instruction, que les autorités roumaines n'évalueront pas, avant de procéder à son éventuel éloignement, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le transfert de M. B... en Roumanie entraînerait un risque réel et avéré que l'intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

6. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a jugé que l'arrêté du 17 mai 2021 portant transfert de M. B... aux autorités roumaines méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et s'est fondé sur ce motif pour annuler cet arrêté.

7. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

8. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-01102 du 28 décembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 28 décembre 2020, le préfet de police a donné à

M. C... A..., chef du 12ème bureau de la direction de la police générale à la préfecture de police, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

9. En second lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ". Aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ; (...) ; d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre (...) ". Et aux termes de l'article 26 de ce règlement : " 1. Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier, notamment du relevé Eurodac du 18 mars 2021, que M. B... a déposé des demandes d'asile successivement le 22 août 2019 en Grèce, le 9 août 2020 et le 28 octobre 2020 en Roumanie, ainsi que le 25 août 2020 en Autriche. Sur la base de ce relevé, le préfet de police a notamment saisi, le 26 avril 2021, les autorités roumaines d'une demande de reprise en charge de M. B..., sur le fondement de l'article 18 1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par une décision du 10 mai 2021, les autorités roumaines ont fait connaître leur accord en se référant explicitement à l'article 18 1 d) du même règlement. La Roumanie s'étant ainsi reconnue Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B... sur la base des critères énumérés dans ce règlement, le préfet de police était légalement fondé, en application de l'article 26 du règlement, à décider le transfert de M. B... aux autorités roumaines, alors même que la Grèce était le premier Etat membre dans lequel M. B... avait sollicité l'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement (...) ". Aux termes de l'article 23 du même règlement : " (...) 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013 ". Aux termes de l'article 25 de ce règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines (...) ". Et aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

12. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a produit, en première instance, l'accusé de réception " DubliNet " généré par le point d'accès national de l'Etat requis, établissant qu'il a saisi, le 26 avril 2021, soit dans le délai de deux mois à compter de la date de l'introduction de la demande prévu par les dispositions précitées de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités roumaines d'une requête aux fins de reprise en charge de M. B.... Les autorités roumaines ont donné explicitement leur accord à cette reprise en charge par un courriel du 10 mai 2021, soit dans le délai de deux semaines prévu à l'article 25 du même règlement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 21, 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 doit être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre contre signature, le

18 mars 2021, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et le guide du demandeur d'asile et le

19 mars 2021 la brochure Eurodac ainsi que la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), que ces documents lui ont été remis en langue pachto, langue officielle de l'Afghanistan que l'intéressé a déclaré comprendre. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la garantie tenant au droit à l'information tel que garanti par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n° 603/2013 du

29 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Chaque Etat membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement. / Le non-respect du délai de 72 heures n'exonère pas les Etats membres de l'obligation de relever et de transmettre les empreintes digitales au système central. Lorsque l'état des doigts ne permet pas de relever des empreintes digitales d'une qualité suffisante pour une comparaison appropriée au titre de l'article 25, l'Etat membre d'origine procède à un nouveau relevé des empreintes digitales du demandeur et le retransmet dès que possible et au plus tard 48 heures suivant ledit relevé de bonne qualité ". Aux termes de l'article 29 du même règlement : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'Etat membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1 ".

16. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 29 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Ainsi, si M. B... entend se prévaloir des articles 9 et 29 cités au point précédent, la méconnaissance de l'obligation d'information qu'ils consacrent ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / [...] 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national [...] ".

18. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié, le 19 mars 2021, d'un entretien individuel assuré par un agent de la préfecture de police. Le préfet de police a produit, en annexe de ses écritures en défense, un résumé de cet entretien contenant les principales informations fournies par le demandeur à cette occasion. Si ce résumé ne comporte pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu par un agent du douzième bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile de la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de M. B... a été mené par une personne qualifiée au sens du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé l'intéressé de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Par ailleurs, cet entretien s'est déroulé avec le concours d'un interprète qualifié de l'agence ISM interprétariat dont le nom, le prénom et l'adresse sont indiqués, en langue pachto, langue comprise par l'intéressé, qui a d'ailleurs déclaré " avoir compris l'ensemble des termes de cet entretien ". Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien individuel se serait déroulé dans des conditions ne garantissant pas sa confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2, 3 et 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 mai 2021, lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en procédure normale dans le délai d'un mois et a mis à sa charge la somme de 1 100 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2110970/8 du Tribunal administratif de Paris du 14 juin 2021 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2021

Le rapporteur,

P. MANTZLa présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 21PA03963


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03963
Date de la décision : 13/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-13;21pa03963 ?
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