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09/12/2021 | FRANCE | N°21PA00797

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 09 décembre 2021, 21PA00797


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 20177859/4-3 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... C...

un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 20177859/4-3 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... C... un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 janvier 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... C... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le motif d'annulation retenu par les premiers juges tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ;

- il reprend ses écritures de première instance quant aux autres moyens soulevés par le requérant dans cette instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, M. A... C..., représenté par Me. Skander, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de sa demande de titre, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Renaudin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., de nationalité tunisienne, né le 19 avril 1986, est entré en France en mai 2013 sous couvert d'un visa de court séjour Schengen. Il a sollicité le 18 février 2020 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 septembre 2020, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... C... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris. Par un jugement du 15 janvier 2021, dont le préfet de police fait appel, ce tribunal a annulé son arrêté du 9 septembre 2020 et lui a enjoint de délivrer à M. A... C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Pour annuler l'arrêté du 9 septembre 2020, les premiers juges ont retenu que le préfet de police avait porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A... C... en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois si M. A... C... est né en France, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il y serait resté, ni même qu'il y aurait été scolarisé, comme il le soutient. Il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France après l'expiration de son visa de court séjour avec lequel il est entré en mai 2013. S'il se prévaut de la présence de ses parents et de ses trois frères, qui résident en France, et justifie de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis 2013, il n'établit pas la réalité et la stabilité des liens qu'il entretient avec sa famille, ayant résidé à Marseille au cours de la plupart des années qu'il a passées en France, tandis que ses parents habitent à Paris. Il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans charge de famille et il n'établit pas être dépourvu d'attaches en Tunisie où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans, ni ne justifie de l'intensité de nouveaux liens qu'il aurait créés en France. Par ailleurs, son activité professionnelle en contrat à durée indéterminée, à un poste de technicien, n'est établie que depuis mai 2019, soit depuis un peu plus d'un an seulement à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le tribunal a annulé son arrêté du 9 septembre 2020.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... C... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'acte attaqué :

5. L'arrêté attaqué est signé par Mme B... D..., adjointe à la cheffe du 9ème bureau. Mme D..., attachée d'administration de l'Etat, de la direction de la police générale, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de police, en vertu d'un arrêté n° 2020-00508 du 16 juin 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

Quant au défaut de motivation de l'acte et d'examen de la situation personnelle de l'intéressé :

6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'admission exceptionnelle au séjour, en vigueur à la date de la décision attaquée : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

7. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour pour l'exercice d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour en cette qualité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national s'agissant d'un point traité par l'accord franco-tunisien. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour à la différence de l'article L. 313-14 du code précité, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la feuille de salle de sa demande de titre de séjour, que M. A... C... a demandé une admission exceptionnelle au séjour, et qu'il a indiqué la présence de membres de sa famille en France ainsi que son activité de technicien. L'arrêté attaqué vise l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il indique que l'intéressé ne remplit pas les conditions prévues par l'article 3 de l'accord franco-tunisien en relevant qu'il ne dispose ni d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, ni d'un visa de long séjour, mais aussi, que ni son expérience professionnelle, ni la demande d'autorisation de travail dont il se prévaut, pas plus que l'ancienneté de son séjour en France ne constituent des motifs exceptionnels de nature à permettre son admission au séjour au titre du pouvoir de régularisation du préfet. Si M. A... C... fait valoir que sa demande n'a pas été examinée au regard de sa vie familiale, la décision attaquée mentionne également qu'il est célibataire et sans charge de famille, qu'il ne justifie pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger et que la présence des membres de sa famille en France ne lui confère aucun droit au séjour au regard de la législation en vigueur, et enfin que les éléments qu'il fait valoir ne peuvent être regardés comme des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, l'arrêté en litige comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. A... C... au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables.

Quant au respect du principe du contradictoire :

9. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-1 sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". L'article L. 122-1 du même code précise que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-1 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Si M. A... C... fait valoir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas pu faire valoir ses observations préalablement à son édiction, conformément aux dispositions précitées des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, il résulte des termes mêmes de ces dispositions, qu'elles ne peuvent, en tout état de cause, être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé. Au demeurant, s'étant présenté à la préfecture dans le cadre de sa demande de titre de séjour, il lui était loisible de faire valoir tout élément utile à son instruction.

Quant au défaut de saisine de la commission du titre de séjour :

10. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " la commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L.313-11 (...) ". Toutefois, aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... n'est entré en France qu'en 2013 et qu'il ne justifie donc pas d'une résidence habituelle de plus de dix ans. Dès lors le préfet de police n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

Quant à l'erreur manifeste d'appréciation :

12. Aux termes des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention ''salarié'' ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... ne disposait pas d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, dès lors il ne peut prétendre qu'il remplissait les conditions pour la délivrance d'un titre de séjour salarié sur le fondement des stipulations précitées de l'accord franco-tunisien. Au surplus, s'il se prévaut de son insertion professionnelle en France, il ne justifie d'un contrat de travail que depuis mai 2019, soit très récemment à la date de la décision attaquée. Dès lors M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle sur le plan professionnel. Pour les motifs déjà exposés au point 3, il n'a pas plus commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

14. Le refus de titre de séjour n'étant pas illégal, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2020 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit, ses conclusions présentées en première instance, comme celles présentées en appel, aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 20177859/4-3 du 15 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... C... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 18 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, premier vice-président,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

3

N° 21PA00797


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00797
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SKANDER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-09;21pa00797 ?
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