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07/12/2021 | FRANCE | N°20PA01477

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 07 décembre 2021, 20PA01477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 8 février 2018 du Centre des monuments nationaux supprimant le poste d'adjoint au responsable de la librairie-boutique de l'hôtel de Sully, ainsi qu'à l'annulation de la décision du 19 février 2018 l'affectant au château de Vincennes à compter du 5 mars 2018, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1811073/5-2 du 19 ma

rs 2020, le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a prononcé un non-lie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 8 février 2018 du Centre des monuments nationaux supprimant le poste d'adjoint au responsable de la librairie-boutique de l'hôtel de Sully, ainsi qu'à l'annulation de la décision du 19 février 2018 l'affectant au château de Vincennes à compter du 5 mars 2018, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1811073/5-2 du 19 mars 2020, le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 février 2018, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, enfin, a mis à sa charge une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2020, et un mémoire, enregistré le

22 octobre 2021, Mme C... B..., représentée par Me Lerat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1811073 du 19 mars 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 8 février 2018 ;

3°) de mettre à la charge du Centre des monuments nationaux la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, d'une part, pour défaut de réponse au moyen tiré de la méconnaissance des articles 6 et 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, d'autre part, pour insuffisance de motivation sur les autres moyens ;

- la décision litigieuse de suppression de poste est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit ;

- elle constitue une discrimination en raison de son état de santé ;

- elle constitue un harcèlement moral prohibé par l'article 6 quinquies de la loi du

13 juillet 1983;

- elle constitue une sanction disciplinaire déguisée; elle est entachée de détournement de pouvoir et de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, le Centre des monuments nationaux, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... sont infondés.

Par une ordonnance du 28 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

22 octobre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- l'arrêté du 22 juillet 2014 instituant des comités techniques au ministère de la culture et de la communication ;

- le cadre de gestion du personnel non titulaire du Centre des monuments nationaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès ;

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique ;

- les observations de Me Lerat pour Mme C... B... ;

- et les observations de Me Brecq-Coutant pour le Centre des monuments nationaux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., agent contractuel du Centre des monuments nationaux (CMN), exerçait les fonctions de responsable adjointe au sein de la librairie-boutique de l'hôtel de Sully. Elle a été placée en congé maladie à compter du 4 mars 2015 et déclarée apte à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique à 50%, après une visite médicale du 9 février 2017. Mme C... B... a alors demandé à reprendre ses précédentes fonctions au sein de la librairie de l'hôtel de Sully. Le CMN a toutefois refusé de faire droit à sa demande, en se prévalant de la suppression du poste. Mme C... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision portant suppression de ce poste, ainsi que de celle l'affectant au château de Vincennes à compter du 5 mars 2018. Par un jugement du 19 mars 2020, le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision d'affectation au château de Vincennes, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme C... B... relève appel de ce jugement, même si elle ne soulève aucun moyen à l'encontre du non-lieu à statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme C... B... a soulevé à l'encontre de la décision de suppression de poste le moyen tiré de la méconnaissance des articles 6 et 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.

Le tribunal n'a pas répondu à ce moyen, ni d'ailleurs ne l'a visé alors qu'il n'est pas inopérant. Du fait du défaut de visa et de réponse à un moyen qui n'est pas inopérant, le jugement doit être annulé dans la limite du litige concernant la décision de suppression de poste, alors d'ailleurs que la requérante ne conteste plus le non-lieu à statuer partiel, soit les articles 2 et 3 du jugement.

3. Il y a lieu, pour la Cour, dans cette limite, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme C... B... devant le Tribunal administratif de Paris et sur ses conclusions d'appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 février 2018 portant suppression du poste de responsable-adjoint de la librairie-boutique de l'hôtel de Sully :

4. En premier lieu, si la requérante soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée, une telle décision n'entre pas dans le champ d'application des décisions administratives individuelles devant être motivées, au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions du décret du

15 février 2011 et de l'arrêté du 22 juillet 2014, susvisés, que le comité technique créé auprès du ministre chargé de la culture est compétent pour l'examen des questions communes au sein du CMN. En outre, le décret du 15 février 2011, en son titre II, fixe les règles relatives à la composition du comité technique ministériel.

6. D'une part, il ressort des procès-verbaux des séances du comité technique du

23 novembre 2017 et du 29 décembre 2017 que, respectivement, deux représentants titulaires de l'administration, cinq représentants titulaires du personnel, ainsi que des experts, et deux représentants de l'administration, six représentants titulaires du personnel et des experts, étaient présents lors de ces deux séances. Ainsi, faute pour la requérante de préciser en quoi une telle composition serait irrégulière, en méconnaissance en particulier des règles précisées par le décret du 15 février 2011, aucun vice de procédure ne saurait à cet égard être caractérisé. D'autre part, les membres du comité technique ont été convoqués le 26 octobre 2017 pour la réunion du

23 novembre 2017 et ont également été destinataires d'une convocation pour la réunion du

19 décembre 2017. Si cette dernière n'est pas datée, Mme C... B... ne démontre pas, ni n'allègue, qu'elle aurait été reçue tardivement par les membres du comité. En outre, le CMN verse en défense l'ordre du jour des deux séances. Enfin, sont également produites par le CMN les notes d'information sur le point concernant la réorganisation de la librairie-boutique de l'hôtel de Sully, pour chaque séance. Les membres du comité technique ont, ce faisant, bénéficié d'une information suffisante et adéquate, pour leur permettre de se prononcer utilement et de manière éclairée. En conséquence, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté en ses deux branches.

7. En troisième lieu, la requérante soutient que la décision litigieuse est entachée erreur manifeste d'appréciation quant à l'intérêt du service. Or, il ressort des pièces du dossier que le CMN, dès 2015, avait souhaité mettre en œuvre une réorganisation de l'ensemble du service, pour des motifs financiers et organisationnels. A cet égard, le CMN justifie cette volonté par des motifs tenant à l'amélioration de la rentabilité de l'établissement, à l'organisation du service et à " l'ambiance " au sein de l'établissement. Tout d'abord, le projet de modification des horaires d'ouverture et de fermeture de la boutique- librairie a été soumis au comité technique, lors de sa séance du 20 octobre 2015, qui a rendu un avis défavorable et, en décembre 2015, une première partie des aménagements et modifications prévus a été mise en place. Le 11 février 2016, le comité technique a été saisi, pour information, sur le " projet d'organigramme de la librairie Sully ". Ce projet comportait un unique responsable de la librairie et ne mentionnait pas un poste d'adjoint au responsable. Enfin, le comité technique a été consulté, le 23 novembre et le

19 décembre 2017, sur le projet de réorganisation de la librairie-boutique de l'hôtel Sully, en émettant un avis défavorable, avis défavorable qui ne liait cependant pas le CMN. Par suite, il résulte de ces éléments que la suppression de l'ancien poste de Mme C... B... a été envisagée et décidée dans un but économique et de restructuration du service. De telles nécessités tirées de l'organisation du service, dans l'intérêt du service, étaient donc de nature à justifier la suppression du poste d'adjoint au responsable de la librairie-boutique de l'hôtel de Sully. Il s'ensuit qu'aucune erreur de droit, erreur de fait ou erreur manifeste d'appréciation n'a été commise par le CMN.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. ".

9. Si Mme C... B... fait valoir qu'elle a fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé, dès lors que le poste qu'elle occupait a été supprimé à l'issue de son congé maladie, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que c'est bien l'intérêt du service qui a justifié la suppression de son précédent poste. Par suite, la requérante n'a fait l'objet d'aucune discrimination en raison de son état de santé et le moyen doit être écarté.

10. En quatrième lieu, Mme C... B... soutient que la suppression de son précédent poste constitue en réalité une sanction déguisée, ou à tout le moins, un détournement de pouvoir et de procédure, dès lors que la mesure est prise en raison des faits qui lui sont reprochés et qui ont été révélés par l'enquête du CHSCT. S'il n'est pas contesté que des agents, qui étaient placés sous l'autorité de la requérante, ont fait état de griefs à l'encontre de celle-ci lors de l'enquête menée par le CHSCT, il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 7 que la suppression de son poste est fondée, non sur ces reproches, mais sur l'intérêt du service, caractérisé par la volonté de réorganiser la librairie. Ces moyens doivent donc être écartés.

11. En dernier lieu, si Mme C... B... soutient que la décision attaquée caractérise une situation de harcèlement moral, il ressort au contraire des pièces du dossier, comme il a été dit, qu'elle est justifiée par l'intérêt du service. Ce dernier moyen doit donc également être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 février 2018 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... B... doivent également être rejetées, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au titre du même article par le CMN.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1811073/5-2 du 19 mars 2020 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande de Mme C... B... devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du Centre des Monuments Nationaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et au Centre des Monuments Nationaux.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2021.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de la culture de en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20PA01477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01477
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : LERAT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-07;20pa01477 ?
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