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30/11/2021 | FRANCE | N°21PA02881

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 novembre 2021, 21PA02881


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique

n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au

cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur publ...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique

n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

2. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (...), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ". Il résulte de ces dispositions que le juge administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, procède à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. En vertu des articles 1, 2 et 3 de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, toute personne souffrant d'une maladie radio-induite inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat et résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français en Polynésie française peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dès lors qu'elle justifie y avoir résidé ou séjourné entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998. En vertu du I de l'article 4 de la même loi, les demandes d'indemnisation sont présentées au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Le V du même article, en ses dispositions critiquées par Mme B..., combiné avec les dispositions des articles L.1333-2 et R.1333-11 du code de la santé publique, prévoit que ce comité examine si les conditions sont réunies, auquel cas l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à 1 mSv par an.

4. Aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : " La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ". Il résulte de ces dispositions qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. La faculté d'agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle. Toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée. Il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la même Déclaration.

5. En premier lieu, les dispositions du V de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2010 arguées d'inconstitutionnalité se bornent à mettre en œuvre le régime d'indemnisation des victimes directes des essais nucléaires français institué à l'article 1er de la même loi, lequel, au demeurant, est fondé non pas sur la faute, mais sur la solidarité nationale. Il s'ensuit que Mme B... ne peut utilement invoquer, à l'encontre de ces dispositions, l'exigence constitutionnelle garantissant la faculté d'agir en responsabilité à l'encontre de la personne par la faute de laquelle un dommage a été causé.

6. En second lieu, et en tout état de cause, l'exigence constitutionnelle énoncée au point 4 admet des aménagements fondés, comme en l'espèce, sur un motif d'intérêt général. Par suite, Mme B... ne peut utilement soutenir que ces mêmes dispositions, en conditionnant la mise en œuvre de la présomption de causalité à un seuil minimal d'exposition aux rayons ionisants, porteraient atteinte à un " principe constitutionnel de la réparation intégrale et de lien de causalité entre les faits et le préjudice subi".

7. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée est dépourvue de caractère sérieux. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'applicabilité au litige des dispositions en cause, il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... E... B... et au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.

La présidente-rapporteure,

M. HEERSL'assesseure la plus ancienne,

C. BRIANÇON,

M. HEERS

M. C...

La greffière,

S. GASPAR

,

S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les

parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 21PA02881 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02881
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-10 Procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SEP USANG CERAN-JERUSALEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-30;21pa02881 ?
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