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27/10/2021 | FRANCE | N°21PA00947

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 octobre 2021, 21PA00947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible.



Par un jugement n° 2014248 du 25 janvier 2021, le Tribunal administratif de Mo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible.

Par un jugement n° 2014248 du 25 janvier 2021, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de trois mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête enregistrée le 24 février 2021 sous le n° 21PA00947, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2014248 du 25 janvier 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté au motif qu'il n'était pas justifié de la notification à M. A... de l'ordonnance du 28 mai 2020 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours formé à la suite d'une demande de réexamen ; il justifie de la notification de cette décision le 24 juin 2020 ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Cette requête du préfet de la Seine-Saint-Denis a été communiquée à la dernière adresse connue de M. A..., qui n'a pas produit en défense.

II - Par une requête enregistrée le 24 février 2021 sous le n° 21PA00961, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article

R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2014248 du 25 janvier 2021 du Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, outre l'annulation du jugement attaqué le rejet de la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

- c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté au motif qu'il n'était pas justifié de la notification à M. A... de l'ordonnance du 28 mai 2020 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours formé à la suite d'une demande de réexamen ; il justifie de la notification de cette décision le 24 juin 2020 ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Cette requête a été communiquée à la dernière adresse connue de M. A..., qui n'a pas produit en défense.

Par ordonnances du 1er mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée dans ces deux affaires au 1er avril 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brotons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 20 novembre 1984, a présenté une demande d'asile le 9 février 2018, qui a été rejetée par décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 14 juin 2018. Son recours contre cette décision a été rejeté par un jugement de la Cour nationale du droit d'asile du 25 février 2019.

M. A... a, par la suite, présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 décembre 2019. Le président désigné de la Cour nationale du droit d'asile a rejeté par une ordonnance du 28 mai 2020 le recours formé contre cette décision. Tirant les conséquences de l'ensemble de ces décisions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par arrêté en date du 25 novembre 2020, refusé l'admission au séjour de M. A... au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la première requête susvisée, il relève appel du jugement n° 2014248 du 25 janvier 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé son arrêt du 25 novembre 2020, lui a enjoint de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance. Par la seconde requête, il sollicite le sursis à exécution de ce jugement.

2. Les deux requêtes susvisées du préfet de la Seine-Saint-Denis, qui doivent être regardées comme dirigées contre les articles 2 à 4 du jugement susmentionné et tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution de ce jugement, ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

3. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 213-6. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. / La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception. ". Enfin, aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

4. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 25 novembre 2020, le tribunal a relevé qu'alors que M. A... soutenait ne pas avoir reçu notification de l'ordonnance du 28 mai 2020 par laquelle le président désigné de la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande de réexamen de sa demande d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'apportait, en défense, aucun élément sur l'état de la procédure d'asile introduite par le requérant, ni ne produisait la moindre pièce permettant d'apprécier la réalité de la notification à l'intéressé de l'ordonnance du 28 mai 2020. Toutefois, le préfet de la Seine-Saint-Denis produit en appel le relevé d'information de la base de données " Telemofpra " relative à l'état des procédures de demande d'asile et qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il ressort que la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 mai 2020 a été notifiée à M. A... le 24 juin 2020.

5. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur le motif susrappelé pour annuler son arrêté du 25 novembre 2020.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment son article L. 511-1, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde, rappelle les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile sur les demandes d'asile déposées par M. A... et précise notamment qu'il ne justifie pas d'une situation personnelle et familiale en France à laquelle la décision d'éloignement porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou dans tout pays dans lequel il serait effectivement admissible. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

8. En deuxième lieu, lorsqu'un étranger présent sur le territoire français sollicite l'asile, il ne saurait ignorer qu'en cas de rejet définitif de sa demande, ainsi que le rappellent les dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt et de l'instruction de cette demande, il est conduit à exposer de manière exhaustive, auprès des autorités compétentes, l'ensemble des motifs justifiant selon lui que la qualité de réfugié lui soit reconnue ou que le bénéfice de la protection subsidiaire lui soit accordé, et à produire tous éléments en ce sens. Il lui est, par ailleurs, loisible de faire valoir, auprès de l'administration placée sous l'autorité du préfet compétent pour enregistrer sa demande, tout élément pertinent susceptible d'influencer la décision de l'éloigner ou non du territoire français à l'issue de la procédure, si sa demande fait l'objet d'une décision de rejet, ainsi que les modalités retenues pour l'exécution de cette mesure. Le droit de l'intéressé d'être entendu, qui se trouve ainsi en principe satisfait, n'impose pas à l'administration de le mettre à même de présenter ses observations de façon spécifique sur l'obligation de quitter le territoire français, prise en conséquence du refus de sa demande d'asile.

9. En l'espèce, M. A... ne conteste pas avoir été mis en mesure, lors du dépôt de sa première demande d'asile, d'exposer l'ensemble des éléments justifiant qu'une protection internationale lui soit accordée. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait été privé de la possibilité de présenter avant le 25 novembre 2020, date de l'arrêté contesté, des éléments pertinents qui auraient pu avoir une incidence sur le sens de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu doit être écarté.

10. Enfin, pour les motifs indiqués au point 4., M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation ou qu'elle est dépourvue de base légale, au motif qu'il bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué faute de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Pour les motifs indiqués aux points 7. à 10. ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale en conséquence de l'illégalité de la mesure d'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. Par ailleurs il ressort de la motivation de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Saint-Denis a évalué les risques encourus par M. A... en cas de retour au Bangladesh, indépendamment de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

13. Enfin, si M. A... soutient qu'il encourt des risques pour sa sécurité et pour sa vie en cas de retour au Bangladesh, ces allégations ne sont étayées par aucune des pièces versées au dossier, alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée le 28 mai 2020. Il n'est donc pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 25 novembre 2020, lui a enjoint de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance. Il y a lieu en conséquence d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal.

Sur la requête n° 21P00961 :

15. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 21PA00947 du préfet de de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 25 janvier 2021, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 21PA00961 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis sollicite de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA00961.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2014248 du 25 janvier 2021 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président-assesseur

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2021.

Le président-rapporteur,

I. BROTONSL'assesseur le plus ancien,

F. PLATILLERO

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

Nos 21PA00947...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00947
Date de la décision : 27/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-27;21pa00947 ?
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