Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
9 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
Par un jugement n° 2105578 du 17 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il avait refusé d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire, et en tant qu'il avait prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois (article 1er), et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de
M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du Tribunal administratif de Paris du
17 juin 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré de l'absence de menace pour l'ordre public au sens des dispositions du 1°) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2021, M. A..., représenté par
Me Fouache, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail, modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 6 décembre 1983 à Tataouine (Tunisie), entré en France en octobre 2010 selon ses déclarations, a, le 20 octobre 2020, sollicité son admission au séjour, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, et de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, visé ci-dessus. Par un arrêté du 9 mars 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois. Le préfet de police fait appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il avait refusé d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire, et en tant qu'il avait prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
Sur la requête du préfet de police :
2. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
3. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... et pour prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de police a relevé qu'il s'était prévalu d'une fausse carte nationale d'identité auprès de son employeur, et a estimé que son comportement constituait une menace pour l'ordre public. Le tribunal administratif a relevé que le préfet de police ne produisait aucun élément prouvant l'existence de la fausse carte d'identité, et n'établissait pas la fraude de M. A... et la menace que son comportement constituait pour l'ordre public. Toutefois, le préfet de police, en produisant, pour la première fois en appel, cette fausse carte d'identité, démontre que le comportement de M. A... constitue une menace pour l'ordre public. Il est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, pour ce motif, partiellement annulé son arrêté du 9 mars 2021.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris, et en appel.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
5. En premier lieu, il ressort du jugement du Tribunal administratif de Paris du
17 juin 2021 que les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ne sont entachées d'aucune illégalité. M. A... n'est donc pas fondé à se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions, pour demander l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.
6. En deuxième lieu, par un arrêté n° 2020-001102 du 28 décembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2020-433 de la préfecture de Paris du même jour et au bulletin officiel de la ville de Paris du 5 janvier 2021, le préfet de police a donné délégation à Mme Catherine Kergonou, conseiller d'administration de l'intérieur et de
l'outre-mer, cheffe du 9ème bureau, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers conformément à l'article 10 de l'arrêté n°2021-00160 du
22 février 2021 relatif aux missions et à l'organisation de la direction de la police générale.
7. En troisième lieu, en faisant état de la durée de sa présence en France, de la présence de sa mère et de ses frère et sœur, ainsi que de celle de son père, décédé au mois de juin 2020, et de sa situation professionnelle, M. A... ne démontre pas que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation.
8. En quatrième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
9. En visant ces dispositions, et en faisant expressément référence à la durée de la présence de M. A... sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France, ainsi qu'à la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français, l'arrêté en litige comporte l'exposé de l'ensemble des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Il ne ressort d'ailleurs pas de cette motivation que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation de M. A....
10. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Si M. A... fait état de la durée de sa présence en France, de la présence de sa mère et de ses frère et sœur, ainsi que de celle de son père, décédé au mois de juin 2020, et de sa situation professionnelle, il ne conteste pas être célibataire et sans enfant, et n'être pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays où résident ses autres frère et sœur, et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la menace pour l'ordre public que représente sa présence en France, la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus, ou comme reposant sur une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
9 mars 2021 en tant qu'il a refusé d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire, et en tant qu'il a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
Sur les conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2105578 du Tribunal administratif de Paris du
17 juin 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2021.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04154