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08/10/2021 | FRANCE | N°21PA02511

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 octobre 2021, 21PA02511


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté

du 6 février 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103499/8 du 2 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2021, M. B..., représenté par Me Walther, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté

du 6 février 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103499/8 du 2 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2021, M. B..., représenté par Me Walther, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation en vue de la délivrance d'un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer sans délai, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui restituer son passeport dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le magistrat qui a statué était incompétent dès lors qu'il ressort des termes du jugement qu'il a été désigné pour statuer sur les requêtes relevant de la procédure du III de l'article

L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que ces dispositions ne lui sont pas applicables en l'absence de placement en rétention ou d'assignation à résidence ;

- le Tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu ;

- le Tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le Tribunal a statué sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige au regard des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, alors d'une part, que l'arrêté ne comprend pas de décision relative au titre de séjour, et d'autre part, que le moyen était seulement dirigé contre le pays de destination ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté a été pris en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- il révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien à raison de ses liens familiaux en France ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est parent d'un enfant français ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, né le 16 décembre 1977, est entré en France le

23 janvier 2013 sous couvert d'un visa de court séjour. Par un arrêté en date du 6 février 2021, le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris qu'il avait soulevé, dans son mémoire introductif d'instance, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu. Le Tribunal administratif, s'il a visé ce moyen, n'y a D... pas répondu. M. B... est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'une omission à statuer. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens d'irrégularité, le jugement attaqué doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Seine-et-Marne :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique, notamment écrite, sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. En l'espèce il ressort des pièces du dossier que M. B... a pu présenter ses observations, lesquelles ont été consignées dans un procès-verbal du 6 février 2021 établi par la police à la suite de son interpellation. Le requérant a alors fourni toutes les indications utiles sur sa situation et ses conditions d'existence. Il n'est ni établi, ni même allégué, que M. B... aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'éloignement contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure. Ainsi, son droit d'être entendu préalablement à l'adoption de la mesure contestée n'a pas été méconnu.

5. En deuxième lieu, l'arrêté en litige mentionne les conditions d'entrée en France de M. B..., ses conditions de séjour, sa situation professionnelle ainsi que sa situation familiale. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation individuelle de l'intéressé doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5) Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus(...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

7. M. B... soutient qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il remplit les conditions de délivrance de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations susmentionnées, dans la mesure où il est parent d'un enfant français. D..., s'il est constant que le requérant, entré en France le 23 janvier 2019, est père d'un enfant né en France le 21 janvier 2017 d'une mère elle-même née en France, la nationalité française de l'enfant ou de sa mère n'est établie par aucune pièce du dossier. Par ailleurs, et bien que cette circonstance ne lui soit pas imputable, il est également constant que M. B... ne vit plus avec la mère de l'enfant depuis 2016 et qu'il n'a jamais rencontré son enfant, motif pour lequel le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Créteil, par un jugement du 4 juillet 2019, lui a accordé un droit d'accueil en journée, le premier samedi du mois

de 10 heures à 18 heures, et non pas l'autorité parentale conjointe. S'il ressort des pièces du dossier, notamment de la main courante déposée le 16 octobre 2017 au commissariat de Sens, que M. B... a entrepris, depuis cette date, des démarches en vue de retrouver son fils, et s'il justifie, par les plaintes déposées les 5 août 2019, 11 septembre 2019, 11 décembre 2019,

10 mars 2020 et 6 juin 2020 pour non présentation de l'enfant, avoir tenté d'exercer son droit d'accueil, il ne ressort D... pas des pièces du dossier qu'il aurait tenté, chaque mois, de faire valoir ce droit, conformément aux termes du jugement du juge aux affaires familiales.

Par ailleurs, la seule circonstance que l'intéressé ait ouvert un compte livret A au nom de son enfant le 10 octobre 2019, sur lequel il verse en espèces environ 20 euros tous les deux mois, ne saurait le faire regarder comme participant à l'entretien ou à l'éducation de son enfant, alors même qu'il n'est pas responsable de cette situation. En outre, M. B... ne fait état d'aucun obstacle à ce qu'il s'éloigne temporairement du territoire français, afin de solliciter un visa en qualité de parent d'enfant français. Enfin, l'intéressé, qui est entré en France à une date récente au regard de l'arrêté en litige, n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans. Dès lors, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, n'a méconnu ni les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'a pas commis d'erreur de droit.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M B..., qui n'a aucun lien avec son fils, n'établit pas participer à l'entretien et à l'éducation de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. M. B... soutient que l'arrêté contesté méconnait l'intérêt supérieur de son fils. D..., ainsi qu'il a été dit, l'enfant ne connaît pas son père. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à l'intérêt supérieur de l'enfant mineur de M. B... une atteinte contraire aux stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

12. En dernier lieu, eu égard à ce qui précède, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-et-Marne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, par un arrêté n° 20/BC/171 en date du 16 novembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de Seine-et-Marne a donné délégation à M. C..., signataire de la décision attaquée, à l'effet notamment de signer les décisions de refus de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté.

14. En second lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 6 février 2021 du préfet de la Seine-et-Marne.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2103499/8 du 2 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Karim B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 octobre 2021.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA02511 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02511
Date de la décision : 08/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-08;21pa02511 ?
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