La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2021 | FRANCE | N°19PA03434

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 22 septembre 2021, 19PA03434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de la contribution calédonienne de solidarité supportée par les dividendes qu'elle a distribués en 2015, 2016 et 2017 à la société Entreprise Audemard France.

Par un jugement n° 1800355 du 30 août 2019, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé la décharge sollicitée.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête et un mémoi

re enregistrés les 30 octobre 2019 et 20 mars 2020, sous le n° 19PA03434, le gouvernement de la Nouvel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de la contribution calédonienne de solidarité supportée par les dividendes qu'elle a distribués en 2015, 2016 et 2017 à la société Entreprise Audemard France.

Par un jugement n° 1800355 du 30 août 2019, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé la décharge sollicitée.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 octobre 2019 et 20 mars 2020, sous le n° 19PA03434, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la Selarl de Greslan-Lentignac, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 août 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 500 000 F CFP sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la réclamation contentieuse, en ce qu'elle portait sur la contribution spontanément versée en 2015, était tardive et, par suite, irrecevable ; dès lors la demande de la société devant le tribunal état irrecevable s'agissant de ladite année 2015 ;

- la contribution calédonienne de solidarité n'a pas de caractère analogue à l'IRVM ;

- il s'agit d'une imposition distincte qui ne peut être analogue ou identique à une autre ;

- elle ne peut être concernée par les règles de plafonnement prévues par la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, signée à Nouméa le 31 mars 1983 et à Paris le 5 mai 1983 ;

- il est possible de déroger à la convention fiscale franco-calédonienne ;

- il résulte des travaux préparatoires à la loi instituant la contribution calédonienne de solidarité que tel était effectivement l'intention du législateur néo-calédonien.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2019, la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie, représentée par Me Fabien Marie, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne sont pas fondés.

II - Par une requête enregistrée le 22 décembre 2020, sous le n° 20PA04133, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la Selarl de Greslan-Lentignac, demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15, R. 811-16 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1800355 du 30 août 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en ce qu'il est relatif à l'année 2015 et de mettre à la charge de la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie la somme de 150 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est recevable ;

- les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par la société devant le premier juge ;

- le risque auquel il est exposé de perdre une somme d'argent qui ne devrait pas rester à sa charge compte tenu de l'irrecevabilité de la demande de décharge au titre de l'année 2015 justifie que la Cour ordonne le sursis à exécution du jugement sur le fondement de l'article R. 811-16 du code de justice administrative ;

- les moyens qu'il invoque sont suffisamment sérieux pour que la Cour ordonne le sursis à exécution du jugement sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

Cette requête a été communiquée le 4 janvier 2021 à la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie, à laquelle une mise en demeure de produire a été adressée le 10 février 2021. Cette société n'a présenté aucune observation en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la décision du Conseil d'Etat n°s 433915, 433916, 433917, 442217, 442221 du

5 mai 2021.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 et la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, signée à Nouméa le 31 mars 1983 et à Paris le 5 mai 1983 ;

- la loi du pays n° 2014-20 du 31 décembre 2014 ;

- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie a été assujettie à la cotisation calédonienne de solidarité au titre des dividendes qu'elle a distribués en 2015, 2016 et 2017 à la société Entreprise Audemard France. Par le jugement susvisé du 30 août 2019, dont le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie relève appel, par la première requête susvisée, et dont il sollicite le sursis à exécution partiel pour la seconde, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a déchargé la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie de ces impositions.

2. Les requêtes n°s 19PA03434 et 20PA04133 présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 19PA03434 :

Sur la fin de non-recevoir opposée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à la demande relative à l'année 2015 :

3. Aux termes de l'article 1106 du code des impôts : " Pour être recevables, les réclamations doivent être adressées au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) ; / b. du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, et ce n'est pas contesté, que la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie a spontanément versé au Trésor la contribution litigieuse, afférente à l'année 2015, le 4 août 2015, et qu'elle n'a sollicité sa restitution que par une réclamation datée du 31 août 2018, reçue par les services fiscaux le 12 septembre 2018. Cette réclamation, présentée après l'expiration du délai imparti par les dispositions précitées de l'article 1106 du code des impôts, était dès lors tardive. Il y a lieu, en conséquence, d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il porte sur l'année 2015.

Sur la contribution calédonienne de solidarité afférente aux années 2016 et 2017 :

5. L'article 2 de la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, signée à Nouméa le 31 mars 1983 et à Paris le 5 mai 1983, approuvée par la loi du 26 juillet 1983, stipule que : " 1. La présente convention s'applique aux impôts sur le revenu et aux droits d'enregistrement perçus pour le compte d'un territoire quel que soit le système de perception. 2. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : / (...) ; / b) En ce qui concerne le territoire de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances : / i) l'impôt sur le revenu ; / ii) l'impôt sur les sociétés ; / iii) l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux des entreprises dont les activités relèvent de la métallurgie et des minerais ; / iv) l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux des entreprises productrices et exportatrices de minerai de nickel ; / v) l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières ; / vi) l'impôt sur le revenu des créances, dépôts et cautionnements ; / vii) les droits d'enregistrement et la taxe hypothécaire. / 3. La convention s'applique aussi aux impôts de nature identique ou analogue à ceux qui sont visés au paragraphe 4 [lire " paragraphe 2 "] qui seraient établis après la date de signature de la Convention et qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. / (...) ". Aux termes du 2 de l'article 9 de cette même convention fiscale : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un territoire à un résident de l'autre territoire sont imposables dans cet autre territoire. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans le territoire dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de ce territoire, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a) 5 p. cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société (autre qu'une société de personnes) ; / (...) ".

6. L'article 12 de la " loi du pays " du 31 décembre 2014 instituant une contribution calédonienne de solidarité, dans sa rédaction issue de la " loi du pays " du 31 décembre 2015 portant diverses dispositions d'ordre fiscal, dispose que : " Les personnes physiques et morales relevant de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières prévu aux articles 528 et suivants du code des impôts sont assujetties à une contribution sur les produits des valeurs mobilières ". Aux termes de l'article 13 de la même " loi du pays " : " Les produits de valeurs mobilières mentionnés à l'article 12 s'entendent des produits des valeurs mobilières définis aux articles 529 et 550 à Lp. 553 bis du code des impôts ". Aux termes de son article 14 : " La contribution sur les produits de valeurs mobilières est assise sur le montant retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. / Les produits de valeurs mobilières exonérés de l'impôt sur le revenu de valeurs mobilières en application des dispositions de l'article Lp. 536 du code des impôts ne sont pas soumis à la contribution ". Aux termes de son article 15 : " La contribution portant sur les produits de valeurs mobilières est établie, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Elle est notamment liquidée sur la déclaration prévue à l'article Lp. 544 du code des impôts et avancée par les sociétés distributrices des produits de valeurs mobilières ". Aux termes enfin de son article 24 : " Le montant des contributions mentionnées aux articles 1er à 23 est déterminé en appliquant aux assiettes définies aux articles 2, 4, 10, 14, 18 et 22 un taux de référence fixé par délibération du congrès ".

7. Il résulte des dispositions, citées au point 6, des articles 13 et 14 de la " loi du pays " du 31 décembre 2014 que la contribution calédonienne de solidarité sur les produits des valeurs mobilières, qui constitue une imposition autonome et distincte des quatre autres contributions instaurées par cette " loi du pays ", a la même assiette que l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Elle présente, par suite, un caractère analogue à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Par ailleurs, aucune disposition de la " loi du pays " du 31 décembre 2014 n'exclut la contribution calédonienne de solidarité sur les produits des valeurs mobilières du champ d'application du mécanisme de plafonnement fixé par le a) du paragraphe 2 de l'article 9 de la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de Nouvelle-Calédonie et dépendances des 31 mars et 5 mai 1983. Il s'ensuit qu'en adoptant les dispositions de cette " loi du pays ", le législateur de pays n'a, en tout état de cause, pas dérogé à la convention fiscale. Dès lors, la " loi du pays " du 31 décembre 2014 n'avait ni pour objet ni pour effet d'exclure la contribution calédonienne de solidarité du mécanisme de plafonnement prévu à l'article 9 de la convention fiscale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est seulement fondé à obtenir l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il accorde la décharge sollicitée devant le tribunal au titre de l'année 2015 et la remise à la charge de la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie de la contribution calédonienne de solidarité à laquelle elle a été assujettie en 2015. En revanche, le surplus des conclusions à fin d'annulation du jugement, présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées tant par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie que par la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 20PA04133 :

9. La Cour se prononçant, par le présent arrêt sur la requête n° 19PA03434 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'annulation du jugement n° 1800355 du

30 août 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA04133 par laquelle le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sollicite de la Cour le sursis à exécution partiel de ce jugement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, dans cette instance, par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 20PA04133.

Article 2 : Le jugement n° 1800355 du 30 août 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé en tant qu'il prononce la décharge de la contribution calédonienne de solidarité à laquelle la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie a été assujettie en 2015 pour un montant de 1 790 000 francs CFP.

Article 3 : La contribution calédonienne de solidarité à laquelle la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie a été assujettie en 2015 est remise à la charge de cette société.

Article 4 : Le surplus des conclusions des deux requêtes susvisées du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ainsi que les conclusions présentées en appel par la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la société Entreprise Audemard Nouvelle-Calédonie

Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2021.

Le président-rapporteur,

I. A...L'assesseur le plus ancien,

F. PLATILLERO

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 19PA03434, 20PA04133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03434
Date de la décision : 22/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL DE GRESLAN-LENTIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-22;19pa03434 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award