La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2021 | FRANCE | N°20PA01563

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 20 juillet 2021, 20PA01563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet de police a décidé de le transférer aux autorités allemandes, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à

la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet de police a décidé de le transférer aux autorités allemandes, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2000773/8 du 14 février 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 juin 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2000773/8 du 14 février 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge n'a pas suffisamment motivé son jugement ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un courrier du 23 novembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contestée étaient devenues sans objet compte tenu de l'expiration du délai de six mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions aux fins d'annulation n'ont pas perdu leur objet dès lors que le délai de transfert a été prolongé jusqu'au 30 septembre 2021, en raison de la fuite de l'intéressé ;

- les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 3 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant pakistanais né le 4 octobre 1992, est entré en France le 12 octobre 2019, muni d'un visa délivré par les autorités allemandes. Il a sollicité auprès des services de la préfecture de police le 31 octobre 2019 son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 7 janvier 2020, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités allemandes. Par un jugement du 14 février 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté sa demande. Par un courrier du 11 août 2020, le ministère de l'intérieur a informé les autorités allemandes que le transfert de M. B... ne pourrait être effectué dans le délai de six mois et qu'il pourrait avoir lieu dans un délai de dix-huit mois à compter du jugement du Tribunal administratif de Paris dès lors que M. B... avait pris la fuite. M. B... relève appel de l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement [...] ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déclaré lors de l'entretien individuel du 31 octobre 2019 qu'il avait un frère en France, M. E... D..., et a précisé qu'il était " demandeur d'asile ". En réalité, ce dernier a obtenu le statut de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 mai 2018 - ce que ne conteste pas le préfet de police. Le requérant produit également un courrier daté du 11 décembre 2019, adressé au préfet de police, dans lequel il faisait de nouveau état de la présence en France de son frère et auquel était annexé le titre de séjour de ce dernier. Il ne résulte ni des termes de l'arrêté attaqué, qui ne mentionne pas la présence en France du frère du requérant en qualité de réfugié, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police, avant de décider le transfert de M. B... aux autorités allemandes, aurait procédé à un examen particulier de cet élément de fait aux fins de prendre en compte la possibilité que la France examine la demande d'asile du requérant alors même qu'elle n'en était pas responsable.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet de police a décidé de le transférer aux autorités allemandes.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Eu égard au motif qui la fonde, l'exécution de l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que, sous réserve que l'intéressé soit encore présent sur le territoire français, le préfet de police réexamine la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B..., Me A..., d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2000773/8 du 14 février 2020 du Tribunal administratif de Paris ainsi que l'arrêté du 7 janvier 2020 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, sous réserve que l'intéressé soit présent sur le territoire français, de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. B..., Me A..., une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Me A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juillet 2021.

Le rapporteur,

K. C...Le président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01563 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CABINET HUG et ABOUKHATER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 20/07/2021
Date de l'import : 15/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20PA01563
Numéro NOR : CETATEXT000043930265 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-20;20pa01563 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award