La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2021 | FRANCE | N°19PA03109

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 20 juillet 2021, 19PA03109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société QBE Insurance Europe Limited a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à raison des dividendes versés par deux de ses filiales ainsi que la restitution de la somme de 2 713 783 euros assortie des intérêts de retard.

Par un jugement n° 1703913/1-1 du 10 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société QBE Insurance Europe Limited d

e la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société QBE Insurance Europe Limited a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à raison des dividendes versés par deux de ses filiales ainsi que la restitution de la somme de 2 713 783 euros assortie des intérêts de retard.

Par un jugement n° 1703913/1-1 du 10 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société QBE Insurance Europe Limited de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à concurrence de la somme de 2 587 655 euros, a prononcé la restitution de cette somme à la société QBE Insurance Europe Limited, et a mis à la charge de l'Etat le versement à la société QBE Insurance Europe Limited d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 octobre 2019 et le 31 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1703913/1-1 du 10 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de la société QBE Insurance Europe Limited présentée devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- les établissements stables français de sociétés étrangères qui souhaitent bénéficier du régime fiscal des sociétés mères doivent placer les titres de participation des filiales à l'actif de leur bilan afin que les revenus correspondants puissent être retranchés de leur bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- les documents produits par l'établissement stable de la société QBE Insurance Europe Limited et notamment sa déclaration d'impôt sur les sociétés montrent que les titres de participation pour lesquels la société sollicite le régime fiscal des sociétés mères ne sont pas inscrits dans la rubrique des titres de participation ;

- le régime fiscal des sociétés mères ne contrevient pas aux dispositions de l'article 17 de la directive " assurance " n° 92/49/CEE du 18 juin 1992 ;

- le fait que le régime fiscal des sociétés mères soit conditionné en premier lieu à la détention de titres de participation à l'actif du bilan, tant des sociétés que de tout autre organisme passible de l'impôt sur les sociétés, tel un établissement stable, permet de garantir la liberté d'établissement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 décembre 2019 et le 12 février 2020, la société QBE Insurance Europe Limited, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête du ministre de l'action et des comptes publics est irrecevable dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2021, la société QBE Europe SA/NV indique qu'elle reprend à son compte l'ensemble des écritures présentées jusqu'alors au nom de la société QBE Insurance Europe Limited.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chretien, avocat de la société intimée.

Considérant ce qui suit :

1. La société QBE Insurance Europe Limited, société d'assurances de droit britannique assujettie à l'impôt sur les sociétés au Royaume-Uni, dispose en France d'une succursale constitutive d'un établissement stable, à raison de laquelle elle a été imposée, en application de la loi fiscale française, sur la quote-part des dividendes tirés des titres de participation détenus dans ses filiales QBE Insurance Australia Limited et Iron Trades Management Services Limited, soit un montant total de 7 837 510 euros, au titre de l'année 2011. Par une réclamation du 3 juin 2013, la société QBE Insurance Europe Limited a sollicité l'application du régime fiscal des sociétés mères, prévu par les dispositions des articles 145 et 216 du code général des impôts, à l'imposition des dividendes tirés de sa participation dans les sociétés QBE Insurance Australia Limited et Iron Trades Management Services Limited et reçus par sa succursale française, au titre de l'année 2011. Par une décision du 10 janvier 2017, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a rejeté sa demande. Par un jugement du 10 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société QBE Insurance Europe Limited de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à concurrence de la somme de 2 587 655 euros, a prononcé la restitution de cette somme à la société, et a mis à la charge de l'Etat le versement à la société d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel des articles 1er et 2 de ce jugement. Dans la présente instance, la société QBE Europe SA/NV vient aux droits et obligations de la société QBE Insurance Europe Limited.

2. Aux termes de l'article 145 du code général des impôts : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : / a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; / b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice ; / [...] c. Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans [...] ". Aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris ".

3. Il résulte des termes mêmes de l'article 145 du code général des impôts que le régime fiscal des sociétés mères n'est applicable qu'aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés qui détiennent des participations satisfaisant à certaines conditions. Il résulte par ailleurs des dispositions du code de commerce, notamment de ses articles L. 233-2 et L. 233-4, qu'à défaut d'indication expresse contraire, une participation dans une société consiste en la détention directe d'une fraction de son capital. Par suite, le régime fiscal des sociétés mères n'est applicable qu'aux participations qu'une société détient directement dans une autre société.

4. Il résulte de l'instruction que la société QBE Insurance Europe Limited a réalloué les dividendes de ses filiales à ses succursales en fonction de la nature et de l'importance de l'activité de chaque succursale, selon une clé de répartition déterminée sur la base de la quote-part représentée par chacune des succursales dans le montant total des provisions techniques. La société QBE Insurance Europe Limited a initialement pris en compte, dans ses déclarations de résultats déposés auprès de l'administration fiscale française au titre de l'année 2011, les dividendes tirés de sa participation dans les sociétés QBE Insurance Australia Limited et Iron Trades Management Services Limited et reçus par sa succursale française.

5. Pour refuser à la société QBE Insurance Europe Limited l'application à ces dividendes du régime fiscal des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que cette succursale française ne détenait pas, à l'actif de son bilan, de titres de participation dans ses sociétés et qu'ainsi, elle ne remplissait pas l'ensemble des conditions fixées par l'article 145 du code général des impôts. Toutefois, le respect de la condition, prévue par le c. du 1. de l'article 145 du code général des impôts, de détention depuis plus de deux ans des titres de participation ne saurait s'apprécier au niveau d'une succursale, laquelle ne jouit pas d'une personnalité morale ni d'un patrimoine distincts de ceux de la société mère. En l'espèce, il est constant que les titres de participation des sociétés QBE Insurance Australia Limited et Iron Trades Management Services Limited étaient détenus par la société QBE Insurance Europe Limited depuis plus de deux ans et remplissaient l'ensemble des conditions prévues par le 1. de l'article 145 du code général des impôts. Par ailleurs, si le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que les titres de participation des sociétés QBE Insurance Australia Limited et Iron Trades Management Services Limited n'ont pas été inscrits au " bilan fiscal " de la succursale française de la société QBE Insurance Europe Limited, il n'est pas contesté que la quote-part de dividendes perçus par cette succursale à raison de la participation de la société QBE Insurance Europe Limited dans ces deux filiales figurait dans le résultat taxable déclaré par la société auprès de l'administration française à raison de l'établissement stable dont elle disposait en France. La circonstance que les titres de participation ayant généré ces dividendes n'ont pas été mentionnés dans la rubrique " titres de participation " de la déclaration de résultats déposée par la société QBE Insurance Europe Limited dans le cadre de ses obligations fiscales en France est à cet égard sans incidence. C'est donc à tort que l'administration fiscale a refusé à la société QBE Insurance Europe Limited le bénéfice du régime fiscal des sociétés mères aux revenus alloués à sa succursale française à raison de sa participation dans les sociétés QBE Insurance Australia Limited et Iron Trades Management Services Limited.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société intimée, que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société QBE Insurance Europe Limited de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à concurrence de la somme de 2 587 655 euros et a prononcé la restitution de cette somme à la société.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société QBE Europe SA/NV au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société QBE Europe SA/NV une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société QBE Europe SA/NV et à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juillet 2021.

Le rapporteur,

K. B...

Le président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA03109 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03109
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : FONDATIO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-20;19pa03109 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award