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23/06/2021 | FRANCE | N°20PA03155

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre, 23 juin 2021, 20PA03155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2001894/1 du 1er octobre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, enjoint au pr

fet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation administrative de M. A... dan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2001894/1 du 1er octobre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation administrative de M. A... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, et de lui délivrer, durant cette période, une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me C... au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à l'indemnité due au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête enregistrée le 29 octobre 2020, sous le n° 20PA03155, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2001894/1 du 1er octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 16 octobre 2019 au motif qu'il aurait dû saisir la commission du titre de séjour ; M. A... ne justifie pas résider habituellement en France depuis dix ans ;

- la décision portant refus de séjour a été prise par une autorité qui disposait d'une délégation régulière à l'effet de le signer ;

- elle est suffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle n'est entachée d'aucun vice de procédure ; M. A... ne pouvait ignorer qu'en déposant son dossier de demande de titre de séjour, celle-ci était susceptible d'être rejetée, et qu'une obligation de quitter le territoire pouvait être prononcée à son encontre ; il ne justifie pas avoir sollicité en vain un entretien avec les services de la préfecture ;

- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune illégalité ;

- la décision fixant le pays de destination est motivée ;

- les moyens invoqués par M. A... et tirés de sa vie privée et familiale sont inopérants à l'encontre de cette décision ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est motivée ;

- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2021, M. A..., représenté par Me B... C..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 octobre 2019 en toutes ses décisions, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens invoqués par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 26 février 2021.

Par une ordonnance du 3 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mai 2021.

II - Par une requête enregistrée le 29 octobre 2020, sous le n° 20PA03156, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2001894/1 du 1er octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les moyens qu'ils invoque sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de ce jugement, le rejet de la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er mai 2021, M. A..., représenté par Me B... C..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et

37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens invoqués par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 26 février 2021.

Par une ordonnance du 3 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me C..., avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant égyptien né le 10 mars 1986, a sollicité, le 7 décembre 2018, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 octobre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2001894/1 du 1er octobre 2020, dont le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel par la 1ère requête susvisée et dont il demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution par sa seconde requête, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation administrative de M. A... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, et de lui délivrer, durant cette période, une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2. Les requêtes n°s 20PA03155 et 20PA03156 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 20PA03155 :

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) ".

4. Pour annuler l'arrêté critiqué, en toutes ses décisions, le tribunal a relevé que M. A... établissait sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans. Si, ainsi que l'a relevé le tribunal, M. A... n'a produit aucun document établissant la date à laquelle il est entré sur le territoire français au cours de l'année 2008, il a, en revanche, produit des pièces de nature à justifier sa présence au cours du dernier trimestre de cette année ainsi que de nombreux documents diversifiés dont la nature est suffisante pour démontrer qu'il a, depuis la fin de l'année 2008 jusqu'à la date de l'arrêté attaqué, y compris pour les années plus particulièrement contestées par le préfet de la Seine-Saint-Denis, à savoir les années 2008, 2009 et 2010 puis les années 2012 à 2017, séjourné de manière ininterrompue en France. M. A... a ainsi versé au dossier des pièces antérieures à l'arrêté critiqué, telles que les relevés d'utilisation, hebdomadaires et mensuels, des transports public parisiens, des relevés de ses comptes bancaires comportant des mouvements ainsi que des courriers d'établissements bancaires où ont été domiciliés ses comptes, des courriers et les cartes justifiant de son admission à l'aide médicale d'Etat, des quittances et courriers de sociétés d'assurance, des avis d'imposition ainsi que des factures de téléphonie et de fournisseurs d'énergie, un contrat à durée indéterminée et les bulletins de paie y afférents, et de nombreuses pièces de nature médicale (ordonnances, admission aux urgences, résultats d'analyse de biologie médicale, radiographies), l'acte de son mariage, célébré au mois d'octobre 2017 ainsi que l'acte de naissance de son enfant née en 2018. Ces pièces, par leur cohérence, constituent un ensemble homogène de nature à justifier, contrairement à ce que soutient le préfet de la Seine-Saint-Denis, que M. A... a fixé sa résidence habituelle et continue sur le sol français depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté.

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé le bénéficiaire d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

6. La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. Dès lors que M. A... justifiait résider habituellement depuis plus de dix ans sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué, le préfet de la Seine-Saint-Denis était tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour visée par les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'absence d'une telle consultation de la commission du titre de séjour, M. A... a été privé d'une garantie de sorte que l'arrêté litigieux, intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, est entaché d'illégalité.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour le motif sus-rappelé au point 4. du présent arrêt, le tribunal a annulé son arrêté en toutes ses décisions.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'annulation de l'arrêté en litige, qui n'implique pas nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. A... le titre de séjour demandé, impliquait qu'il se prononce à nouveau sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour que l'intéressé avait présentée ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Montreuil au point 6. de son jugement. Sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, il appartient donc au préfet de la Seine-Saint-Denis d'exécuter cette injonction et de se prononcer à nouveau sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A.... Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A..., après saisine de la commission du titre de séjour, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

9. Au vu de ce qui vient d'être énoncé, M. A... n'est pas recevable en appel à solliciter à nouveau le prononcé d'une telle injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

10. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Sur la requête n° 20PA03156 :

11. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 20PA03155 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement n° 2001894/1 du 1er octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 20PA03156 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a, ainsi, pas lieu d'y statuer, et, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre de cette instance.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20PA03156 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à ce que la Cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement n° 2001894/1 du 1er octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil.

Article 2 : La requête n° 20PA03155 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au conseil de M. A... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en appel par M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2021.

Le rapporteur,

S. D...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 20PA03155, 20PA03156


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03155
Date de la décision : 23/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : REGHIOUI;REGHIOUI;REGHIOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-23;20pa03155 ?
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