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17/06/2021 | FRANCE | N°19PA04142

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7eme chambre, 17 juin 2021, 19PA04142


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner l'Office des postes et télécommunications de la Polynésie française à lui verser la somme de 804 496 F CFP, assortie des intérêts au taux légal, correspondant à la différence entre le montant de l'indemnité différentielle compensatrice qu'il a perçue entre le 1er janvier 2013 et le 26 décembre 2017 et le montant qu'il estime lui être dû.

Par un jugement n° 1800146 du 24 septembre 2019, le Tribunal admi

nistratif de la Polynésie française, après avoir mis la Polynésie française hors de caus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner l'Office des postes et télécommunications de la Polynésie française à lui verser la somme de 804 496 F CFP, assortie des intérêts au taux légal, correspondant à la différence entre le montant de l'indemnité différentielle compensatrice qu'il a perçue entre le 1er janvier 2013 et le 26 décembre 2017 et le montant qu'il estime lui être dû.

Par un jugement n° 1800146 du 24 septembre 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française, après avoir mis la Polynésie française hors de cause, a condamné l'Office des postes et télécommunications de la Polynésie française à verser à M. C... la somme de 804 496 F CFP, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2018, et mis la somme de 150 000 F CFP à la charge de cet établissement public au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2019 et le 13 octobre 2020, l'Office des postes et télécommunications de la Polynésie française, représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800146 du 24 septembre 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de la Polynésie française.

Il soutient que :

- son appel est recevable, dès lors que la demande de M. C... ne présentait pas un caractère indemnitaire au sens du 8° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ;

- il est recevable sans qu'il ait à procéder à une mise en demeure de reprendre l'instance adressée aux héritiers ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le mémoire produit par M. C... quelques heures avant la clôture d'instruction a été communiqué après cette clôture et sans fixation d'une nouvelle date de clôture de l'instruction ainsi rouverte ;

- cette communication est intervenue en tout état de cause dans un délai insuffisant avant l'audience pour permettre le respect du principe du contradictoire ;

- M. C... n'a pas fait l'objet d'une promotion de grade s'opposant à une diminution du montant de l'indemnité différentielle compensatrice, mais d'un repositionnement sur un poste de l'Office après la suppression du statut des personnels dirigeants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2020, Mme A... C..., héritière de M. C..., décédé le 10 octobre 2019, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l'Office des postes et télécommunications de la Polynésie française sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est présentée devant une juridiction incompétente, le jugement ayant été rendu en premier et dernier ressort en application du 8° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ;

- la requête est irrecevable faute de production par l'appelant d'un justificatif du décès de M. C... ;

- les autres moyens soulevés par l'Office des postes et télécommunications de la Polynésie française ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des postes et télécommunications ;

- la délibération n° 60A-2010/OPT du 23 décembre 2010 du conseil d'administration de l'Office des postes et télécommunications de la Polynésie française, relative à la suppression du statut de personnels dirigeants ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C..., cadre de 1er niveau des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française, a été affecté à l'Office des postes et télécommunications de la Polynésie française (OPT). En conséquence de la suppression, par une délibération n° 60A-2010/OPT du 23 décembre 2010, du statut de personnels dirigeants auquel il appartenait, et à l'issue de la procédure dite de " pesée " mise en oeuvre pour la refonte des grilles de postes au sein de l'OPT, par arrêté du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique du 6 février 2015, il a été promu cadre de 2ème niveau des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française à compter du 1er janvier 2013. Cette promotion a impliqué une progression de son indice de rémunération à compter de cette date, ce qui a, de manière concomitante, conduit l'OPT à diminuer d'autant l'indemnité différentielle compensatrice (IDC) dont bénéficiait M. C... en sa qualité de personnel dirigeant. L'OPT fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française, saisi par M. C..., l'a condamné à verser à celui-ci la somme de 804 496 F CFP, augmentée des intérêts au taux légal, correspondant à la différence entre le montant de l'indemnité effectivement perçue par M. C... pour la période allant du 1er janvier 2013 au 26 décembre 2017 et celui qu'il aurait dû percevoir.

Sur la compétence de la Cour :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) / 8° Sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. / (...) ". Une demande d'un fonctionnaire tendant seulement au versement de traitements et indemnités impayés, sans que soit mise en cause la responsabilité de la personne publique qui l'emploie, ne constitue pas une action indemnitaire au sens de ces dispositions. Par suite, contrairement à ce que soutient Mme C..., la présente requête a le caractère d'un appel qui ne relève pas de la compétence du Conseil d'Etat, juge de cassation, mais de celle de la Cour.

Sur la recevabilité de la requête de l'OPT :

3. Il est constant que M. C... est décédé le 10 octobre 2019, postérieurement au jugement attaqué et antérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel de l'OPT. Contrairement à ce que soutient en appel Mme C..., ayant-droit de M. C..., aucune disposition ni aucun principe n'imposait à l'OPT, à peine d'irrecevabilité de sa requête, de produire un justificatif du décès de M. C....

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Selon l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction (...). "

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, alors que la clôture de l'instruction était fixée, faute d'ordonnance en disposant autrement, trois jours francs avant l'audience du 10 septembre 2019, le mémoire en réplique produit par M. C... a été enregistré au greffe du Tribunal le 6 septembre 2019 à 13 h 45 et communiqué à l'OPT par un courrier mentionnant que l'OPT disposait d'un délai d'un mois pour y répondre. Cette mention n'ayant pas eu pour effet de rouvrir l'instruction, l'OPT est fondé à soutenir que le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué[HP1].

6. Il y a lieu pour la Cour, dans les circonstances de l'espèce, de se prononcer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. C....

Sur le bien-fondé de la demande :

7. Aux termes de l'article 6 de la délibération n° 60A-2010/OPT du 23 décembre 2010 relative à la suppression du statut de personnels dirigeants de l'OPT : " Pour maintenir le niveau de rémunération individuelle mensuelle des personnels dirigeants, le directeur général est autorisé à créer une indemnité différentielle compensatrice (IDC). Cette indemnité est calculée comme suit : (...) pour les personnels sous statut : / Différence entre : la rémunération mensuelle brute perçue sur la fonction de personnel dirigeant (y compris le complément OPT (COPT) et hors primes et indemnités, et compléments liés à la performance ou n'ayant pas un caractère mensuel régulier) et le traitement brut (y compris le complément OPT (COPT) et hors primes et indemnités, et compléments liés à la performance ou n'ayant pas un caractère mensuel régulier). / Le montant de l'IDC diminue à chaque progression du coefficient de base ou d'indice par avancement d'échelon sauf dans le cas où la progression du coefficient de base ou le changement d'échelon est la conséquence directe d'une promotion à une catégorie ou à un grade supérieur. Dans le cas d'une rétrogradation de catégorie ou de grade, et quel qu'en soit le motif, le montant de l'IDC reste inchangé. ".

8. Il est constant que M. C..., cadre de 1er niveau des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française jusqu'au 1er janvier 2013, percevait à ce titre une IDC d'un montant mensuel de 106 345 F CFP et qu'à l'issue de la procédure de " pesée " de son poste, par un arrêté du 6 février 2015 il a été nommé à compter du 1er janvier 2013 cadre de 2ème niveau de ces mêmes corps. Il a dès lors bénéficié, par cet arrêté définitif, d'une promotion à un grade supérieur au sens des dispositions précitées de l'article 6 de la délibération du 23 décembre 2010.

9. Pour soutenir qu'à compter de cette promotion M. C... n'avait pas droit à bénéficier du maintien de son niveau antérieur d'IDC, l'OPT ne peut utilement invoquer l'article 4 de cette même délibération du 23 décembre 2010, aux termes duquel " Tout personnel dirigeant, dont la fonction devenue poste après pesée est positionnée sur une catégorie de classification ou sur un grade statutaire supérieur à celle ou celui qu'il détenait sur son emploi à l'OPT avant sa nomination ou son affectation sur la fonction de dirigeant qu'il occupe aujourd'hui, doit satisfaire aux conditions qui régissent les promotions et passer avec succès un examen professionnel pour bénéficier de la catégorie ou du grade supérieurs " et relever l'absence d'examen professionnel passé par M. C... pour accéder au grade de cadre de 2ème niveau, dès lors que cet article 4 n'est pas relatif aux conditions d'octroi de l'IDC, lesquelles sont régies par le seul article 6 précité qui ne distingue pas suivant les différentes modalités d'accès à un grade supérieur.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à demander la condamnation de l'OPT à lui verser la somme de 804 496 F CFP correspondant à la différence entre le montant de l'indemnité effectivement perçue par M. C... pour la période allant du 1er janvier 2013 au 26 décembre 2017 et celui qu'il aurait du percevoir en application des dispositions précitées de l'article 6 de la délibération du 23 décembre 2010.

11. Mme C... a droit, en outre, au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 804 496 F CFP à compter de la réception de la réclamation formée par M. C... le 26 décembre 2017, soit le 9 janvier 2018.

Sur les frais liés à l'instance:

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'OPT demande à ce titre. Il y a lieu en revanche, compte tenu de l'annulation du jugement attaqué, de mettre à la charge de l'OPT une somme de 2 500 euros à verser à Mme C... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800146 du 24 septembre 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.

Article 2 : L'OPT est condamné à verser à Mme C... la somme de 804 496 F CFP, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2018.

Article 3 : L'OPT versera à Mme C... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'OPT est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office des postes et télécommunications de la Polynésie française et à Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

Le rapporteur,

P. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[HP1]Repris de CE n° 316694

N° 19PA04142 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7eme chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04142
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

46-01-09-06 Outre-mer. Droit applicable. Droit applicable aux fonctionnaires servant outre-mer. Rémunération.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SELARL LEGALIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-17;19pa04142 ?
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