Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions implicites rejetant ses demandes des 18 décembre 2018 et 2 janvier 2019 et d'enjoindre à l'Etat de procéder à la régularisation de compte épargne-temps et de l'informer du solde et des mouvements de son compte épargne-temps au 31 décembre 2018.
Par un jugement n° 1909082/5-2 du 18 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 septembre 2020, 18 septembre 2020 et 26 avril 2021, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1909082/5-2 du 18 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler les décisions implicites rejetant ses demandes des 18 décembre 2018 et 2 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à la régularisation de son compte épargne-temps et de l'informer du solde et des mouvements de son compte épargne-temps au 31 décembre 2018 et de procéder à la monétisation des jours épargnés, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de transmettre les informations concernant les droits épargnés et consommés de son compte épargne-temps au titre des années 2009 à 2018 méconnaît l'article 1er du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 ;
- le refus de transmettre ces informations méconnaît le jugement du tribunal devenu définitif ;
- l'administration qui ne gère pas le compte épargne-temps de son agent et ne répond à aucune demande entache ses décisions d'incompétence négative ;
- le refus de monétisation méconnaît l'article 6 du décret du 29 avril 2002 et l'arrêté du 28 août 2009 dès lors qu'elle a fait connaître à son administration son choix de la monétisation ;
- les décisions implicites de rejet sont entachées d'un détournement de pouvoir et constituent une sanction déguisée ;
- l'agent qui n'a pu prendre tout ou partie de ses congés à raison de son état de santé peut reporter ses congés dans la limite de quatre semaines sur une période de 15 mois ;
- sans sa radiation illégale, elle aurait pu prendre 20 jours de congés annuels en 2018 et les jours restants de congés annuels et de réduction du temps de travail au titre de l'année 2018 auraient dû être inscrits sur son compte épargne-temps lui permettant d'obtenir une indemnisation de 60 jours inscrits sur son CET 1 et de 31 jours inscrits sur son CET 2.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 2 mars 2021 et 22 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mai 2021 à 12 heures.
Les parties ont été informées, par lettre du 27 avril 2021, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation des décisions implicites de rejet de la demande de communication du solde du compte épargne-temps pour les années 2009 à 2018, lequel a été communiqué postérieurement à l'introduction de la requête.
Des observations au moyen relevé d'office, présentées pour Mme C..., ont été enregistrées le 4 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 ;
- l'arrêté du 28 août 2009 pris pour l'application du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 modifié portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Une note en délibéré, présentée pour Mme C..., a été enregistrée le 25 mai 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., administratrice civile affectée à la direction générale de l'administration et de la fonction publique, a par courriers des 29 décembre 2018 et 2 janvier 2019, demandé la communication d'un état détaillé de son compte épargne-temps au 31 décembre de chaque année de 2009 à 2018 et a indiqué les options qu'elle souhaitait exercer pour les droits inscrits sur son compte épargne-temps au titre des années 2017 et 2018. Ses demandes ont été implicitement rejetées. Mme C... relève appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions implicites.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a communiqué, postérieurement à l'introduction de la requête, un état récapitulatif des droits acquis et du solde du compte épargne-temps de Mme C... pour les années 2008 à 2019. Par suite, et alors même que Mme C... soutient que les soldes ainsi communiqués n'ont pas été régularisés conformément à sa demande, les conclusions aux fins d'annulation des décisions implicites en tant qu'elles refusent la communication du solde de son compte épargne temps pour les années 2009 à 2018 sont devenues sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 3 du décret du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " Le compte épargne-temps est alimenté par le report de jours de réduction du temps de travail et par le report de congés annuels, tels que prévus par le décret du 26 octobre 1984 susvisé, sans que le nombre de jours de congés pris dans l'année puisse être inférieur à 20. ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Lorsque, au terme de chaque année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne-temps est supérieur au seuil mentionné à l'article 5 : / I. - Les jours ainsi épargnés n'excédant pas ce seuil ne peuvent être utilisés par l'agent que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l'article 3 du décret du 26 octobre 1984 susvisé. / II. - Les jours ainsi épargnés excédant ce seuil donnent lieu à une option exercée au plus tard le 31 janvier de l'année suivante : / 1° L'agent titulaire mentionné à l'article 2 ou le magistrat mentionné à l'article 2 bis opte dans les proportions qu'il souhaite : (...) / b) Pour une indemnisation dans les conditions définies à l'article 6-2 ; (...) / Les jours mentionnés au a et au b sont retranchés du compte épargne-temps à la date d'exercice d'une option. / En l'absence d'exercice d'une option par l'agent titulaire ou le magistrat, les jours excédant ce seuil sont pris en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique. ". Aux termes de l'article 6-2 du même décret : " Chaque jour mentionné au b du 1° et au a du 2° du II de l'article 6 est indemnisé à hauteur d'un montant forfaitaire par catégorie statutaire fixé par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. / Cette indemnisation n'est pas soumise aux majorations et indexations pouvant être versées aux agents en poste dans les départements et collectivités d'outre-mer. " Le seuil mentionné à l'article 5 a été fixé à 15 jours par arrêté du 28 août 2009 pris pour l'application du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 modifié portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée.
4. Mme C... a, par courriers des 29 décembre 2018 et 2 janvier 2019, indiqué les options qu'elle souhaitait exercer pour les droits inscrits sur son compte épargne-temps au titre des années 2017 et 2018, et doit être regardée comme ayant opté pour l'indemnisation des jours épargnés excédant le seuil de 15 jours au 31 décembre 2018.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments produits par le ministre, que Mme C... disposait au 31 décembre 2018 d'un solde de 75 jours sur le compte épargne-temps historique (CET1) et d'un solde de 13 jours sur le compte épargne-temps pérenne (CET2). D'une part, si Mme C... fait valoir qu'un agent qui n'a pu prendre tout ou partie de ses congés à raison de son état de santé peut reporter ses congés dans la limite de quatre semaines sur une période de quinze mois, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et son incidence sur sa situation administrative, et notamment sur les droits inscrits sur son compte épargne-temps. D'autre part, Mme C... fait valoir que si elle n'avait pas fait l'objet d'une radiation illégale des cadres, elle aurait pu prendre 20 jours de congés annuels en 2018 et que les jours restants de congés annuels et de réduction du temps de travail au titre de l'année 2018 auraient dû être inscrits sur son compte épargne-temps lui permettant d'obtenir une indemnisation de 60 jours inscrits sur son CET 1 et de 31 jours sur son CET 2. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article 3 du décret du 29 avril 2002 qu'un agent doit avoir pris 20 jours de congés dans l'année pour ouvrir droit à l'alimentation de son compte épargne-temps. Mme C..., qui n'avait pas pris au moins 20 jours de congés annuels en 2018, et alors même que sa situation résulterait de l'absence de réintégration suite à l'annulation de la décision la radiant des cadres, n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'elle pouvait alimenter son compte épargne-temps par le report des congés annuels et des jours de réduction de temps de travail acquis au titre de l'année 2018 et à contester le solde fixé par l'administration. En revanche, Mme C... avait le droit d'obtenir l'indemnisation des jours figurant sur son compte épargne-temps au 31 décembre 2018 excédant le seuil de 15 jours. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne conteste pas la réalité de son droit à indemnisation. Par suite, en refusant implicitement de faire droit à la demande d'indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps, il a méconnu les dispositions de l'article 6 du décret du 29 avril 2002.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui prononce un non-lieu à statuer sur sa demande de communication du solde de son compte épargne-temps, n'implique pas que Mme C... soit informée des droits épargnés et consommés sur son compte épargne-temps, ni que l'Etat régularise son compte épargne-temps. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction en ce sens doivent être rejetées.
8. Le présent arrêt, qui annule la décision refusant de faire droit à la demande présentée par Mme C... tendant à l'indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps, implique nécessairement que l'administration procède à l'indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps excédant le seuil de 15 jours au 31 décembre 2018. Par arrêt n° 20PA02606 du 4 juin 2021, la Cour administrative d'appel de Paris a enjoint à l'administration de procéder à l'indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps excédant le seuil de 20 jours au titre de l'année 2017. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme C... aurait pu inscrire des jours au titre de l'année 2018 sur son compte épargne-temps. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'Etat de procéder à l'indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps excédant le seuil de 15 jours au 31 décembre 2018, sous déduction de ceux déjà indemnisés au titre de l'année 2017, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1909082/5-2 du 18 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite en tant qu'elle refuse la communication à Mme C... du solde de son compte épargne-temps pour les années 2009 à 2018.
Article 3 : La décision implicite de rejet de la demande de monétisation des jours épargnés sur le compte épargne-temps est annulée.
Article 4 : Il est enjoint à l'Etat de procéder à l'indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps excédant le seuil de 15 jours au 31 décembre 2018, sous déduction de ceux déjà indemnisés au titre de l'année 2017, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., présidente de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juin 2021.
La rapporteure,
A-S A...La présidente,
M. B...La greffière,
A. BENZERGUALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02607