Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Union départementale des associations familiales (UDAF) de l'Orne, en qualité de tuteur de Mme A... B..., a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Maritime d'annuler la décision du 7 avril 2014 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de prise en charge des frais d'hébergement de Mme B... du 18 juillet 2011, date de son entrée dans le foyer de vie Louise Marie à Le Sap (61470), au 31 août 2012.
Par une décision du 31 mars 2016, la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Maritime a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2016 et un mémoire enregistré le 17 juillet 2019, l'UDAF de l'Orne, représentée par Me C..., demande l'annulation de la décision de la commission départementale d'aide sociale et la prise en charge de la créance de frais d'hébergement au sein du foyer de vie au titre de la période allant du 18 juillet 2011 au 31 août 2012 par le département de la Seine-Maritime.
Elle soutient que :
- Mme B..., née le 14 août 1992, bien que destinataire d'une décision de la MDPH lui attribuant l'allocation aux adultes handicapés, n'a pas perçu de ressources sur la période en cause ;
- sa mère, qui était alors son tuteur, a perçu l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) jusqu'aux 20 ans de sa fille et n'a pas été informée des conditions à remplir pour bénéficier de l'aide sociale à l'hébergement ;
- la décision de la commission départementale d'aide sociale est entachée de nullité, dès lors qu'elle ne mentionne pas la date de sa notification aux parties, les délais du recours ouvert à son encontre et les prénoms des signataires ;
- cette décision est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation ;
- elle est entachée d'erreurs de droit.
Par des mémoires en défense enregistrés les 18 janvier 2017 et 12 mars 2021, le président du conseil départemental de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- en application de l'article 142-2 du règlement départemental d'aide sociale, le bénéfice de l'aide sociale ne peut être accordé que si le demandeur est âgé de plus de 20 ans, ou de plus de 16 ans s'il n'est plus considéré comme personne à charge au sens des prestations familiales ;
- du 18 juillet 2011 au 31 août 2012, Mme B... était considérée comme personne à charge au titre des prestations familiales.
L'UDAF de l'Orne, en qualité de tuteur de Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 17 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00341.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que Mme B..., née le 14 août 1992 et handicapée à 80 %, a été accueillie au foyer Louise Michel à compter du 18 juillet 2011. Par une décision du 7 avril 2014, le département de la Seine-Maritime lui a refusé le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement dans ce foyer pour la période allant du 18 juillet 2011 au 31 août 2012, date à compter de laquelle cette aide lui a été accordée. Par une décision du 2 juillet 2014, le département a rejeté le recours gracieux dirigé contre cette décision. L'UDAF de l'Orne demande l'annulation de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Maritime du 31 mars 2016 qui a rejeté son recours contre la décision du président du conseil départemental.
2. Aux termes du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / (...) 7° Les établissements et les services, y compris les foyers d'accueil médicalisé, qui accueillent des personnes adultes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert. / (...) ". Aux termes de l'article L. 344-5 du code de l'action sociale et des familles : " Les frais d'hébergement et d'entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés (...) au 7° du I de l'article L. 312-1 (...) sont à la charge : / 1° A titre principal, de l'intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d'un minimum fixé par décret et par référence à l'allocation aux handicapés adultes, différent selon qu'il travaille ou non. (...) ; / 2° Et, pour le surplus éventuel, de l'aide sociale (...) ".
3. Les dispositions susmentionnées, applicables notamment à l'aide sociale pour l'hébergement au sein d'un foyer de vie, ne prévoient aucune condition d'âge de l'adulte handicapé hébergé. Par ailleurs, la circonstance que la personne hébergée ne perçoive ni l'allocation aux adultes handicapés ni l'allocation logement n'est pas de nature à faire obstacle au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement. De même, aucune disposition législative ou règlementaire ne subordonne le versement de l'aide sociale à l'hébergement à la condition que les parents de la personne handicapée adulte aient cessé de percevoir l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé régie par les dispositions des articles L. 541 et suivants du code de la sécurité sociale. Enfin, un département ne saurait se prévaloir des seules dispositions du règlement départemental d'aide sociale pour refuser l'attribution d'une aide.
4. Il suit de là que Mme B..., âgée de 18 ans à la date de son entrée en foyer de vie, ne pouvait se voir opposer par le département de la Seine-Maritime la circonstance que sa mère avait perçu, au cours de la période en cause, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.
5. Au surplus, il résulte de l'instruction, que, par une décision du 8 mars 2011, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Seine-Maritime a accordé l'allocation aux adultes handicapés à Mme B... à compter du 1er février 2011 et que cette allocation a été versée au plus tard à compter du 1er avril 2011. Une allocation logement a également été versée au nom de Mme B... à compter de cette même date. La circonstance que ces allocations aient été versées à la mère de Mme B..., et non à celle-ci, alors qu'elle était majeure, n'est pas non plus susceptible de faire obstacle au droit de Mme B... à l'aide sociale au titre de son hébergement en foyer de vie.
6. Il s'ensuit que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement lui a été refusé au titre de la période allant du 18 juillet 2011 au 31 août 2012 et à demander l'octroi de cette aide au titre de cette période, dès lors que le département, d'une part, ne conteste pas qu'elle était dépourvue de ressources suffisantes et, d'autre part, indique que la demande d'aide sociale à l'hébergement a été déposée le 11 octobre 2011 par le foyer de vie, soit moins de quatre mois après l'entrée de Mme B... dans l'établissement. Mme B... est également fondée à demander l'annulation des décisions du département de la Seine-Maritime et de la commission départementale de la Seine-Maritime.
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions des 7 avril et 2 juillet 2014 du département de la Seine-Maritime, ensemble la décision du 31 mars 2016 de la commission départementale de la Seine-Maritime sont annulées.
Article 2 : Mme B... est admise à l'aide sociale à l'hébergement " personne handicapée " pour la période allant du 18 juillet 2011 au 31 août 2012.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union départementale des associations familiales de l'Orne en sa qualité de tuteur de Mme A... B... et au président du conseil départemental de la Seine-Maritime.
Copie en sera adressée au foyer de vie Louise Marie de Le Sap, dans l'Orne.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président de la formation de jugement,
- Mme D..., magistrat honoraire,
- Mme Collet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.
Le président de la formation de jugement,
I. LUBEN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00341