Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1927652/1-3 du 25 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. E... une carte de séjour temporaire, mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2020, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 5 février 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 novembre 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11, 11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il existe un traitement médical approprié en République du Congo ;
- l'état de santé de M. E... lui permet de voyager sans risque par transport aérien vers son pays d'origine ;
- les autres moyens soulevés par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2021, M. E..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 12 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant congolais né le 8 août 1975 à Brazzaville
(République du Congo), est entré en France le 27 octobre 2012. Il a obtenu un premier titre de séjour temporaire, mention " vie privée et familiale ", valable du 1er septembre 2018 au
30 juin 2019, dont il a demandé le renouvellement. Mais, le préfet de police, par un arrêté du
30 octobre 2019, a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police fait appel du jugement du
25 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
En ce qui concerne la requête du préfet de police :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté du préfet de police, le Tribunal administratif de Paris a relevé que M. E... souffre d'un stress post-traumatique sévère ainsi que d'un " diabète de type 1 b avec sarcoïdose " " désorganisé ", nécessitant un suivi médical dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et a estimé, notamment au vu des certificats médicaux produits par M. E..., que le préfet de police ne démontrait pas l'existence d'une prise en charge suffisante du diabète et d'établissements psychiatriques accessibles et suffisamment équipés, dans son pays, ainsi que la disponibilité des médicaments appropriés à son état dans ce pays. Le tribunal administratif en a déduit que le préfet de police avait, dans ces conditions, méconnu les dispositions de l'article L. 313-11, 11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler son titre de séjour.
4. Devant la Cour, le préfet de police se réfère non seulement à l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 2 octobre 2019, mais encore à la liste des médicaments essentiels en République du Congo et à la liste des médicaments référencés du Centre Hospitalier et Universitaire (CHU) de Brazzaville, arrêtées par l'Organisation mondiale de la santé, dont il ressort que le traitement par insuline utilisé pour traiter le diabète de M. E... est disponible au Congo, et qu'il existe dans ce pays des structures et des médicaments adaptés à la prise en charge de son stress post-traumatique. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en litige comme pris en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. E... :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00832 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de police le 18 octobre 2019 et entré en vigueur le
28 octobre 2019, le préfet de police a donné délégation à Madame D... A..., attachée d'administration de l'Etat, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles la police des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit donc être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les articles L. 313-11, 11°) et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour prononcer l'arrêté litigieux.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate (...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du
27 décembre 2016 : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. / Il peut convoquer, le cas échéant, le demandeur auprès du service médical de la délégation territoriale compétente (...) ".
9. Si M. E... fait valoir que le rapport médical du médecin instructeur de l'OFII ne lui a pas été communiqué, ni le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'arrêté visé ci-dessus du 27 décembre 2016, ni aucun autre texte ne prévoit la communication à l'intéressé de ce rapport.
10. Par ailleurs, il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de police que le rapport médical sur l'état de santé de M. E... a été établi par un premier médecin le
11 septembre 2019, comportait les indications requises et a, le 12 septembre 2019, été transmis au collège de médecins de l'OFII, qui, composé de trois autres médecins, a rendu son avis le 2 octobre 2019. Il s'ensuit que l'avis de ce collège transmis au préfet de police, a été émis conformément aux dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cités ci-dessus, qui imposent que le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, ainsi que dans le respect de la règle relative à la collégialité.
11. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Or, le préfet n'est tenu, en application de ces dispositions, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions posées par l'article L. 313-11 du code cité au point 2, auxquels il envisage de refuser le renouvellement d'un titre de séjour temporaire. Comme il a été dit au point 4,
M. E... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en application de l'article L. 313-11, 11°) mentionné ci-dessus. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, doit être écarté.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que
M. E... justifierait de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance de la carte de séjour qu'il sollicite sur ce fondement ou à démontrer que la décision de refus de titre de séjour en litige reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation. Les moyens tirés d'une telle erreur et de la méconnaissance de ces dispositions ne peuvent donc qu'être écartés.
13. M. E... ne peut par ailleurs utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne constituent que des orientations générales adressées aux préfets pour la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation.
14. En sixième lieu, M. E... fait valoir que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui renvoient aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, M. E... n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de ses allégations sur les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en République du Congo, risques dont ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d'asile qui ont rejeté ses demandes d'asile, n'ont d'ailleurs reconnu l'existence. Ainsi, ce moyen doit être écarté.
15. Enfin, M. E... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour, il ne peut se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination. Le moyen doit donc être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
30 octobre 2019.
Sur les conclusions de M. E... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à qu'il soit fait droit à ces conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1927652/1-3 du Tribunal administratif de Paris du
25 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2021.
Le rapporteur,
J-C. C...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA04173 2