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02/04/2021 | FRANCE | N°20PA04162;20PA04170

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 02 avril 2021, 20PA04162 et 20PA04170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le préfet du Pas de Calais l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de 12 mois.

Par un jugement n° 2008848, en date du 12 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :


I° Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2020 sous le n° 20PA04162, et un mémoire ampli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le préfet du Pas de Calais l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de 12 mois.

Par un jugement n° 2008848, en date du 12 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I° Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2020 sous le n° 20PA04162, et un mémoire ampliatif, enregistré le 23 décembre 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2020 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 29 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas de Calais de l'assigner à résidence chez son frère afin de régulariser sa situation ou de lui accorder un délai de trois mois pour quitter le territoire français ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée de défaut de base légale car son statut de conjointe d'un britannique faisait obstacle à son éloignement ;

- la circonstance qu'elle ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français ne suffit pas à caractériser une menace grave pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît la directive 2004/38/CE .

La requête a été communiquée au préfet du Calais, lequel n'a pas produit de mémoire en defense.

II° Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2020 sous le n° 20PA04170,

Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement du 12 novembre 2020 du Tribunal administratif de Melun.

Elle soutient qu'elle justifie des conditions pour qu'il soit prononcé le sursis à l'exécution du jugement attaqué.

La requête a été communiquée au préfet du Calais, lequel n'a pas produit de mémoire en defense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissant camerounaise, née le 14 décembre 1988 à Yaoundé, est entrée en Belgique le 13 décembre 2019 munie d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de type C valable du 30 octobre 2019 au 30 janvier 2020. Elle a été interpellée alors qu'elle s'apprêtait à se rendre en Grande-Bretagne via le tunnel sous la Manche le 29 octobre 2020 munie d'un passeport britannique. Par arrêté du 29 octobre 2020, le préfet du Pas-de-Calais l'a obligée à quitter le territoire français sans délai en application du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme A..., d'une part, relève appel du jugement en date du

12 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande, d'autre part, en demande le sursis à exécution.

2. Les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il n'y a pas lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 20PA04162 :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. ".

4. En premier lieu, Mme A... soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale dès lors qu'elle ne peut faire l'objet d'une telle décision sur le fondement de l'article L. 511-1 cité au point 2 puisqu'elle est mariée à un ressortissant britannique. S'il ressort des pièces du dossier que Mme A... est effectivement mariée à M. E..., ressortissant britannique, depuis le 31 décembre 2014, il résulte des dispositions précitées que le conjoint d'un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement que si ce conjoint remplit les conditions fixées par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, conditions qui doivent s'apprécier en France et non dans un autre État membre de l'Union européenne, dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Confédération suisse. Or, si Mme A... soutient que son époux exerce une activité professionnelle en France, le document administratif qu'elle produit montre un début d'activité le 10 novembre 2020, soit postérieurement à la date de l'arrêté attaqué du

29 octobre 2020. En, outre Mme A... ne justifie, ni même n'allègue que son mari aurait rempli une des autres conditions alternatives prévues par les dispositions citées ci-dessus. Par suite, Mme A... ne remplissait pas les conditions prévues par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré du défaut de base légale doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, Mme A... ne conteste plus être entrée irrégulièrement en France mais soutient qu'une telle circonstance ne caractérise pas une menace grave pour l'ordre public. Toutefois, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu'une obligation de quitter le territoire français soit prise à son encontre en vertu des dispositions citées ci-dessus du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, si Mme A... est marié à un ressortissant britannique, a un frère de nationalité française, ces seules circonstances ne suffisent pas, alors qu'elle est entrée très récemment en France, à caractériser une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En dernier lieu, si Mme A... soutient que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les objectifs de la directive 2004/38/CE, ce moyen doit être écarté faute d'être assorti des précisions suffisantes permettant au juge administratif d'en apprécier le bien-fondé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

Sur la requête n° 20PA04170 :

9. Dès lors que, par le présent arrêt, la Cour statue sur la requête tendant à l'annulation du jugement attaqué, ses conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement deviennent dépourvues d'objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20PA04170 .

Article 2 : La requête n° 20PA04162 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2021.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente decision.

N°S 20PA04162-20PA04170 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04162;20PA04170
Date de la décision : 02/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : TCHUINTE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-02;20pa04162 ?
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