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31/03/2021 | FRANCE | N°20PA00188

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 31 mars 2021, 20PA00188


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à sa charge au titre des années 2012 à 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802015/1-2 du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire complémentaire enregistr

és respectivement le 20 janvier 2020, le 16 mars 2020 et le 11 septembre 2020, Mme A..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à sa charge au titre des années 2012 à 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802015/1-2 du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 20 janvier 2020, le 16 mars 2020 et le 11 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1802015/1-2 du 20 décembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées.

Elle soutient que :

- le jugement du Tribunal administratif de Paris est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et entaché d'une omission à statuer;

- la charge de la preuve incombe à l'administration fiscale ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a estimé que certaines charges déduites par la société, correspondant à des dépenses de petit équipement, de restauration, de déplacement, de téléphonie et de location immobilière avaient été engagées dans son seul intérêt et que les sommes correspondantes constituaient des revenus distribués entre ses mains ;

- l'administration n'était pas fondée à appliquer la majoration pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une ordonnance du 14 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 octobre 2020 à 12 heures.

Un mémoire a été produit par le ministre de l'économie, des finances et de la relance le 15 février 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de la vérification de comptabilité de la société Mill Valley Connection, qui exerce une activité de conseil en relations publiques et en communication dans les domaines de la mode et du mannequinat et dont Mme A... est la gérante, l'administration fiscale a notifié à la société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014. Par une proposition de rectification du 11 décembre 2015, le service a considéré que certaines charges enregistrées dans la comptabilité de la société Mill Valley Connection n'étaient pas justifiées et qu'elles constituaient des revenus distribués qu'elle a imposés, selon la procédure de rectification contradictoire, entre les mains de Mme A.... A la suite de la saisine par la société Mill Valley Connection de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration a admis en déduction du bénéfice imposable 50 % des charges contestées, à l'exception des frais engagés en 2014 au titre de locations immobilières, de charges locatives, d'honoraires juridiques et de prestations de sous-traitance. Elle a donc diminué à proportion de cette réduction du bénéfice imposable de la société le montant des revenus regardés comme distribués entre les mains de Mme A.... Mme A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à sa charge au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Mme A... soutient que les premiers juges n'ont pas suffisamment répondu au moyen tiré de la circonstance que les sommes versées en 2014 à la SCI Stanford correspondraient à des frais de locations immobilières engagées dans l'intérêt de l'exploitation de la société Mill Valley Connection. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les sommes que la société Mill Valley Connection a versées à la SCI Stanford n'ont pas été comptablement passées en charge. Les premiers juges, qui ont mentionné qu'aucune distribution entre les mains de Mme A... n'avait été prise en compte à ce titre, doivent être regardés comme ayant suffisamment motivé, au point 6 de leur jugement, leur réponse à ce moyen. Pour les mêmes motifs, Mme A... ne peut davantage soutenir que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une omission à statuer sur ce moyen. Enfin, le bien-fondé de la réponse que les premiers juges ont apportée à ce moyen est sans incidence sur la régularité du jugement. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital [...] ".

5. Il appartient à l'administration fiscale de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bases de l'impôt sur les sociétés assigné à la société Mill Valley Connection, qui sont à l'origine des distributions alléguées, dès lors que Mme A... a refusé d'accepter les redressements qui lui ont été notifiés dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire.

En ce qui concerne les dépenses de petit équipement et de restauration :

6. L'administration fiscale a estimé que les dépenses de " petit équipement ", correspondant notamment à des achats d'articles de décoration, de vêtements ou de bijoux, enregistrées dans la comptabilité de la société Mill Valley Connection, constituaient par nature des dépenses personnelles non déductibles. Elle a par ailleurs relevé que le caractère professionnel des dépenses de restauration n'était pas justifié. Si Mme A... soutient que certains frais auraient été engagés pour les besoins de la société, notamment pour entretenir des relations d'affaires et prospecter de nouveaux clients potentiels en France et à l'étranger, elle se borne à produire des extraits de son agenda et des contrats signés par la société Mill Valley Connection ne pouvant être rattachés aux dépenses en cause, des tickets de caisse et de carte bancaire parfois illisibles, sur lesquels ont été apposés des mentions manuscrites, à savoir " déjeuner " ou " casting " ainsi que divers courriers électroniques dont le contenu sommaire ne peut pas plus être rattaché aux dépenses en litige. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a seulement admis la déductibilité de 50 % des dépenses ainsi engagées par la société Mill Valley Connection.

En ce qui concerne les dépenses de déplacement :

7. Le service a estimé que diverses charges enregistrées dans la comptabilité de la société Mill Valley Connection dans le compte 625100 " Déplacements " n'étaient pas justifiées dès lors qu'aucune pièce ne permettait d'établir que les dépenses correspondantes avaient été engagées dans l'intérêt de la société. Si Mme A... soutient que le voyage qu'elle a effectué à Tel Aviv, à compter du 10 août 2014, a servi à réaliser des prises de vue et à prospecter de nouveaux clients, elle se borne à produire des extraits de son agenda comportant les mentions, le 10 août, " Israël visite d'agence de mannequins " et les 11 et 18 août, " out Israël ", un courriel du 3 septembre 2014 lui donnant le numéro de téléphone d'un " coach sportif " exerçant en Israël, une facture émise par une agence de voyages, ainsi qu'un courrier électronique du 30 août 2016, dépourvu de contenu et sur lequel a été ajoutée, à la main, l'indication " conséquence prise de vue Israël en septembre 2014 ". Aucun de ces éléments ne permet d'établir la nature professionnelle de ce déplacement. Par ailleurs, si Mme A... soutient que les voyages effectués à Marrakech en 2013 et en 2014 auraient servi à effectuer des repérages et à prospecter de nouveaux clients, elle se borne à produire un échange de courriers électroniques comportant en objet la mention " confirmation de réservation " qui n'ont pas plus de force probante. Ainsi, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que les dépenses en cause n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société Mill Valley Connection.

En ce qui concerne les dépenses de téléphonie :

8. Le service a estimé que les frais de téléphonie comptabilisés par la société Mill Valley Connection au titre de l'année 2014 n'étaient justifiés par aucune facture et qu'il n'était pas établi qu'ils avaient été dans leur ensemble engagés dans l'intérêt de la société. Si Mme A... soutient que les frais ainsi comptabilisés par la société correspondaient à une ligne téléphonique qu'elle utilisait uniquement à des fins professionnelles et qu'elle disposait par ailleurs d'une ligne téléphonique personnelle pour lequel elle payait elle-même un abonnement, elle se borne à produire, outre des factures relatives à l'abonnement souscrit au nom de la société, des factures à son nom concernant seulement les années 2016 et 2017, postérieures aux années d'imposition en litige. Ainsi, c'est à bon droit que le service a seulement admis la déductibilité de 50 % des dépenses ainsi engagées par la société Mill Valley Connection.

En ce qui concerne les dépenses de location d'appartements :

9. L'administration fiscale a refusé d'admettre en déduction la somme totale de 12 926 euros au titre de l'année 2014 correspondant à des loyers payés par la société Mill Valley Connection, dès lors qu'aucune pièce justificative n'avait été produite permettant d'établir le caractère professionnel de ces dépenses. Si Mme A... soutient qu'un appartement situé 34 rue du Docteur Blanche à Paris (seizième arrondissement) aurait été mis par la société à disposition de divers clients, elle se borne à produire quatre quittances de loyer manuscrites n'indiquant pas le mois concerné, des factures comportant chacune deux dates différentes, émises par la société Mill Valley Connection au titre de la réalisation de castings, de prestations de consultant et d'organisation de conférences de presse qui ne mentionnent pas la mise à disposition de l'appartement en cause, ainsi qu'une attestation datée du 9 septembre 2020, sommairement rédigée par une personne indiquant avoir assisté à des événements organisés par la société Mill Valley Connection le 20 juin 2014 et le 3 juin 2014 dans un appartement sis 38 rue du Docteur Blanche, alors que le local en cause se trouvait 34 rue du Docteur Blanche. Aucun de ces éléments ne permettant d'établir la nature professionnelle de cette location, c'est à bon droit que les sommes en cause ont été réintégrées au bénéfice imposable de la société Mill Valley Connection, et regardées comme des revenus distribués entre les mains de Mme A....

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré [...] ".

11. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré, l'administration fiscale fait valoir que Mme A... a fortement minoré ses revenus imposables, que, en tant que gérante et maître de l'affaire de la société Mill Valley Connection qui réglait ses dépenses personnelles et ses prélèvements, elle ne pouvait ignorer disposer de plus de revenus que ceux déclarés, et enfin qu'au titre des trois années en cause, elle a perçu des revenus importants qui ont assuré son train de vie. A cet égard, Mme A... ne peut utilement se prévaloir du courrier du Défenseur des droits en date du 5 septembre 2017, concernant les majorations mises à la charge de la société Mill Valley Connection. Si la requérante soutient également que les manquements qui lui sont reprochés seraient dus aux carences de la société d'expertise-comptable mandatée par la société Mill Valley Connection au titre des années 2012 et 2013 ainsi que de l'expert-comptable mandaté au titre de l'année 2014, ces allégations, ainsi que le courrier adressé par la société à l'assureur de la société d'expertise-comptable mandatée au titre des années 2012 et 2013 l'informant des procédures engagées par elle à l'encontre de cette société et le courrier du 22 novembre 2016 adressé à l'expert-comptable mandaté au titre de l'année 2014 lui demandant le versement d'une somme correspondant aux rehaussements mis à la charge de la société, ne permettent pas de remettre en cause les éléments dont se prévaut l'administration, qui établissent, ainsi qu'il a été dit précédemment, le manquement délibéré du contribuable. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du manquement délibéré de Mme A... et du bien-fondé de l'application de la majoration prévue par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2021.

Le rapporteur,

K. D...Le président,

P. HAMON

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00188 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00188
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SIERACZEK-LAPORTE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-31;20pa00188 ?
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