Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Orkenise Art a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 à 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2009, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1708781/1-3 du 25 septembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2019, la société Orkenise Art, représentée par Me A... et Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1708781/1-3 du 25 septembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas été informée au cours de la vérification de comptabilité, et dans un délai raisonnable, des demandes d'assistance administrative internationale présentées auprès des autorités fiscales luxembourgeoises et des réponses de ces dernières, en méconnaissance du deuxième alinéa de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales et a été ainsi privée d'une garantie essentielle pour les droits de la défense et de la possibilité de faire valoir utilement des pièces justificatives au cours du contrôle ;
- il n'est pas établi qu'elle aurait disposé d'un établissement stable en France au sens du paragraphe 3 de l'article 2 de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, ni qu'elle aurait exploité en France une entreprise au sens du I de l'article 209 du code général des impôts ;
- subsidiairement, elle justifie de l'existence d'un établissement stable au Luxembourg et ne saurait être assujettie en France au titre de l'activité de cet établissement ;
- la majoration de 80 % pour activité occulte, qui n'est pas suffisamment motivée, n'est pas fondée, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas établi qu'elle aurait volontairement exercé en France son activité de manière occulte et qu'elle aurait intentionnellement omis de déclarer l'impôt en France, d'autre part, qu'elle a régulièrement déclaré ses activités et ses résultats imposables au Luxembourg, Etat avec lequel la France a conclu un accord d'échange de renseignements.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre la France et le Grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958, modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Orkenise Art, qui exerce une activité d'antiquaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié, selon la procédure de taxation d'office, des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés au titre des années 2005 à 2009, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2009. La société Orkenise Art relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des majorations correspondantes.
2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le délai spécial de reprise s'applique " lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ". Aux termes de l'article L. 188 A du même livre : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements [...], les omissions ou insuffisances d'imposition y afférentes peuvent être réparées, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réponse à la demande et au plus tard jusqu'à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Le présent article s'applique [...] dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements, au moment où celle-ci a été formulée, ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire au moment où cette réponse est parvenue à l'administration ".
3. D'une part, si la société soutient que l'administration fiscale a méconnu les dispositions du second alinéa de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, en l'espèce le service s'est fondé, pour prolonger le délai de reprise, sur les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ainsi que sur les dispositions de l'article L. 188 A du même livre. La société Orkenise Art ne conteste pas n'avoir déposé ni déclaration de résultat ni déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, et ne pas s'être fait connaître du centre de formalité des entreprises ni du greffe du tribunal de commerce. C'est donc à bon droit qu'elle a été regardée comme ayant exercé une activité occulte, et que l'administration fiscale a en conséquence étendu le délai de reprise sur le fondement du deuxième alinéa précité de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Dès lors que l'administration fiscale s'est, à bon droit, fondée sur ces dispositions pour étendre le délai de reprise, la circonstance qu'elle aurait méconnu les dispositions du second alinéa de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, auquel elle s'est référée de manière surabondante, est sans incidence sur l'extension du délai de reprise.
4. D'autre part, si la société Orkenise Art soutient qu'elle n'aurait pas été informée au cours de la vérification de comptabilité, et dans un délai raisonnable, des demandes d'assistance administrative internationale présentées auprès des autorités fiscales luxembourgeoises et des réponses de ces dernières, en méconnaissance du second alinéa de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, l'obligation d'informer le contribuable de la demande d'assistance administrative internationale auprès d'un autre Etat, au moment où celle-ci a été formulée, ainsi que de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat, au moment où cette réponse est parvenue à l'administration, ne constitue qu'une condition de l'application du délai spécial de reprise prévu au premier alinéa de ce même article. Au cas d'espèce la mention, dans la proposition de rectification du 7 septembre 2011, des demandes d'assistance internationale présentées par l'administration le 18 octobre 2010 et le 16 mai 2011 auprès des autorités fiscales luxembourgeoises ainsi que de la teneur des renseignements que l'administration a reçus de la part de ces autorités, et qu'elle a effectivement utilisés pour fonder les rectifications en litige, était suffisante pour permettre à la société Orkenise Art de demander la communication de ces renseignements avant la mise en recouvrement des impositions, conformément aux dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, et de présenter utilement des observations sur la proposition de rectification qui lui a été régulièrement notifiée, conformément à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, la société ne peut soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la société requérante reprend en appel les moyens tirés de ce qu'elle n'était pas imposable en France à l'impôt sur les sociétés en application du paragraphe 3 de l'article 2 de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 et du I de l'article 209 du code général des impôts et qu'elle justifiait, à titre subsidiaire, de l'existence d'un établissement stable au Luxembourg et ne saurait être assujettie en France au titre de l'activité de cet établissement. Elle n'apporte cependant aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur son argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 6 à 12 de leur jugement. La société Orkenise Art ne présente par ailleurs aucun moyen propre aux autres impositions mises en recouvrement.
6. Enfin, aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / [...] / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte [...] ".
7. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre Etat et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.
8. L'administration fiscale a relevé, dans la proposition de rectification du 7 septembre 2011, que la société Orkenise Art n'avait pas accompli les formalités auxquelles elle était tenue lors de la création de son activité auprès d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, qu'elle n'avait pas rempli ses obligations fiscales déclaratives dans les délais légaux et que son activité avait été découverte au cours de la procédure de visite et de saisie effectuée par l'administration fiscale. Si la société Orkenise Art soutient qu'elle a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales au Luxembourg et que la France a conclu avec cet Etat un accord d'échange d'informations, elle ne fournit toutefois aucune précision ni élément de preuve quant à l'imposition dont elle aurait fait l'objet au Luxembourg. Ainsi, la société Orkenise Art, qui exerçait la totalité de son activité par l'intermédiaire de l'établissement stable dont elle disposait en France, n'établit pas qu'elle aurait commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives en France. Par conséquent, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l'exercice occulte de l'activité en France de la société Orkenise Art. La société Orkenise Art n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration, qui a suffisamment motivé la proposition de rectification sur ce point, a appliqué la majoration de 80 % pour activité occulte prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orkenise Art n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Orkenise Art est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orkenise Art et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Hamon, président,
M. Segretain, premier conseiller,
M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2021.
Le rapporteur,
K. B...
Le président,
P. HAMON Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA03666 2