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31/03/2021 | FRANCE | N°19PA01532

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 mars 2021, 19PA01532


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Piasa a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat intracommunautaire pour un objet d'art ainsi que les décisions du 21 mars 2016 et du 30 mai 2016 rejetant sa précédente demande de certificat.

Par un jugement n° 1702362/5-3 du 6 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Piasa a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat intracommunautaire pour un objet d'art ainsi que les décisions du 21 mars 2016 et du 30 mai 2016 rejetant sa précédente demande de certificat.

Par un jugement n° 1702362/5-3 du 6 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mai 2019 et le 29 septembre 2020, la société Piasa S.A., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 mars 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat intracommunautaire pour un objet d'art ainsi que les décisions du 21 mars 2016 et du 30 mai 2016 rejetant sa précédente demande de certificat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la date de prélèvement dans la nature peut être prouvée par tous moyens, notamment par une expertise de l'ancienneté du spécimen ou par tout autre élément établissant l'ancienneté de la possession ;

- seule la preuve de cette date suffit, sans qu'il soit besoin d'apporter la preuve de la date de l'acquisition du fragment de dent de narval en application des dispositions des articles 5 et 8 du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 ;

- le prélèvement de la dent de narval est intervenu avant 1997 ;

- la preuve en est établie par la production de deux articles de revue parus en 1967 et 1980 ;

- la décision implicite de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (DRIEE) d'Ile-de-France est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- à titre subsidiaire, la dent de narval constitue un spécimen travaillé acquis plus de cinquante ans auparavant, au sens des dispositions du W) de l'article 2 du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 ;

- la décision implicite de la DRIEE d'Ile-de-France est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne s'oppose à la délivrance d'un certificat postérieurement à la vente.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction signée à Washington le 3 mars 1973 ;

- le règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996 ;

- le règlement (CE) n° 865/2006 du 4 mai 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société Piasa.

Considérant ce qui suit :

1. La société Piasa, opérateur de ventes volontaires aux enchères publiques, a, le 15 mai 2013, procédé à la vente de deux fragments de dents de narval reposant sur une base en métal patiné figurant parmi les biens de la succession d'un particulier. Par une décision du 21 mars 2016, la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (DRIEE) d'Ile-de-France a rejeté la demande par laquelle la société Piasa sollicitait la délivrance d'un certificat intracommunautaire pour la vente des dents de narval. Le 30 mai 2016, l'administration a rejeté le recours gracieux de la société Piasa dirigé contre cette décision de rejet. Le 7 juin 2016, cette dernière a présenté une nouvelle demande de certificat à laquelle il n'a pas été répondu. Par jugement du 6 mars 2019, dont la société Piasa relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la DRIEE d'Ile-de-France ainsi que des décisions du 21 mars 2016 et du 30 mai 2016.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la société Piasa a sollicité la délivrance d'un certificat l'autorisant à vendre, au sein de l'espace de l'Union européenne, des spécimens d'une espèce inscrite à l'annexe A du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et flore sauvage par le contrôle de leur commerce. Dès lors, elle ne peut utilement invoquer les dispositions des articles 5 et 6 de ce règlement qui sont applicables aux exportations ou réexportations hors de l'Union européenne.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 du règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996 : " 1. Il est interdit (...) de vendre (...) des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe A. (...) 3. (...) il peut être dérogé aux interdictions prévues au paragraphe 1 à condition d'obtenir de l'organe de gestion de l'Etat membre dans lequel les spécimens se trouvent un certificat à cet effet, délivré cas par cas, lorsque les spécimens : a ) ont été acquis ou introduits dans la Communauté avant l'entrée en vigueur, pour les spécimens concernés, des dispositions relatives aux espèces inscrites (...) à l'annexe A du présent règlement. b) sont des spécimens travaillés ayant été acquis plus de cinquante ans auparavant (...) ". Aux termes de l'article premier du règlement (CE) n° 865/2006 de la Commission du 4 mai 2006 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et flore sauvage par le contrôle de leur commerce : " Aux fins du présent règlement, et en complément des définitions énoncées à l'article 2 du règlement (CE) no 338/97, on entend par: 1) "date d'acquisition", la date à laquelle un spécimen a été prélevé dans la nature, est né en captivité ou a été reproduit artificiellement; (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article premier du règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996 : " Le présent règlement s'applique dans le respect des objectifs, principes et dispositions de la convention (...) " sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Selon l'article VII de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction signée à Washington le 3 mars 1973 (CITES) : " Lorsqu'un organe de gestion de l'Etat d'exportation ou de réexportation a la preuve que le spécimen a été acquis avant que les dispositions de la présente Convention ne s'appliquent audit spécimen, les dispositions des articles III, IV et V ne sont pas applicables à ce spécimen, à la condition que ledit organe de gestion délivre un certificat à cet effet. ". La résolution 5.11, sous a), de la 5ème Conférence des parties à la Convention, qui s'est tenue en 1985, recommande " que, pour les besoins de l'article VII, paragraphe 2, de la Convention, la date à laquelle un spécimen est acquis soit i) pour les animaux ou les plantes vivants et morts prélevés à l'état sauvage la date de leur prélèvement initial dans leur habitat ou ii) pour les parties et les produits la date de leur entrée en possession d'une personne, la date la plus ancienne faisant foi ".

5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 3 que le règlement n° 338/97 du 9 décembre 1996 s'applique dans le respect des objectifs, des principes et des dispositions de la CITES. Pour l'application des stipulations rappelées au point 4, la notion d'" acquisition " au sens du a) de l'article 8 de ce règlement, lorsqu'est en cause une partie d'un animal inscrit à son annexe A, doit donc être regardée comme concernant toute entrée en possession en vue d'une détention personnelle, soit notamment par achat, don, héritage et non comme la date à laquelle un spécimen a été prélevé dans la nature.

6. Dès lors, si tout moyen de preuve de l'acquisition d'un spécimen est admissible, il doit porter sur la date de cette acquisition, telle que définie au point précédent. Par suite, l'inventaire des biens de la succession parmi laquelle figurait les spécimens en litige, établi par un notaire avec l'assistance d'un commissaire-priseur, qui date les dents de narval aux environs de l'année 1900, n'est pas de nature à établir la date d'acquisition de ces objets par leur propriétaire mais seulement leur ancienneté. De même, l'expertise sollicitée par la société Piasa et qui a été refusée, à bon droit, par la DRIEE d'Ile-de-France n'aurait pu porter que sur la seule détermination de l'ancienneté de ces spécimens. Enfin, les deux photographies extraites de revues de décoration de 1967 et de 1980, produites par la société requérante, ne sont pas de nature à démontrer une date d'acquisition antérieure à ces magazines dès lors qu'il n'est pas établi que les objets figurant sur ces photographies soient ceux pour lesquels le certificat dérogatoire a été sollicité. Par suite, les décisions de la DRIEE d'Ile-de-France refusant la délivrance du certificat sollicité ne sont entachées ni d'erreur de droit ni de méconnaissance des dispositions de l'article 8 du règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 du règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996 : " Aux fins du présent règlement, on entend par: (...) w) " spécimens travaillés acquis plus de cinquante ans auparavant " : les spécimens dont l'état brut naturel a été largement modifié pour en faire des bijoux, des objets décoratifs, artistiques ou utilitaires, ou des instruments de musique, plus de cinquante ans avant l'entrée en vigueur du présent règlement et dont l'organe de gestion de l'Etat membre concerné a pu s'assurer qu'ils ont été acquis dans de telles conditions. De tels spécimens ne sont considérés comme spécimens travaillés que s'ils appartiennent clairement à l'une des catégories susmentionnées et peuvent être utilisés sans être sculptés, ouvragés ou transformés davantage ; (...) ".

8. La société requérante fait valoir que les dents de narval en litige constituent des spécimens travaillés et, à ce titre, bénéficient d'une dérogation en application des dispositions du c) de l'article 8 du règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996. Cependant, la seule circonstance que ces fragments de dent soient montés sur un support en métal pour être utilisés comme objet décoratif n'est pas de nature à démontrer qu'il s'agirait de spécimens dont l'état brut a été largement modifié et qu'ils répondraient ainsi à la définition figurant au w) de l'article 2 de ce règlement. A supposer même qu'ils puissent être regardés comme des spécimens travaillés au sens des dispositions du règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996, il n'est pas établi ni même sérieusement allégué que ces objets auraient été acquis avant le 3 mars 1947. Par suite, la société Piasa n'est pas fondée à soutenir que la DRIEE d'Ile-de-France aurait entaché ses décisions d'une erreur de droit ou méconnu les dispositions du c) de l'article 8 du règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996.

9. En quatrième lieu, pour les motifs énoncés aux points 6 et 8 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 43 du règlement (CE) n° 865/2006 de la Commission du 4 mai 2006 : " Vente de spécimens couverts par des certificats Lorsque le titulaire d'un certificat de propriété délivré conformément à l'article 39, paragraphe 1, du présent règlement souhaite vendre le spécimen, il doit préalablement remettre le certificat à l'organe de gestion l'ayant délivré et, lorsque le spécimen appartient à une espèce inscrite à l'annexe A du règlement (CE) no 338/97, solliciter auprès de l'autorité compétente un certificat conformément à l'article 8, paragraphe 3, dudit règlement. ".

11. Il résulte des dispositions combinées de l'article 8 du règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996 et de l'article 43 du règlement (CE) n° 865/2006 du 4 mai 2006, que la vente de spécimens figurant à l'annexe A du premier règlement est interdite sauf lorsqu'un certificat autorisant une telle vente a été délivrée par l'autorité compétente, préalablement à la vente, sous peine de conférer à cette dernière un caractère illicite. Par suite, la DRIEE d'Ile-de-France a pu, à bon droit, opposer également à la société Piasa dans sa décision du 30 mai 2016 l'impossibilité de délivrer un certificat intracommunautaire a posteriori.

12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête, que la société Piasa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Piasa est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Piasa S. A. et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de région, préfet d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.

Le rapporteur,

C. A...La présidente,

M. B... Le rapporteur,

C. A...La présidente,

M. B... Le rapporteur,

C. A...La présidente,

M. B... Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA01532


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01532
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : 2BA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-31;19pa01532 ?
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