La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2021 | FRANCE | N°19PA03005

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 mars 2021, 19PA03005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Compagnie Française Maritime de Tahiti a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française de deux demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté n° MLA du 18 décembre 2018 en tant que la Polynésie française lui a accordé une licence d'exploitation du navire Taporo VII d'une durée de cinq ans, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté n° 2654 CM du 13 décembre 2018 relatif à la fixation de la durée de la licence d'exploitation dans le cadre du transport maritime interinsulaire

, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Compagnie Française Maritime de Tahiti a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française de deux demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté n° MLA du 18 décembre 2018 en tant que la Polynésie française lui a accordé une licence d'exploitation du navire Taporo VII d'une durée de cinq ans, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté n° 2654 CM du 13 décembre 2018 relatif à la fixation de la durée de la licence d'exploitation dans le cadre du transport maritime interinsulaire, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900047, 1900048 du 28 juin 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2019, la Compagnie Française Maritime de Tahiti, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 18 décembre 2018 ;

3°) de déclarer illégal l'arrêté mentionné ci-dessus du 13 décembre 2018 ;

4°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 150 000 francs Pacifique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué du 18 décembre 2018 est entaché d'erreur de droit ;

- elle est fondée, par voie d'exception, à se prévaloir de l'illégalité de l'arrêté réglementaire du 13 décembre 2018 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la Polynésie française a méconnu le principe de l'intelligibilité de la réglementation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2020, la Polynésie française, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Compagnie Française Maritime de Tahiti au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que:

- la requête est irrecevable faute d'intérêt à agir et d'être dirigée contre une décision faisant grief, et à défaut de motivation ;

- les moyens soulevés par la Compagnie Française Maritime de Tahiti sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi du pays n° 2016-3 du 25 février 2016 ;

- la délibération n° 2017-124 APF du 14 décembre 2017 ;

- l'arrêté n° 211 CM du 15 février 2018 ;

- l'arrêté n° 2654 CM du 13 décembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La loi du pays du 25 février 2016 relative à l'organisation du transport interinsulaire maritime et aérien soumet l'activité de transport public de personnes, de biens et de marchandises à l'octroi d'une licence d'exploitation délivrée pour une durée déterminée. La Compagnie Française Maritime de Tahiti (CFMT ), qui exploite le navire Taporo VII, a répondu à l'appel à candidatures de la Polynésie française pour la desserte maritime interinsulaire et sollicité la délivrance d'une licence d'exploitation afin de desservir les îles de Huahine, Raiatea, Tahaa et Bora Bora. Elle a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2018 par lequel le ministre du logement et de l'aménagement du territoire lui a octroyé cette licence, en tant que la durée d'exploitation est limitée à cinq ans et qu'il lui impose 96 rotations annuelles, et d'autre part, à l'annulation de l'arrêté n° 2654 CM du 13 décembre 2018 modifiant l'arrêté du

15 février 2018 relatif à la fixation de la durée de la licence d'exploitation dans le cadre du transport maritime interinsulaire. Les premiers juges ont relevé qu'en cours d'instance, par un arrêté n° 4207 MLA du 10 avril 2019, devenu définitif, la Polynésie française a modifié la durée de validité de la licence d'exploitation accordée à la CFMT en l'étendant à dix ans, que l'arrêté initial n'a pas reçu d'exécution puisque la durée initiale autorisée de cinq années n'était pas expirée, mais que la CFMT avait demandé à exploiter le Taporo VII pour une durée de vingt ans. Le tribunal en a conclu que les conclusions devaient être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 10 avril 2019 en tant que la durée de validité de la licence d'exploitation est limitée à dix ans, avant de rejeter les deux demandes par un jugement du 28 juin 2019. La Compagnie Française Maritime de Tahiti relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 15 février 2018 relatif à la fixation de la durée de la licence d'exploitation dans sa rédaction résultant de l'arrêté du

13 décembre 2018 : " En application des dispositions de l'article LP. 10 de la loi du pays n° 2016-3 du 25 février 2016 susvisée, la durée de la licence d'exploitation est fixée notamment en fonction de la durée d'exploitation ou de la durée normale d'amortissement du matériel de transport. (...) ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " La fixation de la durée d'exploitation du matériel de transport visée à l'article précédent tient compte des éléments suivants : / - les caractéristiques du navire, notamment son âge ; - les conditions générales d'utilisation préalable du navire antérieurement à la date d'attribution de la licence d'exploitation ; / - la typologie et l'âge des moteurs principaux ; / - l'usage prévu par l'opérateur, et notamment le nombre de dessertes prévues annuellement, la durée du périple, la vitesse de croisière, le programme d'entretien et de maintenance ". La durée de la licence d'exploitation a bien été fixée par l'arrêté du 10 avril 2019, en application de l'arrêté du

15 février 2018 dans sa rédaction modifiée par l'arrêté du 13 décembre 2018 publié le 21 décembre suivant. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut donc qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, il n'est pas contesté que le navire Taporo VII qui utilise pour sa propulsion des hydrocarbures fossiles, avait 40 ans à la date de l'arrêté attaqué, et qu'il a été mis en service en Polynésie française en 2001. La Polynésie française pouvait donc légalement tenir compte de ce critère d'âge du navire. Si la Compagnie Française Maritime de Tahiti soutient que la prise en compte des autres critères prévus par l'article 3 cité ci-dessus de l'arrêté du

15 février 2018 modifié devait amener l'administration à ne pas limiter la durée de la licence d'exploitation à dix ans, elle n'apporte pas de justifications suffisantes permettant d'établir qu'en limitant à 10 ans la durée de sa licence d'exploitation du TaporoVII, le ministre du logement et de l'aménagement du territoire aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

4. En troisième lieu, la Compagnie Française Maritime de Tahiti excipe de l'illégalité de l'arrêté du 13 décembre 2018 mentionné ci-dessus en faisant valoir que la réglementation relative aux licences d'exploitation crée une rupture d'égalité entre les candidats à cette licence dès lors que l'âge d'un navire ne reflète pas nécessairement son bon état de fonctionnement. Cependant, d'une part, il résulte des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 15 février 2018 modifié citées au point 2, que l'âge d'un navire n'est pas le seul critère déterminant la durée d'exploitation autorisée, et d'autre part, si l'âge des navires entre en compte dans l'appréciation de leur durée d'exploitation, cet élément est conforme aux objectifs fixés par la loi du pays du 25 février 2016 de limiter les éventuelles pollutions par des navires trop anciens et consommateurs de beaucoup d'énergie fossile, et de garantir la sécurité des transports maritimes en Polynésie française en incitant les armateurs au renouvellement de leur flotte. Enfin, et en tout état de cause, l'administration est en droit de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes, notamment, en l'espèce, au regard de l'état et des caractéristiques des bateaux. En conséquence, l'arrêté attaqué ne méconnaît pas le principe d'égalité dès lors que les navires qui ont bénéficié de licences d'exploitation de durées différentes ne se trouvaient pas dans des situations comparables.

5. En dernier lieu, la Compagnie Française Maritime de Tahiti fait valoir que l'arrêté modificatif litigieux introduit à l'article 3 des dispositions contradictoires à celles de l'article 1er. Toutefois, la limitation de la durée d'exploitation de l'article 1er se décompte à partir de la première mise en ligne en Polynésie française et ne concerne que les navires fonctionnant avec des hydrocarbures fossiles, alors que celle de l'article 3 concerne tous les navires, quelle que soit leur énergie de propulsion, et tient compte de l'âge du navire, quelle que soit la date de sa première mise en ligne en Polynésie. Les deux limitations ne sont donc pas contradictoires. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'intelligibilité de la réglementation ne peut qu'être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la Compagnie Française Maritime de Tahiti n' est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Compagnie Française Maritime de Tahiti une somme de 1 500 euros au titre du même article.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Compagnie Française Maritime de Tahiti est rejetée.

Article 2 : La Compagnie Française Maritime de Tahiti versera la somme de 1 500 euros à la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Compagnie Française Maritime de Tahiti et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 19 février 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2021.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

K. PETIT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA03005 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03005
Date de la décision : 05/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SEP USANG CERAN-JERUSALEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-05;19pa03005 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award