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15/02/2021 | FRANCE | N°19PA00348

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 février 2021, 19PA00348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association lotoise d'initiatives sociales et éducatives (ALISÉ), agissant en tant que tuteur de Mme A... B..., a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Lot d'annuler la décision du 6 décembre 2016 par laquelle le président du conseil départemental du Lot a rejeté sa demande d'aide sociale pour la prise en charge des frais d'hébergement de Mme B... pour un montant de 10 209,57 euros au motif que cette dernière disposait de liquidités suffisantes pour financer ses dépenses d'héberg

ement.

Par une décision du 30 mars 2017, la commission départementale d'aide...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association lotoise d'initiatives sociales et éducatives (ALISÉ), agissant en tant que tuteur de Mme A... B..., a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Lot d'annuler la décision du 6 décembre 2016 par laquelle le président du conseil départemental du Lot a rejeté sa demande d'aide sociale pour la prise en charge des frais d'hébergement de Mme B... pour un montant de 10 209,57 euros au motif que cette dernière disposait de liquidités suffisantes pour financer ses dépenses d'hébergement.

Par une décision du 30 mars 2017, la commission départementale d'aide sociale du Lot a rejeté la demande de l'ALISÉ.

Procédure devant la Cour :

Par une requête en date du 21 juin 2017, complétée le 6 décembre 2017, l'ALISÉ, agissant en tant que tuteur de Mme A... B..., a demandé à la commission centrale d'aide sociale de réformer la décision de la commission départementale d'aide sociale du Lot et d'admettre Mme B... à l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement au titre de la période allant du 14 juillet au 12 septembre 2016.

Elle soutient que :

- l'article L. 241-1 du règlement départemental modifié prévoit qu'" il n'est pas tenu compte des ressources de la personne handicapée, ni de ses obligés alimentaires, pour l'admission à l'aide sociale à l'hébergement " ;

- les ressources de Mme B..., constituées de l'allocation adulte handicapé et de revenus de capitaux placés, s'élèvent après déduction de l'argent de poche à 747,55 euros, ce qui ne lui permet pas de couvrir les frais d'hébergement mensuels qui s'élèvent à 5 021,10 euros ;

- conformément aux dispositions de l'article L. 131-1 du code de l'action sociale et des familles, le département n'est fondé à prendre en compte, pour l'appréciation des ressources du postulant, que les revenus du capital, et non le capital lui-même.

Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2017, le président du conseil départemental du Lot a demandé que soit maintenue la décision de la commission départementale du Lot.

Il soutient que :

- les divers placements disponibles dont dispose Mme B... s'élèvent au montant de 72 650,56 euros, notamment un compte courant d'un montant de 13 778,72 euros, et lui permettent de payer la dépense ponctuelle de 10 209,57 euros relative à son accueil temporaire de 61 jours à la maison Perce-Neige de Gourdon (46300).

En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00348.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., magistrat honoraire,

-et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., reconnue personne handicapée, résidant actuellement en famille d'accueil, a été hébergée au foyer d'accueil médicalisé Perce-Neige de Gourdon (46300) du 14 juillet au 12 septembre 2016. Les frais d'hébergement dans ce foyer d'accueil se sont élevés au montant de 10 209,75 euros. L'ALISÉ, désignée par jugement du juge des tutelles du Tribunal d'instance de Cahors en date du 27 décembre 2012 en qualité de tuteur de Mme B..., a demandé la prise en charge de cette dernière à l'aide sociale pour le montant susmentionné de ces frais d'hébergement, qui a été refusée par le département du Lot par décision du 19 septembre 2016. L'ALISÉ demande l'annulation de la décision du 15 mars 2017 par laquelle la commission départementale d'aide sociale du Lot a rejeté son recours contre la décision du président du conseil départemental.

2. Il ressort de la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat du 10 juin 2020 n°425065 qu'il résulte des articles L. 314-8, R. 314-194 et du 2° de l'article L. 314-8 du code de l'action sociale et des familles, éclairés par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 dont ils sont issus, que le législateur a entendu que la participation des personnes accueillies à titre temporaire dans un établissement pour adultes handicapés aux frais afférents à leur prise en charge n'excède pas, quelles que soient leurs ressources, un montant que l'article R. 314-194 du même code a fixé à hauteur du forfait journalier hospitalier prévu à l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale (CSS) pour un accueil avec hébergement. En outre, il résulte du I de l'article L. 312-1 et des articles L. 344-5 et R. 344-29 du CASF qu'il appartient au président du conseil départemental, appelé à fixer cette participation, d'apprécier si le niveau des ressources de l'intéressé, rapportées à la durée de son accueil temporaire en établissement, justifie son admission à l'aide sociale, en recherchant si l'acquittement du montant du forfait journalier hospitalier lui permettrait de conserver pendant la même période la disposition du minimum de ressources mentionné au 1° de l'article D. 344-35 du CASF, pris pour l'application de l'article L. 344-5 du même code.

3. D'une part, au cours de la période en cause, le montant du forfait journalier hospitalier a été fixé, en application d'arrêtés pris sur le fondement de l'article R. 174-5 du code de la sécurité sociale, à 18 euros. Dans ces conditions, le président du conseil départemental du Lot ne pouvait, sans méconnaitre les dispositions de l'article R. 314-194 du code de l'action sociale et des familles précité, laisser à la charge de Mme B... une contribution journalière de 164,63 euros (soit un montant mensuel de 5 021,10 euros) au titre de l'accueil temporaire au foyer d'accueil médicalisé Perce-Neige de Gourdon, contribution qui excède le montant du forfait journalier hospitalier.

4. Il en résulte que Mme B... est fondée à demander l'annulation de la décision du la décision de la commission départementale d'aide sociale du Lot en date du 30 mars 2017 et de la décision du président du conseil départemental du Lot en date du 6 décembre 2016 du président du conseil départemental du Lot en tant qu'elles ont laissé à sa charge une contribution journalière excédant le montant du forfait journalier hospitalier, au titre de l'accueil temporaire au foyer d'accueil médicalisé Perce-Neige de Gourdon.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles: " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 132-3 du même code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l'aide sociale peut être titulaire s'ajoutent à cette somme. ". ". L'article R. 132-1 du même code prévoit que : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu (...) sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à (...) 3 % du montant des capitaux ". Aux termes de l'article L. 344-5 du même code : " Les frais d'hébergement et d'entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés (...) au 7° du I de l'article L. 312-1 (...) sont à la charge : / 1° à titre principal, de l'intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d'un minimum fixé par décret et par référence à l'allocation aux handicapés adultes, différent selon qu'il travaille ou non (...) ; / 2° et, pour le surplus éventuel, de l'aide sociale (...) ". Aux termes du 1° de l'article D. 344-35 du même code : " Lorsque l'établissement assure un hébergement et un entretien complet, y compris la totalité des repas, le pensionnaire doit pouvoir disposer librement chaque mois : / 1° S'il ne travaille pas, de 10 % de l'ensemble de ses ressources mensuelles et, au minimum, de 30 % du montant mensuel de l'allocation aux adultes handicapés ; (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu tenir compte, pour apprécier les ressources des personnes demandant l'aide sociale, des seuls revenus périodiques, tirés notamment d'une activité professionnelle, du bénéfice d'allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers ; à défaut de placement de ces derniers, dès lors qu'il ne s'agit pas de l'immeuble servant d'usage principal d'habitation, il a prévu d'évaluer fictivement les revenus que l'investissement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur ; en tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans l'estimation de ces ressources.

7. Il résulte de l'instruction que les ressources mensuelles de Mme B... s'élevaient, à la date de la demande, à 808,46 euros par mois (montant de l'allocation adulte handicapé), soit 26,95 euros par jour, et à 95,44 euros par mois de revenus de capitaux placés, soit 3,18 euros par jour, soit un total de 30,13 euros par jour. Par suite, le total de ses ressources lui permettait d'acquitter le montant du forfait journalier hospitalier qui s'élevait, à la date de la décision litigieuse, à 18 euros, tout en conservant la disposition du minimum de ressources mentionné par les dispositions précitées du 1° de l'article D. 344-35 du code de l'action sociale et des familles.

8. Il résulte de ce qui précède que, s'agissant du paiement du forfait journalier hospitalier de dix-huit euros, il n'y a pas lieu d'admettre Mme B... à l'aide sociale à l'hébergement au titre de la période en cause, allant du 14 juillet au 12 septembre 2016.

9. Il s'ensuit qu'il y a seulement lieu d'annuler ensemble les décisions du président du conseil départemental du Lot du 6 décembre 2016 et de la commission départementale d'aide sociale du Lot du 30 mars 2017 en tant qu'elles laissent à la charge de Mme B... une contribution journalière excédant le montant du forfait journalier hospitalier, au titre de l'accueil temporaire au foyer d'accueil médicalisé Perce-Neige de Gourdon et de rejeter le surplus de la demande de prise en charge, au titre de l'aide sociale, des frais d'hébergement de Mme B....

D É C I D E :

Article 1er : La décision de la commission départementale d'aide sociale du Lot en date du 30 mars 2017 et la décision du président du conseil départemental du Lot en date du 6 décembre 2016 sont annulées en tant qu'elles ont laissé à la charge de Mme B... une contribution journalière excédant le montant du forfait journalier hospitalier de dix-huit euros au titre de son accueil temporaire au foyer d'accueil médicalisé Perce-Neige de Gourdon.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Solincité - Dispositif Mandataires Judiciaires ès qualités de tuteur de Mme A... B... et au président du conseil départemental du Lot.

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Vinot, président de chambre,

M. Luben, président assesseur,

Mme C..., magistrat honoraire.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.

La présidente de la 8ème chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

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N° 19PA00348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00348
Date de la décision : 15/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-04-01 Aide sociale. Contentieux de l'aide sociale et de la tarification. Contentieux de l'admission à l'aide sociale.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Suzanne TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-15;19pa00348 ?
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