Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 avril 2018 par laquelle la commission fédérale des agents sportifs (CFAS) de la Fédération française de football (FFF) a refusé de reconnaitre ses qualifications en vue de son établissement sur le territoire français et de lui délivrer une autorisation d'exercice.
Par un jugement n°1807414 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 septembre 2019, M. A... B..., représenté par la SARL Fellous Avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision de la commission fédérale des agents sportifs de la Fédération française de football du 11 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre à la commission fédérale des agents sportifs de la Fédération française de football de lui délivrer la licence d'agent sportif dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la Fédération française de football la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement, qui ne mentionne pas les éléments retenus pour que soit déduite des pièces du dossier l'inauthenticité du courriel d'opposition et qui ne répond pas à l'ensemble de son argumentation, est insuffisamment motivé ;
- le jugement a dénaturé l'objet du litige ;
- il ne résulte d'aucune disposition du code du sport que la charge de la preuve de la réception de l'opposition à une conciliation incombe à une des parties ;
- il a produit devant les premiers juges la preuve de l'envoi du courriel d'opposition sans que la partie adverse ne démontre son inauthenticité ;
- sur le fond, la commission, à laquelle a siégé un agent sportif en méconnaissance de l'article R.222-3 du code du sport, a statué dans une formation irrégulière ; cette irrégularité a exercé une influence sur le sens de la décision et l'a privé d'une garantie ;
- la décision n'a pas été notifiée à son domicile réel en méconnaissance de l'article R.751-3 du code de justice administrative ;
- il satisfait aux critères professionnels posés par l'article L. 222-15 du code du sport ;
- aucun texte ne prévoit que l'exercice de l'activité d'agent professionnel à l'étranger soit incompatible avec un établissement en France ;
- la décision contestée présente un caractère discriminatoire fondé sur la nationalité et sur le lieu d'établissement ;
- les dispositions de l'article R.222-3 du code du sport portent atteinte au principe d'égalité ;
- l'article L. 222-15 du code du sport est inconstitutionnel.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2020, la Fédération française de football, représentée par la SCP Matuchansky Poupot Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- le tribunal n'a rien dénaturé ; il n'a pas modifié l'objet du litige ;
- dans la mesure où l'article R.141-23 du code du sport prévoit que les mesures proposées par les conciliateurs sont réputées acceptées par les parties, c'est à la partie qui affirme s'être opposée à la conciliation qu'il revient d'apporter la preuve de son opposition ;
- les allégations du requérant quant à l'envoi de son courriel d'opposition comportent des contradictions et la copie de ses courriels des incohérences ; il s'agit de forgeries grossières ; leur authenticité ne saurait se déduire du constat d'huissier ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction est intervenue le 18 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la Fédération française de football.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., qui souhaite exercer en France la profession d'agent sportif a, par lettre du 16 mars 2018, saisi la commission fédérale des agents sportifs de la Fédération française de football d'une demande de reconnaissance de ses qualifications et de délivrance d'une autorisation d'exercice sur le territoire français dans le cadre d'une prestation de services. Par une décision du 11 avril 2018, la commission a refusé de faire droit à sa demande. Le
27 avril 2018, M. B... a saisi la conférence des conciliateurs du Comité national olympique et sportif français qui, par une proposition de conciliation du 2 juillet 2018, lui a recommandé de s'en tenir à la décision de la commission fédérale des agents sportifs. Par un jugement du
5 juillet 2019 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'annulation de la décision du 11 avril 2018 en relevant que le requérant, qui ne justifiait pas s'être opposé à la proposition des conciliateurs du Comité national olympique et sportif français, était réputé l'avoir acceptée.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal administratif de Paris, après avoir considéré qu'il incombait à la partie qui s'oppose aux mesures proposées par les conciliateurs de démontrer que son opposition a bien été notifiée aux conciliateurs et aux autres parties, notamment par la production d'accusés de réception, a relevé qu'à deux reprises, le président de la conférence de conciliateurs du Comité national olympique et sportif français lui avait fait savoir qu'aucune partie ne lui avait notifié son opposition. Pour estimer que l'authenticité du courriel de confirmation de son opposition dont se prévalait M. B... était douteuse, les premiers juges se sont fondés sur les indications fournies par le président de la conférence des conciliateurs qui précisait que l'adresse électronique générique du CNOSF, à laquelle M. B... soutient avoir envoyé son message d'opposition, ne génère pas d'accusé de réception électronique. Ils ont également considéré que le procès-verbal de constat du contenu de la boîte de messagerie de M. B... réalisé par un huissier de justice n'était pas probant. Ce faisant, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments du demandeur, a suffisamment motivé son jugement. Le tribunal qui s'est prononcé sur la validité des éléments produits par M. B... pour statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense n'a pas dénaturé l'objet de la demande. Les critiques du requérant portent sur le bien-fondé du jugement. Celui-ci n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 141-4 du code du sport : " Le Comité national olympique et sportif français est chargé d'une mission de conciliation dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées, à l'exception des conflits mettant en cause des faits de dopage. (...) ". Aux termes de l'article
R. 141-5 du même code : " La saisine du comité à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux, lorsque le conflit résulte d'une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts. ". Aux termes de l'article R. 141-23 de ce code : " Les mesures proposées par les conciliateurs sont réputées acceptées par les parties et doivent être appliquées dès leur notification. Les parties peuvent toutefois s'y opposer dans le délai de quinze jours à compter de cette notification. / Cette opposition ne peut être prise en compte que si elle est notifiée aux conciliateurs ainsi qu'aux autres parties. / Ces notifications doivent intervenir par lettre recommandée, par télécopie ou par courrier électronique, avec demande d'avis de réception. ".
4. Il résulte des dispositions précitées que la saisine du Comité national olympique et sportif français constitue un recours préalable obligatoire à tout recours contentieux lorsque le litige entre dans le champ d'application des articles L. 141-4 et R. 141-5 du code du sport. Il incombe à la partie qui s'oppose aux mesures proposées par les conciliateurs de justifier que son opposition a bien été notifiée aux conciliateurs et aux autres parties, notamment par la production d'accusés de réception. En l'absence de notification d'une telle opposition dans un délai de quinze jours à compter de la notification des mesures proposées par les conciliateurs, ces dernières sont présumées acceptées par les parties. En cas de contestation sur l'existence d'une telle opposition et notamment sur l'authenticité d'un avis de réception, il appartient au juge de former sa conviction au vu des éléments versés au dossier et de l'argumentation des parties.
5. En l'espèce, le président de la conférence des conciliateurs du Comité national olympique et sportif français, tiers au litige, qui accuse toujours réception des oppositions aux propositions des conciliateurs au moyen d'une lettre-type, a spontanément fait savoir au tribunal administratif de Paris qu'au 31 juillet 2018, soit plus de quinze jours après la proposition de conciliation du 2 juillet 2018 notifiée aux parties le même jour, aucune partie au litige ne lui avait fait part de son opposition. La Fédération française de football indique également qu'elle n'a pas reçu de message d'opposition à la proposition de conciliation du Comité national olympique et sportif français de la part de M. B.... Si M. B... a versé au dossier un courrier électronique en date du 13 juillet 2018 par lequel il faisait savoir au Comité national olympique et sportif français et à la Fédération française de football qu'il s'opposait à la proposition de conciliation du 2 juillet 2018, ainsi qu'un accusé de réception du même jour généré automatiquement par sa boîte de messagerie " Roundcube ", le président de la conférence des conciliateurs, à qui ce document avait été communiqué par le tribunal, a confirmé, par un courrier du 24 mai 2019, qu'il n'avait pas reçu de courrier électronique d'opposition de la part de M. B.... Le président de la conférence des conciliateurs, qui a consulté les services techniques du Comité national olympique et sportif français, a par ailleurs souligné que son serveur informatique ne délivrait pas d'accusé de lecture sous le timbre conciliation@cnosf.org, tel que celui qui figure sur l'avis de réception produit par M. B..., les seuls accusés de lecture étant délivrés depuis les adresses individuelles des personnes auxquelles les courriels sont retransmis. Cet élément, qui n'est contesté par M. B... par aucune argumentation convaincante, est de nature à ôter à cet avis de réception la valeur que lui attribue le requérant. En tout état de cause, il n'appartient pas au Comité national olympique et sportif français de démontrer que sa messagerie n'a pas généré d'accusé de réception ou de lecture d'un courriel qu'il affirme ne pas avoir reçu et dont l'existence même n'est pas établie. Par ailleurs, la Fédération française de football relève pour sa part que ce document comporte plusieurs anomalies. D'une part, la liste des destinataires mentionnés dans l'accusé de réception ne correspond pas à celle des destinataires du courriel d'opposition initial, d'autre part une particularité de frappe dans le titre du courriel initial ne se retrouve pas dans le titre de l'accusé de réception, et cela alors même qu'un avis de réception, automatiquement généré par la messagerie, reproduit nécessairement à l'identique les destinataires et le libellé du message initial. En l'absence d'explication convaincante de M. B... sur les anomalies relevées par la Fédération, l'avis de réception du courriel d'opposition dont il se prévaut est dépourvu de force probante et, par suite, l'existence de l'opposition à la proposition des conciliateurs ne saurait être regardée comme établie.
6. Pour le surplus, si M. B... a demandé à un huissier de procéder à des opérations sur sa machine pour qu'il établisse que le message dont il se prévaut a été effectivement envoyé, la Fédération française de football relève que ce constat d'huissier, établi le 13 mai 2019, comporte en haut de la page 10 une capture d'écran ou figurent des courriels datés d'août et de septembre 2019, ce qui conduit effectivement à s'interroger sur les conclusions à tirer de ces manipulations, au demeurant dépourvues d'explications simples et claires, qui ne permettent pas d'éclairer la religion du juge. Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la Fédération, à supposer même que ce constat d'huissier puisse être pris en compte, un avis de réception émanant de la boîte de messagerie " Roundcube " de l'expéditeur, en l'occurrence agjconsulting, adresse-mail de
M. B..., ne saurait établir la réception par les destinataires du message dont l'existence est alléguée, laquelle constitue la condition nécessaire de la validité de l'opposition.
7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que
M. B... aurait fait opposition dans le délai de quinze jours à la proposition de conciliation établie par le Comité national olympique et sportif français. Il doit dès lors être regardé comme ayant accepté la mesure de conciliation, laquelle a acquis force obligatoire à l'égard des parties. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à sa demande.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Fédération française de football, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par la Fédération française de football et de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la Fédération française de football la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au président de la Fédération française de football et au ministre des sports.
Copie en sera notifiée au président de la conférence des conciliateurs du Comité national olympique et sportif français.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. E..., premier vice-président,
- M. D..., président-assesseur,
- Mme Mornet, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.
Le rapporteur,
Ch. D...Le président,
M. E...
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des sports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 19PA02939