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19/01/2021 | FRANCE | N°20PA01268

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 janvier 2021, 20PA01268


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler, d'une part le permis de travaux immobiliers accordé par le ministre de l'équipement, de l'aménagement et de l'urbanisme de la Polynésie française le 23 novembre 2016 à

M. E... A... pour des travaux de construction d'un établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes sis dans le lotissement Pamatai Hills à Faa'a, d'autre par le certificat de conformité délivré le 23 avril 2019 à M. A... repr

sentant la SAS Héméra pour des travaux correspondant à ce permis.

Par une jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler, d'une part le permis de travaux immobiliers accordé par le ministre de l'équipement, de l'aménagement et de l'urbanisme de la Polynésie française le 23 novembre 2016 à

M. E... A... pour des travaux de construction d'un établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes sis dans le lotissement Pamatai Hills à Faa'a, d'autre par le certificat de conformité délivré le 23 avril 2019 à M. A... représentant la SAS Héméra pour des travaux correspondant à ce permis.

Par une jugement n° 1900277 du 11 février 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er mai 2020 et des mémoires enregistrés les 30 septembre et 30 octobre 2020, Mme F... B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du

11 février 2020 ;

2°) d'annuler le permis de travaux immobiliers n° 16-667-3 /MET.AU délivré le

23 novembre 2016 à M. A... ;

3°) d'annuler le certificat de conformité n°16-667-4 / MLA.AU délivré le 8 juillet 2019 à la SAS Héméra ;

4°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a satisfait à l'obligation de notification prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- sa demande d'annulation du permis de travaux n'était pas tardive, dès lors que le panneau d'affichage était entaché d'une erreur portant sur le nom du maitre d'ouvrage et que le permis n'a jamais été transféré ;

- le panneau ne mentionne pas la hauteur de la construction ;

- en outre l'affichage n'est intervenu qu'après le commencement des travaux en juin 2017, bien après la délivrance du permis de construire en novembre 2016 ;

- le permis est devenu caduc, faute pour M. A... d'avoir fait réaliser les travaux dans un délai de deux ans ;

- la construction du mur de soutènement viole son droit de propriété ;

- elle n'a jamais donné son accord à cette construction ;

- les articles 1 et 2 du règlement de construction de la résidence Pamatai Hills et les dispositions du cahier des charges qui interdisent la construction d'hospices font obstacle à la construction d'un EHPAD ;

- la construction ne satisfait pas aux prescriptions de l'article 13-4 du règlement de construction relatif aux talus et soutènements ;

- elle ne satisfait pas aux prescriptions de l'article 13-2 relatif à la végétalisation des sols ;

- la dérogation accordée le 1er juillet 2016 par la présidente de l'association syndicale des propriétaires est illégale ;

- la réalisation du mur de soutènement n'a pas fait l'objet d'une autorisation de travaux en méconnaissance de l'article LP 114-6 du code de l'aménagement ;

- le ministre ne pouvait pas accorder un certificat de conformité à la SAS Héméra dans la mesure où M. A... était le seul titulaire d'un permis qui n'avait pas été transféré ;

- la hauteur des faitages a été modifiée par la présence de chauffe-eau solaires qui masquent la vue.

Par un mémoire, enregistré le 3 septembre 2020, la SAS Héméra, représentée par la SELARL MDLC conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... la somme de 250 000 francs CFP, soit 2 095 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel, identique à la demande de première instance, est irrecevable ;

- la formalité prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'a pas été accomplie en première instance et l'a été tardivement en appel ;

- l'affichage satisfaisait aux prescriptions de l'article 116-9 du code de l'aménagement de Polynésie, les dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme métropolitain n'étant pas applicables sur le territoire ;

- le permis a été publié au JOPF du 16 décembre 2016 ;

- la dérogation aux règles de végétalisation du sol est valide ;

- un additif au cahier des charges de la résidence prévoit la construction de cet EHPAD ;

- l'emprise sur le terrain de Mme B..., limitée à 16 cm, a fait l'objet d'un accord verbal de l'intéressée ;

- le certificat de conformité a pour seul objet d'attester la conformité des travaux au permis, ce qui est le cas en l'espèce.

Par un mémoire, enregistré le 18 novembre 2020, la Polynésie française, représentée par la SELARL Jurispol conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la demande était tardive, et les erreurs que comportait le panneau d'affichage n'étaient pas de nature à fausser l'information des tiers sur la portée réelle et la consistance du projet ;

- Mme B... avait acquis connaissance du permis de construire dès 2018 ;

- les conclusions tendant à l'annulation du certificat de conformité sont également tardives ;

- la dérogation à l'article 13-2 relatif à la végétalisation des sols n'était pas nécessaire et elle est valide ;

- le permis n'enfreint pas les autres prescriptions du règlement ;

- la circonstance que le mur aurait été construit sur une partie de la propriété de Mme B... est indifférente.

La clôture de l'instruction est intervenue le 2 décembre 2020.

Par lettre du 17 décembre 2020, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de la tardiveté de la requête au regard du principe de sécurité juridique (jurisprudences Czabaj et Vallières et autres).

Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2020, la SAS Héméra demande à la Cour de retenir ce moyen d'ordre public.

Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2020, Mme B... demande à la Cour de ne pas retenir ce moyen d'ordre public, la société Héméra n'ayant pas été la bénéficiaire du permis de construire contesté, qui n'a pas été transféré.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Bernier,

- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est propriétaire d'un terrain de 594 m2 situé dans la Résidence Pamatai Hills à Faaa. M. A..., propriétaire de terrains de 3 969 m2 situé en contrebas de la parcelle de Mme B..., a sollicité le 30 mai 2016 et obtenu le 23 novembre 2016 un permis de travaux immobiliers pour la construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. La société Héméra, dont M. A... est le gérant, a réalisé les travaux qui se sont déroulés entre juin 2017 et la fin de l'année 2018. Un certificat de conformité a été sollicité le

17 janvier 2019 et délivré le 23 avril 2019.

2. Un différend est apparu en cours d'exécution des travaux entre Mme B... et

M. A... au sujet de l'empiétement d'un mur de soutènement sur la parcelle de la requérante. Les parties ne sont pas parvenues à régler ce litige à l'amiable. Mme B... a donc demandé au tribunal administratif de la Polynésie française le 8 août 2019 d'annuler le permis de travaux du 23 novembre 2016 et le certificat de conformité du 23 avril 2019. Elle relève appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la tardiveté des conclusions dirigées contre le permis de travaux immobilier du

23 novembre 2016 :

3. L'obligation d'affichage sur le terrain de mentions relatives à la consistance du projet et de l'indication des voies et délais de recours contentieux a pour objet de permettre aux tiers de préserver leurs droits et constitue une condition au déclenchement du délai de recours contentieux. Elle revêt dès lors le caractère d'une règle de procédure administrative contentieuse.

4. En application du 2° de l'article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française la procédure administrative contentieuse relève de la compétence de l'Etat en Polynésie française. L'article 7 de cette même loi organique précise que les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives à la procédure administrative contentieuse sont applicables de plein droit en Polynésie française. Il s'ensuit que l'obligation d'affichage sur le terrain des mentions relatives à la consistance du projet, aux voies et délais de recours et à l'obligation de notification prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme relève de la compétence de l'Etat et, d'autre part, que les dispositions correspondantes des articles R. 424-15, A 424-16 et A.424-17 de ce même code sont applicables de plein droit en Polynésie française.

5. Alors même que le panneau d'affichage, apposé sur le site du chantier pendant la durée des travaux entre août 2017 et décembre 2018, comportait les mentions prévues par l'article A.116-9 du code de l'aménagement de la Polynésie française à la seule exception d'une indication erronée relative au titulaire du permis, confondant la personne du gérant et celle de sa société, qui ne présentait pas en l'espèce un caractère substantiel, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce panneau comportait l'intégralité des mentions exigées par les articles A. 424-16 et A. 424-17 du code de l'urbanisme, applicables en l'espèce, et notamment la mention des délais et voies de recours. Le caractère incomplet de cet affichage n'est pas au demeurant contesté par les parties.

6. La mention relative au droit de recours, qui doit figurer sur le panneau d'affichage du permis de construire en application de l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme, permet aux tiers de préserver leurs droits. Toutefois, l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux dispositions prévues en la matière par l'article

A. 424-17 du code de l'urbanisme.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a participé en juin 2017 à une réunion de concertation entre le titulaire du permis et les propriétaires des parcelles riveraines, avait à cette date une connaissance complète des éléments essentiels du projet. Le signalement en date du 28 septembre 2018 au service polynésien de l'urbanisme de manquements imputés au titulaire du permis portait le numéro de l'autorisation de travaux sur laquelle elle se fondait, le nom du titulaire et précisait les non-conformités dont elle saisissait l'autorité administrative. Ce signalement présentait le caractère d'un recours administratif au sens des règles énoncées au point précédent et confirmait qu'à cette date Mme B... avait connaissance du permis de construire qu'elle a ultérieurement contesté. La confusion sur le panneau entre le nom du bénéficiaire du permis et celui de sa société et la circonstance que l'affichage ait fait simplement mention du nombre de niveaux ainsi que le prévoit le code polynésien de l'aménagement et non de la hauteur du bâtiment ainsi que l'exige le code métropolitain de l'urbanisme ne l'ont pas en l'espèce induite en erreur sur l'identité du titulaire et n'ont pas privé Mme B... de la possibilité d'apprécier la portée et la consistance du projet. Ainsi donc, la Polynésie française est fondée à soutenir qu'eu égard à la connaissance acquise de ce permis par Mme B... au plus tard le 28 septembre 2018, sa demande enregistrée au tribunal administratif de la Polynésie française le 8 août 2019 était tardive.

8. Par ailleurs, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contesté indéfiniment par les tiers un permis de construire, une décision de non-opposition à une déclaration préalable, un permis d'aménager ou un permis de démolir. Dans le cas où l'affichage du permis ou de la déclaration, par ailleurs conforme aux prescriptions de l'article

R. 424-15 du code de l'urbanisme, n'a pas fait courir le délai de recours de deux mois prévu à l'article R. 600-2, faute de mentionner ce délai conformément à l'article A. 424-17, un recours contentieux doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d'affichage sur le terrain. En règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable.

9. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 5, le panneau d'affichage, qui satisfaisait aux exigences de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme et à celles de l'article A.116-9 du code de l'aménagement de la Polynésie française à défaut de remplir dans leur intégralité celles des articles

A 424-16 et A.424-17 du code métropolitain de l'urbanisme, a été posé de manière lisible sur le chantier au plus tard au mois d'août 2017 jusqu'à l'achèvement des travaux en décembre 2018. La demande formée le 8 août 2019 par Mme B... contre le permis affiché depuis août 2017 n'a pas été formée dans un délai raisonnable et elle est également pour ce motif, tardive.

Sur la légalité du certificat de conformité :

10. Aux termes de l'article LP.114-14 du code de l'aménagement de la Polynésie française : " Sous réserve des dispositions particulières du chapitre 3, du titre 4 du présent livre, la mise en service des ouvrages d'art et réseaux divers, l'occupation ou la location des lots ou constructions, ne peuvent avoir lieu sans que l'autorité, qui a délivré l'autorisation initiale, ait établi un certificat constatant la conformité des travaux réalisés avec ceux prévus par l'autorisation de travaux immobiliers notamment en matière d'hygiène, d'assainissement, d'implantation, d'aspect, de destination, de conditions de raccordement aux voies et réseaux.(...) ".

11. Le certificat délivré sur le fondement des dispositions précitées a pour objet de constater l'achèvement, total ou partiel, des travaux au regard des prescriptions du permis de travaux immobiliers. S'il est rendu possible par ce permis, dont il vérifie qu'il a été correctement appliqué, il n'en constitue pas, par lui-même, une mesure d'application. L'autorité compétente pour délivrer le certificat de conformité doit fonder son appréciation sur les seules caractéristiques des travaux réalisés.

12. Il en résulte que Mme B... ne peut utilement exciper de l'illégalité du permis de travaux immobiliers pour demander l'annulation pour excès de pouvoir du certificat de conformité. Elle ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'un mur de soutènement aurait été construit sans autorisation sur sa propriété, laquelle circonstance est sans incidence sur l'appréciation de la conformité des travaux objets du permis de travaux immobiliers. Il en est de même de la circonstance que le certificat de conformité a été délivré à une personne différente du titulaire du permis de travaux.

13. Si Mme B... soutient enfin que la hauteur du faitage n'a pas été respectée en raison de la présence de chauffe-eaux, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour que la Cour puisse en apprécier le bien-fondé.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., aucun dépens n'ayant par ailleurs été exposé. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la SAS Héméra.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SAS Héméra présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B..., à M. E... A..., à la SAS Héméra et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée pour information au Haut-Commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. D...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 20PA01268


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01268
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SEP USANG CERAN-JERUSALEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-19;20pa01268 ?
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