Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Chambre de commerce et d'industrie de Seine-et-Marne a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner l'association groupement d'enseignement supérieur de l'Est parisien (GESCEP) à lui verser la somme de 190 178, 85 euros en règlement de factures émises entre le 11 juillet 2012 et le 28 février 2014.
Par un jugement n° 1510503-8 du 14 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 15 juillet 2019, 23 octobre 2019, 13 mars 2020, 4 juin et 10 septembre 2020 la Chambre de commerce et d'industrie de Seine-et-Marne, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) à titre préliminaire, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de statuer sur la question portant sur la qualification des conventions de mise à disposition du personnel et la détermination de l'ordre juridictionnel compétent pour connaître du litige ;
2°) d'annuler le jugement n° 1510503-8 du 14 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître sa demande tendant à la condamnation de l'association groupement d'enseignement supérieur de l'Est parisien (GESCEP) à lui verser la somme de 190 178, 85 euros en règlement de factures émises entre le 11 juillet 2012 et le 28 février 2014 ;
3°) de condamner l'association à lui payer cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2015 ;
4°) de mettre à la charge de l'association GESCEP une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige dès lors que les conventions de mise à disposition du personnel ont le caractère de contrats administratifs puisqu'ils constituent une modalité d'exécution des missions allouées à la CCI et à l'association au titre du service public de l'enseignement supérieur, sur le fondement de l'article L. 123-1 du code de l'éducation ou encore en matière de formation professionnelle, sur le fondement de l'article L. 710-1 4° du code de commerce ;
- l'association doit honorer son obligation de prise en charge des salaires et charges des personnels mis à sa disposition par la CCI ;
- sa requête est recevable.
Par des mémoires en défense enregistrés le 31 janvier 2020 et le 28 avril 2020, l'association GESCEP, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la CCI de Seine-et-Marne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête, qui est entachée d'irrecevabilité dès lors que le président de la CCI doit avoir été autorisé à agir en justice par l'assemblée générale, ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2020 :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
- et les observations de Me C... pour la Chambre de commerce et d'industrie de Seine-et-Marne.
Une note en délibéré présentée pour la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) a été enregistrée le 28 décembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Par trois conventions signées et conclues le 6 octobre 2011, la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) de Seine-et-Marne a mis à disposition de l'Association de groupement de l'enseignement supérieur de l'Est-Parisien (l'association GESCEP ), trois agents pour une durée de seize mois, pour la période comprise entre le 1er septembre 2011 et le 31 décembre 2012. Par ces conventions, la CCI assumait la rémunération des agents mis à disposition, à charge pour elle d'en réclamer le remboursement à l'association GESCEP sur la base de mémoires semestriels récapitulant les sommes engagées à ce titre. Le 11 décembre 2013, la CCI a mis en demeure l'association GESCEP de lui payer la somme de 171 590, 72 euros en remboursement des sommes impayées. Elle a ensuite saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Meaux d'une demande de provision au titre des créances détenues, lequel, par ordonnance du 30 avril 2014, a rejeté la requête au motif qu'il n'y avait " pas lieu à référé sur cette demande " tant qu'une discussion ne se serait pas tenue au fond sur la portée de certaines clauses des conventions afin de déterminer notamment l'ordre de juridiction compétent pour connaître du litige et sur l'absence d'avenant prolongeant ces conventions. La CCI a alors, le 1er juillet suivant, saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Melun d'une demande ayant le même objet, à laquelle il a fait droit, après avoir constaté que la demande ressortissait à la compétence de l'ordre administratif. Cette ordonnance a toutefois été annulée par le juge des référés de la Cour administrative d'appel de Paris le 16 juin 2015, au motif que la créance était sérieusement contestable, " sans préjudice de la question de la compétence de la juridiction administrative ". La Chambre de commerce et d'industrie de Seine-et-Marne fait appel du jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 14 mai 2019 qui a rejeté, comme étant portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, sa demande de condamnation de l'association GESEP à lui payer la somme de 190 178, 85 euros.
2. Il résulte de l'instruction que la Chambre de commerce et d'industrie de
Seine-et-Marne a cédé, le 11 juillet 2008, le fonds d'enseignement de l'établissement d'enseignement supérieur dénommé ESCI (Ecole supérieure de commerce international), établissement qu'elle avait créé en son sein en 1981, à l'AG ESCI (association de gestion de l'école supérieure de commerce international), laquelle a cédé à son tour, à compter du
26 juillet 2011, ce fonds d'enseignement, comprenant le personnel exclusivement attaché à cet établissement, à l'association Groupement d'enseignement supérieur de l'Est parisien qui bénéficiait d'un mandat de gestion de cet établissement, conclu le 20 mars 2008 et résilié par décision du 6 avril 2011 de l'AG-ESCI, avant la conclusion, le 6 octobre 2011, des conventions, mentionnées plus haut, de mise à disposition de trois agents par la CCI.
3. En premier lieu, il résulte de l'examen de ces conventions qu'elles ne comportent, ainsi que l'ont relevé les premiers juges et pour les motifs énoncés au point 5 de leur jugement qu'il y a lieu d'adopter, aucune clause exorbitante du droit commun.
4. En deuxième lieu, si l'article L. 123-1 du code de l'éducation dispose, dans sa rédaction en vigueur à la date de la signature des conventions, que : " Le service public de l'enseignement supérieur comprend l'ensemble des formations postsecondaires relevant des différents départements ministériels ", les enseignements de formation professionnelle assurés par une chambre de commerce et d'industrie, qui a certes le caractère d'un établissement public administratif et dont le personnel qui n'est pas affecté à un service industriel ou commercial a la qualité d'agent public, ou par l'association GESCEP, organisme de droit privé, ne ressortissent pas au service public ainsi visé par la loi. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes des conventions en cause que les agents mis à disposition par la CCI participeraient à l'exécution du service public de la formation professionnelle assuré par la chambre de commerce et d'industrie. Ces conventions ne peuvent donc être regardées comme ayant pour objet l'exécution même d'un service public.
5. En troisième lieu, l'article L. 710-1 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur à la date de la signature des conventions, dispose pour sa part que : " Les établissements ou chambres départementales du réseau des chambres de commerce et d'industrie ont chacun, en leur qualité de corps intermédiaire de l'Etat, une fonction de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités étrangères. (...) Le réseau et, en son sein, chaque établissement ou chambre départementale contribuent au développement économique, à l'attractivité et à l'aménagement des territoires ainsi qu'au soutien des entreprises et de leurs associations en remplissant, dans des conditions fixées par décret, toute mission de service public et toute mission d'intérêt général nécessaires à l'accomplissement de ces missions./ A cet effet, chaque établissement ou chambre départementale du réseau peut assurer, dans le respect, le cas échéant, des schémas sectoriels qui lui sont applicables : (...) 4° Une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d'enseignement qu'il ou elle crée, gère ou finance ; (...) ".
6. Il résulte de l'instruction qu'à la date de la création de l'association AG-ESCI, soit en 2007, la CCI exerçait un contrôle sur l'établissement d'enseignement dès lors qu'elle en désignait la moitié des membres du conseil d'administration. A partir de 2008, l'AG-ESCI demeurait compétente, alors que la direction opérationnelle de l'établissement d'enseignement avait été confiée à la SAS KLM, pour définir les objectifs, les principes et les grandes lignes des programmes pédagogiques, pour approuver les conventions " types " de solidarité, pour arrêter les comptes annuels et le budget prévisionnel, pour approuver avant signature par le mandataire les contrats, les conventions ou tout autre acte juridique engageant l'ESCI et que la CCI conservait ainsi à partir de cette date un contrôle sur l'activité de l'ESCI. Toutefois, la Chambre de commerce et d'industrie a perdu ce contrôle lorsque, le 31 juillet 2011, le fonds d'enseignement de l'établissement comprenant les éléments corporels et incorporels de l'établissement, les contrats et le personnel, a été cédé à l'association GESCEP. Le procès-verbal du 10 juillet 2012 mentionne d'ailleurs que " l'AG-ESCI n'a donc plus d'activité " à la date de la cession du fonds d'enseignement, et qu'une dissolution de l'association AG-ESCI est envisagée à la suite de la cession du fonds.
7. Il résulte de tout ce qui précède qu'ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Melun par le jugement attaqué, seule décision juridictionnelle rendue dans le cadre d'une instance au principal, le litige opposant la CCI de Seine-et-Marne à l'association GESCEP ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, lesquelles, contrairement à ce que soutient la Chambre de commerce et d'industrie et ainsi qu'il a été rappelé au point 1, n'ont pas décliné leur compétence par une décision rendue au principal. Par ailleurs, la seule circonstance que le contentieux, soulevé depuis plusieurs années déjà, n'ait pas encore été tranché sur le fond par l'ordre de juridiction compétent n'est pas davantage de nature à démontrer l'existence d'une difficulté sérieuse quant à la détermination de l'ordre de juridiction compétent. Ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel ni de transmettre au Tribunal des conflits la question de la compétence mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, la Chambre de commerce et d'industrie de Seine-et-Marne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'association Groupement d'enseignement supérieur de l'Est parisien, qui n'est pas la partie perdante à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCI de Seine-et-Marne le versement, à l'association GESCEP, d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Chambre de commerce et d'industrie de Seine-et-Marne est rejetée.
Article 2 : La Chambre de commerce et d'industrie de Seine-et-Marne versera à l'association Groupement d'enseignement supérieur de l'Est parisien (GESCEP) une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Chambre de commerce et d'industrie de
Seine-et-Marne et à l'association Groupement d'enseignement supérieur de l'Est parisien (GESCEP).
Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Portes, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.
Le président-rapporteur,
M. B...L'assesseur le plus ancien,
P. MANTZLe rapporteur,
C. PORTESLa présidente,
M. D...Le greffier,
A. BENZERGUALe greffier,
A. BENZERGUA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02295