La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/12/2020 | FRANCE | N°19PA02765

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 décembre 2020, 19PA02765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) A2P a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des prélèvements sociaux qu'elle a acquittés au titre de l'année 2015, à raison d'une plus-value immobilière réalisée lors de la vente d'un bien le 25 février 2015.

Par un jugement n° 1711592 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Paris, à qui la demande a été transmise par une ordonnance du 5 juillet 2017, a déchargé la société A2P des prélèvements sociaux mis

sa charge, à hauteur de 41 % du montant de ces droits, soit 49 960,80 euros, et rejeté le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) A2P a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des prélèvements sociaux qu'elle a acquittés au titre de l'année 2015, à raison d'une plus-value immobilière réalisée lors de la vente d'un bien le 25 février 2015.

Par un jugement n° 1711592 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Paris, à qui la demande a été transmise par une ordonnance du 5 juillet 2017, a déchargé la société A2P des prélèvements sociaux mis à sa charge, à hauteur de 41 % du montant de ces droits, soit 49 960,80 euros, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2019, la SCI A2P, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1711592 du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) de prononcer la restitution des sommes restant en litige, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société A2P soutient que :

- elle est fondée à se prévaloir de la jurisprudence de Ruyter, Mme E... étant inscrite auprès du National Health Service britannique et n'ayant pas reçu de prestations françaises ;

- il n'y a pas lieu de distinguer la situation de M. C... E..., qui n'est pas le redevable, de celle des autres associés.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement accordé et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Le ministre soutient que :

- il est fait droit à la demande s'agissant de la quote-part de Mme E... ;

- M. C... E..., résident de Hong-Kong et adhérent à un régime de protection sociale privée, ne peut se prévaloir de la jurisprudence de Ruyter ;

- en présence d'une société de personnes, les profits sont réputés réalisés par les associés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015 C-623/13 ;

- l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne du 18 janvier 2018, C-45/17 ;

- la décision n° 397881 du Conseil d'État du 25 janvier 2017 et du 5 mars 2018 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la cession le 25 février 2015 d'un bien immobilier situé au 4 rue Mignard à Paris - 16ème arrondissement, la SCI A2P, dont le capital est détenu par M. et Mme B... et Anita E..., à hauteur respectivement de 41 % et de 51 %, et par M. C... E..., à hauteur de 8 %, a acquitté, au titre de la plus-value immobilière réalisée, la contribution sociale généralisée prévue par l'article 1600-0 C du code général des impôts au taux de 8,2 %, la contribution au remboursement de la dette sociale prévue par l'article 1600-0 G du même code au taux de 0,5 %, le prélèvement social prévu par l'article 1600-0 F bis du même code au taux de 4,5 %, la contribution additionnelle à ce prélèvement prévue au 2° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles au taux de 0,3 % et le prélèvement de solidarité prévu par l'article 1600-0 S du code général des impôts au taux de 2 %, pour un montant global de 104 085 euros. Par un jugement du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a déchargé la SCI A2P des prélèvements sociaux mis à sa charge, à hauteur de 41 % du montant de ces droits, soit 49 960,80 euros, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La SCI A2P fait appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 20 novembre 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a prononcé le dégrèvement des prélèvements sociaux restant en litige, à concurrence de 53 084 euros, soit 51 % du montant des sommes initialement mises à la charge de la SCI A2P, correspondant à la part de

Mme E... dans le capital de la société. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement ainsi prononcé.

Sur le bien-fondé des prélèvements sociaux restant en litige :

3. Aux termes du 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale : " Le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs États membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants ".

4. Il résulte de ces dispositions que le règlement du 29 avril 2004 ne s'applique qu'à des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs États membres de l'Union européenne. Il résulte également de ces dispositions, qui s'inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne, que le règlement ne s'applique pas à des personnes qui sont affiliées à un régime de sécurité sociale dans un État tiers à l'Union européenne, autre que les États membres de l'Espace économique européen ou la Suisse, États auxquels l'application du règlement a été étendue par voie d'accords internationaux, alors même que ces personnes auraient été, antérieurement à leur affiliation dans cet État tiers, affiliées à un régime de sécurité sociale dans un État membre de l'Union européenne.

5. Il découle de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt au du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, C-623/13 qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un État membre de l'Union européenne autre que la France, d'un État membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse ne peut être soumise aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française qui entrent dans le champ du règlement du 29 avril 2004. En revanche, ce règlement ne fait pas obstacle à ce qu'une personne affiliée à la sécurité sociale dans un État tiers à l'Union européenne autre que la Suisse ou les États membres de l'Espace économique européen soit soumise à ces mêmes prélèvements.

6. Il résulte de l'instruction que M. C... E... réside à Hong-Kong et n'est pas affilié à un régime de sécurité sociale dans un État partie de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ou en Suisse. Les dispositions précitées de l'article 2 du règlement du 29 avril 2004 ne faisaient ainsi pas obstacle à l'application des prélèvements sociaux sur la

plus-value immobilière en cause, à hauteur de la quote-part imposable entre les mains de M. C... E..., détenteur de 8 % du capital de la SCI A2P. A cet égard, la société requérante n'est pas fondée à faire valoir que l'intéressé n'était pas redevable du paiement de ces prélèvements et que sa situation ne doit pas être distinguée de celle des autres associés, dès lors que, s'agissant d'une société régie par l'article 8 du code général des impôts, les produits qu'elle réalise sont imposables en France entre les mains de ses membres, y compris de ceux qui résident hors de France, à proportion des droits qu'ils détiennent dans la société.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI A2P n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions à fin de décharge des prélèvements sociaux restant en litige. Le surplus des conclusions de sa requête doit dès lors être rejeté.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales :

8. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'État est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal (...) les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable (...) ".

9. En l'absence de litige né et actuel opposant la SCI A2P au comptable concernant le versement des intérêts moratoires, les conclusions tendant au versement par l'administration de ces intérêts doivent en tout état de cause être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre des frais que la SCI A2P a exposés, en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance.

Article 2 : L'État versera à la SCI A2P la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière A2P et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (Service du contentieux d'appel déconcentré).

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 décembre 2020.

Le président-rapporteur,

F. D...L'assesseur le plus ancien,

I. MARION

La greffière,

F. DUBUY-THIAMLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA02765


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02765
Date de la décision : 24/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-08-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Plus-values des particuliers. Plus-values immobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : MOITIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-24;19pa02765 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award