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01/12/2020 | FRANCE | N°19PA01850

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 01 décembre 2020, 19PA01850


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de constater l'irrégularité de l'emprise constituée par la présence d'un transformateur électrique sur sa parcelle, d'enjoindre à ERDF de le déplacer et de condamner ERDF à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1602335 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Melun a jugé que l'emprise était irrégulière, a rejeté les conclusions d'injonction et a condamné la société ENEDIS de

verser à M. B... une indemnité de 500 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de constater l'irrégularité de l'emprise constituée par la présence d'un transformateur électrique sur sa parcelle, d'enjoindre à ERDF de le déplacer et de condamner ERDF à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1602335 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Melun a jugé que l'emprise était irrégulière, a rejeté les conclusions d'injonction et a condamné la société ENEDIS de verser à M. B... une indemnité de 500 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2019, M. B..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602335 du 5 avril 2019 ;

2°) d'annuler la décision de refus de la société ENEDIS d'indemniser M. B... ;

3°) de condamner la société ENEDIS à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices.

4°) de mettre à la charge de la société ENEDIS la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'atteinte à l'exercice du droit de propriété est manifeste ;

- l'ouvrage réduit la largeur de la parcelle ;

- la présence d'un poste de distribution publique d'électricité, perçue comme une source de nuisances, peut dissuader des acquéreurs potentiels ;

- le tribunal a fait une évaluation insuffisante de son préjudice.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er août 2019, la société ENEDIS représentée par Me F..., conclut :

1°) au rejet de l'appel principal ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun et au rejet de la demande de première instance ;

3°) à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel, insuffisamment motivée, est irrecevable ;

- par la voie de l'appel incident, que la demande de M. B... devant de tribunal administratif de Melun était tardive et que, la parcelle ayant été acquise en connaissance de cause, aucune indemnité n'est due ;

- l'indemnité de 500 euros pour une emprise de 16 m2 sur un terrain boisé inconstructible allouée par les premiers juges n'est pas insuffisante.

La clôture de l'instruction est intervenue le 9 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... ;

- les conclusions de Mme A... ;

- et les observations de Me F..., pour la société ENEDIS.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 mai 2012, M. et Mme B... ont acheté un terrain de 82 hectares situé rue du Bois Guyot à Mouroux (Seine-et-Marne) 77120 au lieudit " Le Bois de Guyot ". Le

29 août 2013, M. B... a demandé à la société ERDF aux droits de laquelle vient la société ENEDIS, de déplacer un transformateur situé sur leur terrain. A la suite de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée, il a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à ce que le tribunal constate l'irrégularité de l'emprise constituée par la présence du transformateur sur leur terrain, à ce qu'il enjoigne à la société ENEDIS de procéder aux travaux de déplacement de cet ouvrage et à ce qu'il condamne la société à lui verser 15 000 euros. Par jugement du 5 avril 2019, le tribunal administratif, après avoir constaté que l'emprise était irrégulière, a rejeté les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la société ENEDIS de déplacer le transformateur et a condamné la société ENEDIS à verser à M. B... une indemnité de 500 euros. M. B... qui conteste ce jugement uniquement en tant que la somme qui lui a été allouée serait insuffisante, demande à la Cour de porter l'indemnité à la somme de 15 000 euros. La société ENEDIS, par la voie de l'appel incident, conclut à l'annulation du jugement et au rejet des demandes présentées par M. B... devant le tribunal, et à tout le moins, à la confirmation de l'indemnité allouée par les premiers juges.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. La requête d'appel, qui ne reproduit pas purement et simplement la demande devant le tribunal administratif, expose avec une précision suffisante les raisons pour lesquelles l'indemnité allouée par les premiers juges serait insuffisante. Elle est dès lors recevable.

Sur l'appel incident de la société ENEDIS :

En ce qui concerne la recevabilité des demandes indemnitaires :

3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date d'enregistrement de la demande de première instance : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-3 du même code précise, dans sa version applicable à l'espèce : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux (...) ".

4. D'une part, en vertu des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, les conclusions de M. B... tendant à ce que la société ENEDIS soit condamnée à l'indemniser des préjudices résultant pour lui de la présence du poste de distribution publique d'électricité, étaient recevables même en l'absence de demande préalable d'indemnité adressée à la société ENEDIS. D'autre part, s'il résulte de l'instruction que par courrier en date du 3 novembre 2015, M. B..., après avoir demandé le déplacement de l'ouvrage, a sollicité le versement d'une indemnité de 15 000 euros en réparation de ses préjudices, la société ENEDIS dans sa réponse du 14 décembre 2015, qui au demeurant ne mentionne pas les voies et délais de recours, s'est bornée à refuser ce déplacement et à proposer la signature d'une convention de mise à disposition du terrain. Par conséquent, c'est à bon droit que le tribunal, sur le fondement de l'article R. 421-3 du code de justice administrative a jugé que, dès lors qu'il ne résultait pas de l'instruction que la société ENEDIS avait rejeté par une décision expresse cette demande d'indemnisation, les conclusions de M. B... ne pouvaient être considérées comme tardives.

En ce qui concerne l'emprise irrégulière et la responsabilité :

5. Si la société ENEDIS soutient qu'elle avait signé une convention avec l'ancien propriétaire, elle admet que cette convention a été perdue et elle ne produit que le projet de convention d'occupation qu'elle a soumis à la signature de M. B.... Il ne ressort donc d'aucune pièce du dossier que la société ENEDIS aurait été autorisée par l'ancien propriétaire à procéder à l'installation sur son terrain de ce poste de distribution publique d'électricité. Par ailleurs, ni l'acte de vente du 29 mai 2012 de la parcelle appartenant aujourd'hui à M. B... ni aucun autre élément du dossier ne font état d'une servitude liée à l'existence de ce poste de distribution publique d'électricité. Enfin, la circonstance que M. B... aurait pu connaître l'existence de cet ouvrage lors de l'achat de la parcelle, qui figurait sous la forme d'un petit carré dans l'extrait cadastral et qui était visible de l'extérieur, n'est pas de nature à conférer un caractère régulier à l'emprise. Il en résulte donc que la société ENEDIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a jugé que sa responsabilité était engagée du fait de cette emprise irrégulière.

Sur l'appel principal de M. B... et le montant de l'indemnité :

6. Dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété. Si la décision d'édifier un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété par celle-ci, elle n'a, toutefois, pas pour effet l'extinction du droit de propriété sur cette parcelle. Par suite, la réparation des conséquences dommageables résultant de la décision d'édifier un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle et tenant compte de l'intérêt général qui justifie le maintien de cet ouvrage.

7. M. B... fait valoir que ce poste de distribution électrique irrégulièrement implanté réduit la largeur de sa parcelle, qu'il compromet les possibilités de créer des ouvertures sur la voie publique et que les nuisances aux transformateurs électriques et notamment des risques d'incendie sont de nature à dissuader des acquéreurs potentiels. Cependant l'emprise irrégulière porte sur 16 m2 d'un terrain classé N, boisé et inconstructible, d'une propriété de plus de 82 hectares. Il ne résulte pas de l'instruction que le transformateur serait situé à proximité d'habitations ni que sa situation présenterait des particularités de nature à réduire les possibilités d'utilisation de la propriété. Compte tenu de la superficie extrêmement réduite de l'emprise et du caractère inconstructible du terrain, le tribunal administratif de Melun n'a pas fait une évaluation insuffisante du préjudice de jouissance de M. B... en lui allouant la somme de 500 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a condamné la société ENEDIS au versement de la somme de 500 euros en réparation de son préjudice.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme que la société ENEDIS demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de la société ENEDIS est rejeté.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et à la société ENEDIS.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le rapporteur,

Ch. C...Le président,

M. D...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au ministre de la transition écologique, en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 19PA01850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01850
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

37-05 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN-TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-01;19pa01850 ?
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