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10/11/2020 | FRANCE | N°19PA02305

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 novembre 2020, 19PA02305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris à titre principal, d'annuler la décision du 1er décembre 2017 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi, à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire

droit une expertise, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris à titre principal, d'annuler la décision du 1er décembre 2017 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi, à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801598/5-2 du 13 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juillet 2019 et 31 août 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 13 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 1er décembre 2017 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de déclarer l'affection dont elle souffre imputable au service ;

4°) de condamner l'Etat (ministre de l'Europe et des affaires étrangères) à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts ;

5°) à titre subsidiaire d'ordonner une contre-expertise afin de déterminer si sa pathologie est d'origine professionnelle ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'incompétence négative de la décision contestée ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur de droit et d'erreur de fait dès lors notamment que sa pathologie n'existait pas avant sa prise de fonctions, qu'elle produit de nombreux certificats médicaux attestant de sa souffrance au travail, et qu'il n'est pas démontré que les deux experts désignés, dont les conclusions sont très contestables, étaient compétents pour se prononcer sur son cas compte tenu de son statut RQTH ;

- elle a été contrainte de saisir le tribunal et est fondée à demander une somme de

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les désagréments subis.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2020, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères demande à la Cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjointe administrative principale de 2ème classe de chancellerie, était affectée en administration centrale au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères depuis 2011. Le 18 mai 2017, elle a été placée en congé de maladie, renouvelé à plusieurs reprises, pour épuisement professionnel et état dépressif. Elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Après réalisation d'une expertise puis, à sa demande, d'une contre-expertise, la commission de réforme, réunie le 28 novembre 2017, a émis un avis défavorable à la reconnaissance de sa pathologie comme maladie professionnelle. Le ministre a ensuite, par une décision du 1er décembre 2017 notifiée le 4 décembre suivant, rejeté sa demande. Elle a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non-reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 13 juin 2019 dont elle interjette appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient Mme A..., les premiers juges, en écartant le moyen tiré de l'incompétence négative de la décision attaquée au motif qu'il ne ressort pas de celle-ci que le ministre se serait cru lié par l'avis de la commission de réforme, ont, eu égard à la nature du moyen, suffisamment motivé leur décision. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque dès lors en fait.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur les conclusions à fins d'annulation :

3. En premier lieu, si Mme A... fait valoir que la décision attaquée est insuffisamment motivée, il ressort de ses termes mêmes qu'elle mentionne l'avis de la commission de réforme se prononçant en défaveur de la reconnaissance de la pathologie de Mme A... comme maladie professionnelle et joint cet avis à la décision attaquée. Par ailleurs cet avis se référait au rapport d'expertise médicale du docteur Nortier dont les conclusions avaient été communiquées par l'administration à Mme A... par courrier du 10 novembre 2017, l'informant du déroulement de la procédure applicable devant la commission de réforme devant se dérouler le 28 novembre 2017. Ainsi l'intéressée a eu connaissance des motifs de la décision de l'administration adoptant les conclusions de la commission de réforme pour rejeter sa demande. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, si la requérante soutient par ailleurs que le ministre se serait cru lié par l'avis de cette commission, il ressort des courriers qu'elle avait antérieurement reçus de l'administration, que celle-ci a bien pris connaissance du dossier, des conclusions des expertises et a exercé son pouvoir de décision, en suivant l'avis de la commission mais sans se sentir tenu par celui-ci. Dès lors et nonobstant la rédaction, maladroite sur ce point, de la décision attaquée, le moyen tiré de ce que celle-ci serait entachée d'incompétence négative ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, si Mme A... conteste le bien-fondé de l'appréciation portée par l'administration et le tribunal sur l'absence de caractère professionnel de sa pathologie, il ressort des conclusions tant du rapport d'expertise, en date du 11 juillet 2017 établi par le Dr Laffy Beaufils, que de celui de la contre-expertise réalisée par le Dr Nortier le 27 octobre 2017, que la maladie en cause n'est pas imputable au service mais résulte d'une pathologie autonome. Et contrairement à ce que soutient Mme A..., la circonstance que cette pathologie se soit révélée de manière concomittante à son entrée en service au ministère des affaires étrangères en 2011 ne permet pas d'établir l'existence d'un lien puisqu'elle s'est manifestée, ainsi qu'il ressort des propres allégations de Mme A... au Dr Laffy-Beaufils, relatées dans son rapport d'expertise, par des difficultés relationnelles quasiment dès l'origine et un sentiment permanent d'hostilité à son égard, qui de plus ont perduré en dépit des nombreux changements de poste de l'intéressée. Par ailleurs si celle-ci met en cause la capacité des auteurs des deux-expertises à se prononcer sur son cas, le tribunal a, à juste titre, rappelé que le Dr Laffy-Beaufils avait été désigné en qualité de médecin spécialiste agréé par un arrêté MCI n° 2017-15 du 9 mai 2017 fixant la liste des médecins généralistes et spécialistes agréés dans le département des Hauts-de-Seine pour la période courant jusqu'en juillet 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 11 mai 2017 et que le Dr Nortier avait été désigné en qualité de médecin spécialiste agréé par un arrêté n° 75-2017-10-18-001 du 18 octobre 2017 fixant la liste des médecins agréés dans le département de Paris, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris n° 75-2017-371. Et la circonstance que Mme A... ait un statut de travailleur handicapé en raison d'un problème rhumatismal est sans incidence sur l'aptitude de ces deux praticiens à se prononcer sur le caractère de maladie professionnelle d'une pathologie psychologique et sur la demande de reconnaissance de sa dépression comme maladie professionnelle. De plus, si Mme A... produit de nombreux certificats médicaux, ces documents permettent seulement d'établir l'existence d'une souffrance morale et rapportent ses propos sur l'origine professionnelle de cette souffrance, mais sans permettre d'établir son imputabilité au service ou de remettre en cause les conclusions des deux experts sur l'existence d'une pathologie autonome, qui s'est manifestée dès l'entrée en service de Mme A... au sein du ministère des affaires étrangères et ne saurait donc résulter de ses conditions de travail au sein de ce ministère. Par suite, la décision attaquée a pu à juste titre, et suivant en cela les conclusions des deux rapports d'expertise et l'avis de la commission de réforme, rejeter la demande de reconnaissance de la pathologie de Mme A... comme maladie professionnelle.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée, sans qu'il soit besoin, pour les motifs qui viennent d'être énoncés, de prescrire une troisième expertise.

Sur les conclusions à fins d'indemnisation :

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision du 1er décembre 2017 par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie n'est pas entachée d'illégalité. Mme A... n'est par suite pas fondée à demander réparation des préjudices qu'elle allègue avoir subis et sur lesquels elle n'apporte au demeurant aucune précision. Ces conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. /La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé./La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

9. Si Mme A... demande à la Cour d'ordonner au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie, le présent arrêt qui rejette les conclusions à fins d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Sa demande ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme C... premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.

Le rapporteur,

M-I. C...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02305
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SELARL CDMF AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-10;19pa02305 ?
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