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31/07/2020 | FRANCE | N°19PA02736

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 31 juillet 2020, 19PA02736


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Groupe Bernard B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, et, d'autre part, la restitution de ces cotisations à concurrence de 11 182 610 euros, assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1807035/1-1 du 10 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :r>
Par une requête, enregistrée le 16 août 2019, la SNC Groupe Bernard B..., représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Groupe Bernard B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, et, d'autre part, la restitution de ces cotisations à concurrence de 11 182 610 euros, assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1807035/1-1 du 10 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2019, la SNC Groupe Bernard B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807035/1-1 du 10 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'ordonner la restitution de la somme de 11 182 610 euros, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les arrêts des 17 février et 3 décembre 2015, par lesquels la Cour d'appel de Paris a accueilli le recours en révision de la procédure d'arbitrage diligentée en 2007 pour trancher les litiges opposant les liquidateurs des sociétés de M. B... au Crédit Lyonnais, ordonné la rétractation de la sentence arbitrale rendue le 7 juillet 2008 et rétroactivement annulé les bases ayant servi à asseoir l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2008, sont constitutifs d'événements, au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, qui étaient de nature à rouvrir les délais de réclamation tendant à la restitution de la somme de 11 182 610 euros acquittée en 2009 en paiement de cet impôt ;

- l'imposition en cause a été illégalement établie sur le fondement d'une prise de position ministérielle illégale, opposable à l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- le refus de restitution de cette somme porte atteinte aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er à son premier protocole.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Groupe Bernard B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Pour mettre fin aux litiges qui les opposaient au Crédit Lyonnais et à ses filiales, en raison notamment de la vente de l'équipementier sportif Adidas par la Société de Banque Occidentale, devenue Consortium de réalisation Créances (CDR Créances) après avoir été apportée au Consortium de réalisation (CDR) dans le cadre du plan de sauvetage du Crédit Lyonnais, les liquidateurs des sociétés du groupe Bernard B... ont proposé de recourir à une procédure d'arbitrage, à laquelle l'Etat ne s'est pas opposé. Par sentence arbitrale rendue le 7 juillet 2008, le CDR et le CDR Créances ont notamment été condamnés à verser solidairement aux liquidateurs des sociétés de M. B... une indemnité de 240 millions d'euros hors intérêts, ramenée à 233 millions d'euros à la suite de diverses compensations. Celle-ci a permis au Tribunal de commerce de Paris, par un jugement du 6 mai 2009, d'ordonner la révision de la procédure collective de la SNC Groupe Bernard B..., qui s'est acquittée, le 15 avril 2009, du paiement de l'impôt sur les sociétés dû sur ses résultats de l'exercice clos en 2008, pour une somme de 11 182 610 euros. Après que la Cour d'appel de Paris, par des arrêts définitifs des 17 février et 3 décembre 2015, eut ordonné la rétractation de la sentence arbitrale rendue le 7 juillet 2008 et décidé de condamner solidairement les parties gagnantes à l'arbitrage à rembourser aux sociétés CDR et CDR Créances la somme de 404 623 082,54 euros, assortie des intérêts de droit, la société Groupe Bernard B... a vainement sollicité de l'administration fiscale, le 2 août 2016, la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés selon elle indument acquittées au titre de l'exercice clos en 2008. La société relève appel du jugement du 10 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce qu'il y soit fait droit.

Sur les conclusions à fin de restitution :

2. Aux termes des troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction ou à la restitution d'impositions indues, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, révélée par une décision juridictionnelle ou par un avis rendu au contentieux. / (...) / Pour l'application du troisième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, les arrêts de la Cour de cassation ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, les arrêts du Tribunal des conflits et les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle ". L'article R. 196-1 du même livre dispose que : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190. (...) ".

3. En vertu de ces dispositions, seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ du délai de réclamation posé par le c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, les événements, autres que les décisions juridictionnelles et avis mentionnés aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du même livre, qui ont une incidence directe sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul.

4. La société Groupe Bernard B... s'est spontanément acquittée, le 15 avril 2009, de l'impôt sur les sociétés dont elle s'est estimée redevable au titre de l'exercice clos en 2008, calculé sur la base d'indemnités d'un montant de 339 159 674 euros, comptabilisées en produits exceptionnels. En vertu du b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, le délai de réclamation tendant à la restitution de cette imposition expirait le 31 décembre 2011, de sorte qu'elle était forclose lorsqu'elle a vainement saisi le service, le 2 août 2016, d'une demande en ce sens.

5. Pour se défendre de cette forclusion, la société Groupe Bernard B... invoque les arrêts définitifs des 17 février et 3 décembre 2015, par lesquels la Cour d'appel de Paris a ordonné la rétractation de la sentence arbitrale rendue le 7 juillet 2008 et condamné solidairement les parties gagnantes à l'arbitrage à rembourser au CDR et au CDR Créances la somme de 404 623 082,54 euros. Il ressort de ces décisions de justice, qui comptent au nombre de celles susceptibles de motiver une réclamation au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, que l'impôt sur les sociétés acquitté par l'appelante au titre de l'exercice clos en 2008 a été calculé sur une base rétrospectivement exagérée. Toutefois, en raison des principes d'annualité de l'impôt et d'intangibilité de son fait générateur, et dès lors en outre que les parties bénéficiaires de l'arbitrage ne pouvaient ignorer les raisons ayant conduit à sa rétractation ultérieure par la justice, elles ne peuvent être considérées comme un évènement ayant eu une influence sur l'impôt dont l'appelante sollicite la restitution, que ce soit dans son principe ou dans son montant. En tout état de cause, la société Groupe Bernard B... ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de ce que l'impôt litigieux, qui ne procède d'aucun rehaussement, aurait été acquitté sur le fondement d'une position ministérielle illégalement prise le 2 avril 2009. En toute hypothèse, l'appelante ne saurait davantage soutenir qu'en s'acquittant de l'impôt dont elle sollicite la restitution, elle a subi une discrimination et été privée d'un bien à la propriété duquel l'Etat aurait porté atteinte, en méconnaissance des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Groupe Bernard B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, au motif qu'elle était irrecevable. Par suite, ses conclusions tendant à ce que lui soit restituée la somme de 11 182 610 euros, assortie des intérêts moratoires, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société Groupe Bernard B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Groupe Bernard B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupe Bernard B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

C. JARDINLe greffier,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02736


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02736
Date de la décision : 31/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-03-02 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Demandes et oppositions devant le tribunal administratif. Délais.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : PHILIP

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-31;19pa02736 ?
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