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31/07/2020 | FRANCE | N°18PA02972

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 juillet 2020, 18PA02972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SFP Coeur de ville a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry à lui verser la somme de 336 345, 10 euros hors taxe augmentée des intérêts au taux Euribor, soit la somme totale de 489 155, 52 euros au titre du non-paiement des études préalables réalisées du fait de la résiliation du traité de concession de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Coeur de ville ", la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime

avoir subi du fait des démarches effectuées depuis 10 ans pour se défendre ai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SFP Coeur de ville a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry à lui verser la somme de 336 345, 10 euros hors taxe augmentée des intérêts au taux Euribor, soit la somme totale de 489 155, 52 euros au titre du non-paiement des études préalables réalisées du fait de la résiliation du traité de concession de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Coeur de ville ", la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des démarches effectuées depuis 10 ans pour se défendre ainsi que des frais de procédure, enfin la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la perte de possibilité de réinvestir dans d'autres projets la somme qui ne lui a pas été remboursée.

Par un jugement n° 1500813 du 28 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la SFP Coeur de ville.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 4 septembre 2018, le 9 juillet 2019, le 21 août 2019, le 8 novembre 2019 et le 28 mai 2020, la SFP Coeur de ville, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500813 du 28 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

2°) de condamner la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry à lui verser la somme de 336 345, 10 euros hors taxe augmentée des intérêts au taux Euribor, soit la somme totale de 489 155, 52 euros, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du non-paiement des études préalables réalisées résultant de la résiliation du traité de concession de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Coeur de ville " ;

3°) de condamner la commune à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des démarches effectuées depuis 10 ans pour se défendre ainsi que des frais de procédure ;

4°) de condamner la commune à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la perte de possibilité de réinvestir dans d'autres projets la somme qui ne lui a pas été remboursée ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que, dans son objet, elle demande expressément l'annulation du jugement attaqué ;

- sa demande de première instance est recevable dès lors qu'elle a présenté une demande préalable ;

- la résiliation du traité de concession signé le 27 février 2006 est due à l'entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 2005 qui impose une procédure de mise en concurrence ;

- le traité de concession a donc été résilié pour motif d'intérêt général ce qui entraîne l'indemnisation intégrale du cocontractant ;

- elle a droit à l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'absence de paiement des études réalisées ; sa créance est certaine, liquide et exigible puisqu'elle a réalisé les études préalables et que le montant de ces études est indiqué de façon précise dans les factures ;

- l'article 5 du protocole d'accord de 2004 ne peut lui être opposé dès lors qu'il est applicable aux travaux de viabilité et non aux études ;

- elle a subi un préjudice résultant du non remboursement de la somme qui lui est due dès lors qu'elle n'a pas pu réinvestir cette somme dans d'autres projets ; ce préjudice s'élève à la somme de 30 000 euros ;

- elle a subi un préjudice du fait des démarchées effectuées depuis 10 ans ; ce préjudice s'élève à la somme de 50 000 euros ;

- la subrogation n'existe pas dès lors qu'en tant que bénéficiaire, elle n'a jamais donné son accord à cette subrogation ; en tout état de cause, cette subrogation est éteinte à la suite de la résiliation de la convention d'aménagement existant entre la commune et la SEAM 77 ;

- les études réalisées en dehors de toute stipulation contractuelle ont été à l'origine d'un enrichissement sans cause de la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry ; à ce titre, elle a droit à l'indemnisation de ses préjudices.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 juin 2019 et le 25 octobre 2019, la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry, représentée par la SELARL Dolla Vial et associés, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la réduction à 70 000 euros de la somme demandée par la SFP Coeur de ville, à titre infiniment subsidiaire, à la réduction à 307 073 euros du montant des sommes pouvant être réclamées par la SFP Coeur de ville au titre des études réalisées et au rejet des autres demandes et à ce que soit mis à la charge de la SFP Coeur de Ville les entiers dépens, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête de la SFP Coeur de ville est irrecevable en l'absence de critique du jugement attaqué ;

- la demande de première instance est irrecevable dès lors que la SFP Coeur de ville n'a pas présenté de demande préalable ;

- il n'existe pas de lien entre le traité de concession et les études préalables dont la SFP Coeur de ville demande le remboursement ;

- la SFP Coeur de ville n'établit ni le principe ni le montant de sa créance ;

- en tout état de cause, l'indemnité doit être plafonnée à 70 000 euros en application de l'article 6 du protocole d'accord de 2004 ;

- la SFP Coeur de ville n'établit pas le préjudice résultant de démarches effectuées depuis 10 ans ;

- elle ne justifie pas du montant du préjudice résultant du non remboursement de la somme réclamée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société SFP Coeur de ville.

Une note en délibéré présentée pour la société SFP Coeur de ville a été enregistrée le 1er juillet 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 18 novembre 2005, la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry (Seine-et-Marne) a autorisé le maire à signer le traité de concession pour la réalisation d'une zone d'aménagement concerté (ZAC) " Coeur de ville " avec la SFP Coeur de ville. Le traité de concession a été signé le 27 février 2006. Par délibération du 12 mai 2006, le conseil municipal a autorisé le maire à résilier le traité de concession en raison d'une évolution législative sur la procédure de mise en concurrence introduite par la loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement. Par délibération du 3 juillet 2006, le conseil municipal a décidé le lancement d'une nouvelle procédure de concession d'aménagement. Par délibération du 18 décembre 2006, la société Aménagement 77 a été désignée en tant qu'aménageur. Un nouveau traité de concession a été signé le 25 janvier 2007. Par un protocole du 30 janvier 2012, la commune et la société A77 ont décidé de mettre un terme au traité de concession à la date du 30 juin 2013. Par jugement du 28 juin 2018 dont la SFP Coeur de ville relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de

Saint-Fargeau-Ponthierry à lui verser la somme de 336 345, 10 euros hors taxe augmentée des intérêts au taux Euribor, soit la somme totale de 489 155, 52 euros au titre du non-paiement des études préalables réalisées du fait de la résiliation du traité de concession de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Coeur de ville ", la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des démarches effectuées depuis 10 ans pour se défendre, ainsi que des frais de procédure ainsi que la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la perte de possibilité de réinvestir dans d'autres projets la somme qui ne lui a pas été remboursée.

Sur la responsabilité du fait de la résiliation unilatérale du traité de concession pour motif d'intérêt général :

2. Aux termes de l'article 1er du traité de concession du 27 février 2006 : " La Commune confie à l'Aménageur l'aménagement et l'équipement de la Zone d'Aménagement Concerté, dénommée Z.A.C. " Coeur de ville " (...) ". Aux termes de l'article 2 du même texte : " L'aménageur procédera aux acquisitions foncières nécessaires à la réalisation de la zone au fur et à mesure de l'avancement, sous réserve des dispositions du titre II ci-après. Il réalisera l'ensemble des aménagements mis à sa charge (...) ". Enfin, aux termes de l'article 8 de ce texte : " L'Aménageur prend à sa charge la réalisation et le financement : a) de toutes études techniques et de maîtrise d'oeuvre, et de tout suivi et contrôle d'exécution par un ou des prestataires de son choix (...) ".

3. La SFP Coeur de ville soutient que la résiliation du traité de concession du 27 février 2006, intervenue pour motif d'intérêt général, est à l'origine d'un préjudice résultant du non-paiement des études préalables à la création de la ZAC " Coeur de ville ", ainsi que de préjudices résultant de la durée des démarches entreprises pour obtenir réparation et de l'absence de possibilité de réinvestir la somme correspondant au montant des études non payées. Il résulte cependant de l'instruction que les études préalables à l'aménagement de la ZAC " Coeur de ville ", qui comprennent notamment un rapport de présentation, une étude d'impact sur l'environnement, un plan de situation, une étude de trafic, ont été réalisées dans le cadre d'un protocole signé le 26 juillet 2004. A ce titre, elles ont été achevées antérieurement à la signature du traité de concession le 27 février 2006 qui se réfère à ce document seulement dans son préambule. Les études en litige sont donc étrangères à l'objet même du traité de concession du 27 février 2006 qui, par son article 2, donne mission à l'aménageur de procéder aux acquisitions foncières nécessaires au projet, à l'éventuelle construction de bâtiments, ainsi qu'à la passation de conventions avec des maîtres d'ouvrages ou des propriétaires de terrains et à la rédaction d'un cahier des charges de cessions de terrain. Ces études préalables ne rentrent pas davantage dans le champ de l'article 8 du traité qui vise les études techniques et de maîtrise d'oeuvre. Enfin, ce traité ne comporte pas de clause prévoyant l'indemnisation, en cas de résiliation, de ces études préalables qui pouvaient être réalisées par la SFP Coeur de ville en application du protocole du 26 juillet 2004 indépendamment de la désignation de cette dernière comme titulaire du traité de concession. La circonstance que le cahier des charges de la nouvelle consultation lancée en juillet 2006 prévoie le rachat des études préalables d'un montant de 336 345, 10 euros ne vaut pas, pour la commune, reconnaissance d'une dette à ce titre ni engagement de sa part à leur remboursement. Par suite, en l'absence de lien de causalité entre l'absence de paiement des études préalables à l'aménagement de la ZAC " Coeur de ville " et la résiliation du traité de concession, la SFP Coeur de ville n'est pas fondée à en demander l'indemnisation. Pour les mêmes motifs, sa demande d'indemnisation des préjudices résultant de la durée des démarches entreprises pour obtenir réparation et de l'absence de possibilité de réinvestir la somme en litige doit être rejetée.

Sur la responsabilité quasi-contractuelle :

4. Il résulte de l'instruction que les études préalables dont la SFP Coeur de ville demande l'indemnisation, ont été réalisées dans le cadre d'un protocole d'accord conclu le 26 juillet 2004 qui fixe les relations de la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry et de la SFP Coeur de ville pendant la durée des études préalables et jusqu'à la signature d'une convention d'aménagement. Ce contrat, dont la validité n'a pas été remise en cause par la société requérante, a entendu régler l'ensemble des relations financières des deux parties. Par suite, le paiement de prestations qui se rattacheraient à ce contrat ne peut être sollicité sur le terrain de l'enrichissement sans cause. Les conclusions indemnitaires présentées sur ce fondement pour la première fois en appel par la requérante ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

5. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête par la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry, que la SFP Coeur de ville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SFP Coeur de ville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SFP Coeur de ville une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SFP Coeur de ville est rejetée.

Article 2 : La SFP Coeur de ville versera à la commune de Saint-Fargeau-Ponthierry la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SFP Coeur de ville, à la commune de

Saint-Fargeau-Ponthierry et à la SEM Aménagement 77.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. B...La présidente,

M. C...Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne à la préfète de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02972
Date de la décision : 31/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : ENFERT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-31;18pa02972 ?
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