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31/07/2020 | FRANCE | N°18PA01837

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 juillet 2020, 18PA01837


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de la décision du 6 août 2015 par laquelle le maire de Lagny-sur-Marne a prononcé son licenciement et la condamnation de la commune à lui verser les salaires dont elle a été privée, ainsi que la somme de 29 736 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son licenciement.

Par un jugement n° 1507972 du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 6 août 2015 et rejeté

les conclusions indemnitaires de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de la décision du 6 août 2015 par laquelle le maire de Lagny-sur-Marne a prononcé son licenciement et la condamnation de la commune à lui verser les salaires dont elle a été privée, ainsi que la somme de 29 736 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son licenciement.

Par un jugement n° 1507972 du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 6 août 2015 et rejeté les conclusions indemnitaires de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 29 mai 2018 et le 21 novembre 2019, Mme A... B..., représentée par la SELARL Callon avocats et Conseil, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1507972 du 29 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 6 août 2015 du maire de Lagny-sur-Marne prononçant son licenciement et rejeté la demande de condamnation de la commune à lui verser les salaires dont elle a été privée ainsi que la somme de 29 736 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son licenciement ;

2°) d'annuler la décision du 6 août 2015 ;

3°) de condamner la commune de Lagny-sur-Marne à lui verser la somme totale de 45 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son licenciement ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lagny-sur-Marne une somme de 2 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la décision du 6 août 2015 :

- le signataire de cette décision était incompétent ;

- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas reçu, en temps utile, communication des griefs qui lui étaient reprochés, qu'elle n'a pas été mise en mesure de prendre connaissance des pièces figurant à son dossier ni d'être assistée par la personne de son choix ;

- cette décision est entachée d'inexactitude matérielle des faits ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'un détournement de pouvoir ;

- la sanction de licenciement est disproportionnée aux manquements qui lui sont reprochés ;

- la faute résultant de l'illégalité de son licenciement est de nature à engager la responsabilité de la commune de Lagny-sur-Marne ; elle a été à l'origine d'un préjudice de carrière s'élevant à 37 000 euros, d'un préjudice moral s'élevant à 5 000 euros et d'un " préjudice de santé " s'élevant à 2 500 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, la commune de

Lagny-sur-Marne, représentée par la SELARL Bazin et Cazelles avocats associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, Mme B... n'est pas recevable à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision du 6 août 2015 prononçant son licenciement dès lors qu'elle a obtenu entièrement satisfaction en première instance et n'a donc plus d'intérêt à agir ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés à l'encontre de la décision du 6 août 2015 ne sont pas fondés ;

- le licenciement n'est pas entaché d'illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité dès lors qu'il est justifié par le comportement inadapté de Mme B... dans ses relations de travail ;

- en tout état de cause, la réalité et l'étendue des préjudices dont elle demande réparation ne sont pas établis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me F... représentant la commune de Lagny-sur-Marne,

- et les observations de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ingénieur architecte, a été recrutée par contrat à durée déterminée du 1er juin 2015 au 31 mai 2016 inclus, par la commune de Lagny-sur-Marne, en qualité de responsable du pôle " Patrimoine et Travaux ". Après l'avoir reçue en entretien préalable le 3 août 2015, la commune de Lagny-sur-Marne a, par décision du 6 août 2015, prononcé son licenciement à compter du 21 août suivant. Par courrier du 4 octobre 2015, Mme B... a demandé à la commune l'annulation de son licenciement et la réparation des préjudices résultant de cette décision. Par jugement du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 6 août 2015 par laquelle le maire de Lagny-sur-Marne a prononcé le licenciement de Mme B... et a rejeté les conclusions tendant à la condamnation de la commune à lui verser les salaires dont elle a été privée du fait de son licenciement ainsi que la somme de 29 736 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lagny-sur-Marne :

2. Un requérant n'est pas recevable à présenter une requête d'appel seulement dirigée contre un jugement dont le dispositif lui donne satisfaction, quelles que soient les critiques que le requérant porterait aux motifs de ce jugement.

3. Par l'article 1er du jugement du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 6 août 2015 prononçant le licenciement de Mme B... et a ainsi fait droit à ses conclusions à fin d'annulation. Par suite, elle n'est pas recevable à demander l'annulation de cet article.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de Mme B... :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Lagny-sur-Marne :

4. D'une part, aux termes de l'article 40 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " L'agent non titulaire engagé pour une durée déterminée ne peut être licencié par l'autorité territoriale avant le terme de son engagement qu'après un préavis qui lui est notifié dans les délais prévus à l'article 39. Toutefois, aucun préavis n'est nécessaire en cas de licenciement prononcé soit en matière disciplinaire, soit pour inaptitude physique, soit à la suite d'un congé sans traitement d'une durée égale ou supérieure à un mois, soit au cours ou à l'expiration d'une période d'essai. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du " rapport de licenciement " rédigé par le supérieur hiérarchique de Mme B... et de la décision du 6 août 2015, que la commune de Lagny-sur-Marne n'a pas entendu donner au licenciement de Mme B... le caractère d'un licenciement pour motif disciplinaire dès lors que ce licenciement a été qualifié de licenciement " dans l'intérêt du service " et qu'un préavis de huit jours a été accordé à l'intéressée, alors qu'une telle mesure ne revêt pas de caractère obligatoire dans le cadre d'une procédure disciplinaire, en application des dispositions de l'article 40 du décret du 15 février 1988 précitées. Par suite, la commune de Lagny-sur-Marne doit être regardée comme ayant eu l'intention de prononcer à l'encontre de Mme B... un licenciement pour insuffisance professionnelle.

6. D'autre part, il résulte de l'instruction que les excellentes compétences techniques et l'investissement exemplaire de Mme B... ont été reconnus par ses supérieurs et n'ont jamais été remis en cause. Si des altercations sont intervenues avec une autre responsable de pôle au sujet du déplacement du bureau de l'assistante de cette dernière sans son accord et avec un responsable de secteur qui a refusé de remplir un arrosoir à la demande de Mme B... qui aurait alors fait preuve d'une attitude menaçante, ces circonstances ne sont pas de nature à remettre en cause la capacité de Mme B... à assurer les missions relevant de son poste. Si, par ailleurs, son supérieur hiérarchique a dénoncé une autre altercation avec un agent appartenant aux services gérés par Mme B... qui n'a pas accepté que ce dernier la dénomme " ma petite dame " et a relevé que " le sentiment qui domine au niveau des agents de la régie est le manque de respect que leur responsable a vis-à-vis d'eux et de ce fait se sont totalement désolidarisés d'elle ", ces affirmations imprécises ne sont corroborées par aucune autre pièce du dossier et ne permettent pas d'établir un mauvais fonctionnement du pôle dont Mme B... était responsable. Par suite, la commune de Lagny-sur-Marne n'établit pas la réalité de l'insuffisance professionnelle de l'intéressée. En prononçant un licenciement sur ce fondement, elle a entaché sa décision du 6 août 2015 d'une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions indemnitaires.

En ce qui concerne les préjudices :

8. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit, non pas au versement du traitement dont il a été privé, mais à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

9. En premier lieu, d'une part, Mme B... ne saurait demander l'indemnisation d'un préjudice de carrière, dès lors qu'elle n'est pas agent titulaire de la fonction publique. D'autre part, si elle fait valoir les difficultés qu'elle aurait à trouver un nouvel emploi du fait de son âge et de la rareté des postes vacants correspondants à son profil, elle n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations.

10. En deuxième lieu, si Mme B... invoque un préjudice de santé et produit des certificats médicaux attestant de différentes pathologies, en particulier d'un syndrome anxio-dépressif, elle n'apporte pas la preuve que ces dernières seraient la conséquence directe et certaine de l'illégalité de son licenciement.

11. En troisième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral résultant pour Mme B... de l'illégalité de son licenciement en lui allouant à ce titre une somme de 1 500 euros.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Lagny-sur-Marne doit être condamnée à verser à Mme B... la somme de 1 500 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Lagny-sur-Marne demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Lagny-sur-Marne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 29 mars 2018 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La commune de Lagny-sur-Marne est condamnée à verser à Mme B... la somme de 1 500 euros.

Article 3 : La commune de Lagny-sur-Marne versera la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Lagny-sur-Marne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... B... et à la commune de

Lagny-sur-Marne.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. C...La présidente,

M. D...Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01837


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01837
Date de la décision : 31/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SELARL CALLON AVOCAT et CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-31;18pa01837 ?
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