Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La compagnie nationale Royal Air Maroc a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français un ressortissant marocain muni d'un visa périmé.
Par un jugement n° 1801437/3-3 du 5 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2019, la compagnie nationale Royal Air Maroc, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 mars 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 30 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français une ressortissant marocain muni d'un visa périmé ;
3°) à titre principal, de prononcer la décharge de l'amende prononcée ;
4°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende à la somme de 3 000 euros ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'irrégularité du visa présenté par le passager n'était pas manifeste dès lors qu'elle nécessitait la vérification de l'ensemble des pages de son passeport dont les tampons étaient illisibles, et la comptabilisation du nombre total de jours passés dans l'espace Schengen, ce qui excédait les attributions et obligations de ses agents ;
- sa responsabilité est atténuée par l'absence de diligence de l'administration qui n'a pas annulé le visa du passager et ne lui a pas réclamé le paiement d'un droit de chancellerie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 € l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. / Est punie de la même amende l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination. ". Aux termes de l'article L. 625-5 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-4 ne sont pas infligées : (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. ".
2. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'États non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si elles n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions citées ci-dessus.
3. A l'appui de sa requête devant le Tribunal administratif de Paris, la compagnie nationale Royal Air Maroc a fait valoir que le caractère périmé du visa présenté par le passager nécessitait de vérifier l'ensemble des pages de son passeport dont les tampons désordonnés étaient illisibles, et de décompter le nombre total de jours passés dans l'espace Schengen, ce qui ne fait pas partie des attributions et obligations de ses agents. Les premiers juges ont répondu à ce moyen de manière suffisamment motivée. Dans sa requête d'appel, la compagnie nationale Royal Air Maroc reprend ce moyen soulevé en première instance, sans apporter le moindre élément nouveau de fait ou de droit, de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué sur ce point. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen ainsi réitéré devant la Cour.
4. La compagnie nationale Royal Air Maroc soutient en outre que l'erreur commise par les agents de la compagnie n'est pas manifeste, que l'administration n'a pas annulé le visa du passager et qu'en conséquence le montant de l'amende est disproportionné.
5. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions citées ci-dessus du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer sur le bien-fondé de la décision contestée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
6. Il résulte de l'instruction qu'en raison du caractère aisément décelable de l'irrégularité constatée consistant en l'absence de validité du visa Schengen pour permettre au passager concerné, compte tenu de la durée de ses précédents séjours, de pénétrer à nouveau dans l'espace Schengen, l'agent de la compagnie pouvait aisément constater que la durée de validité du visa de l'intéressé était expirée. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le montant de l'amende n'était pas disproportionné et que la compagnie nationale Royal Air Maroc n'était pas fondée à demander la réduction de l'amende qui lui a été infligée.
7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de la compagnie nationale Royal Air Maroc à fin d'annulation, de décharge et de réduction du montant de l'amende ne peuvent qu'être rejetées. Il en est de même, par voie de conséquence, de ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la compagnie nationale Royal Air Maroc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie nationale Royal Air Maroc et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 juillet 2020.
L'assesseur,
J-C. NIOLLETLe président rapporteur,
O. B...
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA01491 4