Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La compagnie nationale Royal Air Maroc a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 septembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français un étranger démuni de document de voyage.
Par un jugement n° 1717964/3-2 du 27 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 avril et 18 juillet 2019, la compagnie nationale Royal Air Maroc, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 février 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 25 septembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français un étranger démuni de document de voyage ;
3°) de réduire le montant de l'amende à 750 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'amende est injustifiée et son montant à tout le moins disproportionné au regard des circonstances de l'espèce, le passager débarqué titulaire d'une carte de résident ne pouvant être regardé comme ayant tenté d'entrer irrégulièrement sur le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé n'est pas fondé.
Par une ordonnance du 3 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues. ". Aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. (...) " . Enfin, aux termes de l'article L. 625-5 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-4 ne sont pas infligées : (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. ".
2. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'États non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si elles n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions citées ci-dessus.
3. Par ailleurs, Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 212-1 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 211-1, les étrangers titulaires d'un titre de séjour (...) sont admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d'un document de voyage ".
4. A l'appui de sa requête devant le Tribunal administratif de Paris, la compagnie nationale Royal Air Maroc a fait valoir que le passager débarqué, était titulaire d'une carte de résident valable du 12 décembre 2016 au 13 décembre 2026. Les premiers juges ont répondu à ce moyen de manière suffisamment motivée. Dans sa requête d'appel, la compagnie nationale Royal Air Maroc reprend ce moyen soulevé en première instance, sans apporter le moindre élément nouveau de fait ou de droit, de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué sur ce point. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, au point 5 de leur jugement, d'écarter ce moyen ainsi réitéré devant la Cour.
5. La compagnie nationale Royal Air Maroc soutient aussi que le montant de l'amende est disproportionné, dans la mesure où le passager débarqué était en réalité titulaire d'un titre de séjour en cours de validité.
6. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions citées ci-dessus du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer sur le bien-fondé de la décision contestée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
7. Il résulte de l'instruction que le ressortissant marocain débarqué à Orly le 10 février 2017, était titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 13 décembre 2026 le dispensant ainsi de l'obligation de visa. Si à l'embarquement il n'était pas en possession de ce titre de séjour et si par suite, l'agent de la compagnie pouvait très aisément constater l'absence de ce document, il n'en demeure pas moins qu'après vérification par les services de la police aux frontières, le passager est entré régulièrement en France. Dans ces circonstances particulières, la compagnie ayant néanmoins manqué à ses obligations en s'abstenant de vérifier que le passager était muni soit d'un visa, soit d'un titre de séjour en cours de validité, il y a lieu de réduire le montant de l'amende infligée et de la fixer à 5 000 euros.
8. Il résulte de ce qui précède que la compagnie nationale Royal Air Maroc est fondée à demander la décharge partielle de l'amende infligée et la réformation du jugement attaqué sur ce point. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le montant de l'amende infligée à la compagnie nationale Royal Air Maroc est ramené de 10 000 euros à 5000 euros.
Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la compagnie nationale Royal Air Maroc est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie nationale Royal Air Maroc et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 juillet 2020.
L'assesseur,
J-C. NIOLLETLe président rapporteur,
O. B...
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA01436 4