Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société GFA Caraïbes a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune de Pointe-à-Pitre à la garantir des condamnations à intervenir dans l'ensemble des procédures concernant le sinistre du 21 décembre 2007, chiffrées à la somme de 1 451 435,03 euros par les parties civiles et de condamner la commune à lui verser la somme de 260 000 euros dont elle a été contrainte de faire l'avance en exécution d'une condamnation en référé.
Par un jugement n° 1700269 du 30 janvier 2018, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de la société GFA Caraïbes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, des pièces complémentaires et un mémoire, enregistrés le 1er mars, le 15 mars 2018 et le 20 août 2019, la société GFA Caraïbes, représentée par Me Dorwling-Carter, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1700269 du 30 janvier 2018 ;
2°) de condamner la commune de Pointe-à-Pitre à la garantir des condamnations à intervenir dans l'ensemble des procédures concernant le sinistre du 21 décembre 2007, chiffrées par les parties à 1 451 435,03 euros ;
3°) de condamner la commune de Pointe-à-Pitre à la garantir de la somme de
288 117, 97 euros au titre de l'avance versée à raison de condamnations en référé ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Pointe-à-Pitre une somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa créance n'est pas prescrite, le délai de quatre ans n'ayant commencé à courir que le 1er janvier 2015, soit le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre a définitivement statué sur l'action pénale ;
- la commune de Pointe-à-Pitre est responsable des fautes commises par son ancien maire dans l'exercice de ses fonctions et ayant conduit à sa condamnation pénale pour des faits de défaut d'exercice de son pouvoir de police en matière d'établissement recevant du public et défaut de vérification de l'exécution de ses arrêtés en matière d'artifices ;
- la condamnation pénale des auteurs des faits n'est pas une cause exonératoire de la responsabilité de la commune.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 avril et le 28 novembre 2019, la commune de Pointe-à-Pitre, représentée par Me Trillat, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à une limitation de sa responsabilité à hauteur de 10 % et, dans tous les cas, à ce qu'il soit mise à la charge de la société GFA Caraïbes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'action de la société GFA Caraïbes est prescrite ;
- l'action de la société GFA est irrecevable car elle n'a pas payé les sommes dont elle demande l'indemnisation en qualité d'assureur de la victime mais en qualité d'assureur d'un des co-responsables ;
- elle-même n'a commis aucun manquement ; les fautes commises par les mineurs, par M. B... A... et par M. J... sont constitutives d'un cas de force majeure de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;
- si une faute devait être retenue à son encontre, elle n'aurait aucun lien de causalité avec la survenance du sinistre ;
- si sa responsabilité devait être retenue, elle ne saurait être recherchée à hauteur de plus de 10 %.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Portes,
- et les observations de Me Trillat, avocat de la commune de Pointe-à-Pitre.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de l'incendie ayant eu lieu le 21 décembre 2007 dans les locaux du commerce sis 15/17 rue Sadi Carnot à Pointe-à-Pitre, le Tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre a statué sur la culpabilité des auteurs de ce sinistre par un jugement du 29 octobre 2013, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Basse-Terre du 28 octobre 2014. A ainsi été retenue la culpabilité de M. J..., propriétaire du local incendié, et de M. D..., maire de Pointe-à-Pitre en exercice au moment des faits, des chefs d'homicides involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence et de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité et de M. B... A..., exploitant du fonds de commerce dans lequel l'incendie a eu lieu, du chef d'homicides involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence. Les parties civiles ont toutefois été invitées à mieux se pourvoir s'agissant des demandes indemnitaires présentées à l'encontre de M. D... en sa qualité de maire alors en exercice, les fautes pénales retenues à son encontre étant qualifiées de non personnelles, non intentionnelles et non détachables de ses fonctions. La société GFA Caraïbes, au regard des condamnations à intervenir sur le plan de l'action civile et en vertu des provisions qu'elle affirme avoir d'ores et déjà versées à hauteur de 260 000 euros aux consorts F... et à Mme C..., relève appel du jugement n° 1700269 du 30 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à condamner la commune de Pointe-à-Pitre à la garantir des sommes à verser en exécution des condamnations à venir et des avances versées en exécution d'une condamnation en référé.
2. Aux termes des dispositions de l'article L.121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ".
3. L'auteur d'un dommage, condamné par le juge judiciaire à en indemniser la victime, qui saisit la juridiction administrative d'un recours en vue de faire supporter la charge de la réparation par la collectivité publique, co-auteur du dommage, exerce une action subrogatoire et non une action récursoire.
4. En application des dispositions précitées de l'article L. 121-12 du code des assurances, il incombe à l'assureur de l'auteur du dommage qui entend bénéficier de la subrogation d'apporter la preuve du versement de l'indemnité à la victime en exécution du contrat d'assurance, et ce, par tout moyen.
5. D'une part, en tant que la demande formulée par la société GFA Caraïbes porte sur des condamnations à intervenir, la société ne peut se prévaloir d'un quelconque paiement de sa part.
6. D'autre part, par une ordonnance du Tribunal de grande instance de Fort-de-France du 14 août 2008 et par deux ordonnances du Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre du 24 avril 2009 et du 24 février 2012, le juge des référés a condamné, in solidum, M. B... A... et la société GFA Caraïbes à verser aux consorts F... et à Mme C... une provision d'un montant total de 270 000 euros. Une saisine attribution a été effectuée, par voie d'huissier, les 8, 9 et 12 septembre 2008 à l'initiative des consorts F... pour obtenir le paiement de leur créance détenue par la société GFA Caraïbes. Toutefois, bien que les établissements bancaires aient procédé au blocage des sommes correspondantes sur ses propres comptes, la société GFA Caraïbes n'apporte aucun élément de nature à établir que ces sommes ont été réellement versées aux victimes en vue de l'indemnisation, à titre de provision, des préjudices subis par elles.
7. Par suite, la société GFA Caraïbes, qui ne dispose d'aucun intérêt à agir pour demander la condamnation de la commune de Pointe-à-Pitre à la garantir des condamnations futures et des sommes versées en exécution de condamnations en référé, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes comme irrecevables pour ce motif
Sur les conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société GFA Caraïbes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la commune de Pointe-à-Pitre n'étant pas la partie perdante. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société GFA Caraïbes une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Pointe-à-Pitre en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société GFA Caraïbes est rejetée.
Article 2 : La société GFA Caraïbes versera à la commune de Pointe-à-Pitre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société GFA Caraïbes et à la commune de Pointe-à-Pitre.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Julliard, présidente,
- Mme Portes, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2020.
La présidente,
M. Julliard
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA20916 2