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09/07/2020 | FRANCE | N°18PA02867

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09 juillet 2020, 18PA02867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 mai 2017 par lequel la maire de Paris l'a révoqué de ses fonctions.

Par un jugement n° 1710698/2-3 du 21 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 mai 2017 de la maire de Paris.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 août 2018, 19 septembre 2018, 3 septembre 2019 et 28 février 2020, la ville de Paris, représentée par la SCP

Foussard-Froger, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1710698/2-3 du 21 juin 2018 pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 mai 2017 par lequel la maire de Paris l'a révoqué de ses fonctions.

Par un jugement n° 1710698/2-3 du 21 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 mai 2017 de la maire de Paris.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 août 2018, 19 septembre 2018, 3 septembre 2019 et 28 février 2020, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1710698/2-3 du 21 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 mai 2017 de la maire de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... E... devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de M. A... E... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'ensemble des faits reprochés à M. A... E... est matériellement établi ;

- la sanction de révocation est proportionnée aux faits qui lui sont reprochés ;

- le président de la commission administrative paritaire siégeant en formation discipline n'a pas manqué d'impartialité.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 juillet 2019, 14 octobre 2019 et 23 mars 2020, M. A... E..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la ville de Paris ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me Froger, avocat de la ville de Paris,

- et les observations de Me D..., avocat de M. A... E....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E..., professeur des conservatoires de Paris, spécialité musique, affecté au conservatoire à rayonnement régional, a fait l'objet d'une sanction disciplinaire de révocation de ses fonctions par arrêté du 4 mai 2017 de la maire de Paris. Par jugement du 21 juin 2018, dont la ville de Paris relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 mai 2017 de la maire de Paris.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le considérant 7 du jugement attaqué indique les motifs pour lesquels le tribunal a estimé que le fait pour un professeur d'entretenir une relation amoureuse avec une élève majeure ne constitue pas une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Par suite, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés en défense par la ville de Paris, notamment sur la particularité d'un professeur de conservatoire, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.

Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal :

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Il ressort des motifs de l'arrêté attaqué que la sanction de révocation prise à l'encontre de M. A... E... est motivée, d'une part, par l'existence d'une relation amoureuse et sexuelle avec une élève, encore mineure au début de la relation, et devant être considérée comme vulnérable en raison de l'ascendant que M. A... exerçait du fait de son âge et de son autorité de professeur, d'autre part, par le développement d'une emprise sur plusieurs jeunes élèves en faisant preuve d'un positionnement manquant de distance et de professionnalisme notamment en complimentant de manière inappropriée des élèves sur le physique et la tenue, générant ainsi chez elles un sentiment de malaise et, enfin, par la circonstance que l'intéressé n'a pas posé les limites requises par le cadre pédagogique permettant de garder la distance indispensable entre le maître et l'élève et a eu un comportement qui a nui à la réputation du conservatoire et a porté atteinte à la ville de Paris.

6. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que M. A... E... a entretenu pendant un an et demi une relation amoureuse et sexuelle avec l'une de ses élèves et qu'à la suite de leur rupture, ils ont conservé des contacts, notamment professionnels. Si la ville de Paris fait valoir que l'élève était mineure au début de cette relation, ce que M. A... E... a contesté tant pendant la procédure disciplinaire que devant la juridiction, la ville de Paris ne l'établit ni par les déclarations imprécises et partiellement contradictoires de l'intéressée au cours de ses auditions, ni par la production d'un document prenant la forme d'un courriel daté du 17 février 2009, ne comprenant pas les adresses de l'expéditeur et du destinataire, que l'intéressée soutient avoir reçu en mains propres. En revanche, il ressort des pièces du dossier, et alors même que cette élève reconnaît avoir consenti à cette relation, que M. A... E... exerçait, compte tenu de son âge et de sa qualité de professeur, une autorité sur cette élève particulièrement vulnérable, manquant de confiance en elle et rencontrant des difficultés de scolarité et des problèmes de santé.

7. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment des déclarations d'une élève témoignant en faveur du professeur et de ce dernier, que M. A... E... a adressé à plusieurs élèves féminines des remarques concernant leur tenue ou leur physique. Ces observations que l'intéressé présente comme la preuve de bonnes relations ou comme de simples compliments constituent des propos déplacés et inappropriés à l'égard de jeunes femmes sur lesquels il exerce une autorité. Ces propos comme les dîners en tête à tête traduisent une familiarité et un manque de distance de l'intéressé avec ses élèves. En revanche, la réalité de l'emprise psychologique sur plusieurs élèves ne peut être regardée comme établie par les pièces du dossier. En outre, la ville de Paris n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de l'atteinte à la réputation du conservatoire à rayonnement régional et de la ville, alors que M. A... E... est apprécié par des élèves et leurs parents, qui lui ont manifesté leur soutien.

8. Les faits, dont la réalité doit être regardée comme matériellement établie, tenant à l'existence d'une relation extra-professionnelle consentie avec une élève, jeune majeure et vulnérable sur laquelle il exerçait une autorité, et à des remarques déplacées adressées à de très jeunes femmes sur leur physique ou leur tenue, constituent des manquements aux obligations d'un professeur de conservatoire et sont de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard à la nature et à la gravité des faits, et alors même que l'intéressé n'a pas d'antécédents disciplinaires et fait l'objet d'une bonne notation, la ville de Paris n'a pas pris une sanction disproportionnée en prononçant une mesure de révocation à titre disciplinaire.

9. Par suite, la ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a retenu ce moyen pour annuler l'arrêté du 4 mai 2017.

10. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A... E... devant le tribunal.

Sur l'autre moyen soulevé par M. A... E... :

11. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de la séance de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire du 28 mars 2017, que son président a, au cours des débats en séance, tenu des propos sur l'absence de normalité d'une relation sentimentale et sexuelle entre un professeur et un élève et expressément exprimé son opinion sur le caractère de faute professionnelle du comportement de M. A... E.... Si ces propos ne peuvent être regardés comme révélant une animosité particulière à l'égard de l'intéressé, le président du conseil de discipline a manqué à son obligation d'impartialité requise dans la conduite des débats. Le manque d'impartialité du président du conseil de discipline a privé l'intéressé d'une garantie. Par suite, la sanction disciplinaire infligée à M. A... E... à l'issue de cette procédure est entachée d'une irrégularité affectant sa légalité.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la ville de Paris n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 4 mai 2017.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A... E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la ville de Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 1 500 euros à verser à M. A... E... sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la ville de Paris est rejetée.

Article 2 : La ville de Paris versera à M. A... E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... E... et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., présidente,

- Mme Portes, premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2020.

La présidente,

M. B...La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02867 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02867
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SCP FOUSSARD-FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-09;18pa02867 ?
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