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01/07/2020 | FRANCE | N°19PA01754

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juillet 2020, 19PA01754


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Red Sea Group France (RSGF) a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1701623/1-2 du 2 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 mai et 3 septembre 2019, la société RSGF, rep

résentée par la Selas de Gaulle Fleurance et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Red Sea Group France (RSGF) a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1701623/1-2 du 2 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 mai et 3 septembre 2019, la société RSGF, représentée par la Selas de Gaulle Fleurance et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1701623/1-2 du 2 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la proposition de rectification et la décision de rejet ;

3°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal et la restitution de la somme de 415 757 euros majorée des intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas communiqué le dernier mémoire en réponse de l'administration daté du 27 février 2019, alors que la clôture d'instruction est intervenue le 19 mars 2019 ;

- l'administration, qui supporte la charge de la preuve, n'a pas démontré qu'en cédant à la société APE BV la créance qu'elle détenait sur la société RSW, elle aurait commis un acte anormal de gestion ; le prix de cession de la créance n'était pas minoré et correspondait à la valeur vénale de celle-ci ;

- l'administration ne pouvait s'immiscer dans la gestion de l'entreprise en retenant qu'elle n'avait pas comptabilisé de provision pour dépréciation de sa créance, que le caractère urgent de la cession n'était pas justifié et que la créance aurait pu faire l'objet d'un remboursement étalé.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me Robichet, avocat de la société RSGF.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Red Sea Group France (RSGF), société holding qui exerce une activité de gestion immobilière, a demandé en vain au Tribunal administratif de Paris la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge pour un montant de 415 757 euros, à l'issue d'une vérification de comptabilité qui a porté sur l'exercice clos en 2011. Par la présente requête, elle relève appel du jugement n° 1701623/1-2 du 2 avril 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande et doit être regardée comme demandant la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition contestés devant le tribunal.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative: " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6 ./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". La société RSGF soutient que le jugement du Tribunal administratif de Paris est irrégulier dès lors que le mémoire en réplique de l'administration du

27 février 2019, produit avant la clôture de l'instruction, ne lui a pas été communiqué. Il ressort des pièces du dossier de première instance que ce mémoire, dans lequel l'administration se bornait à répondre que le mémoire de la requérante du 24 juillet 2017, qui lui avait été transmis, n'apportait aucun élément nouveau, ne contenait lui-même aucun élément nouveau. Ainsi, en ne communiquant pas ce mémoire du 26 janvier 2018, le tribunal a fait une exacte application des dispositions rappelées ci-dessus et n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. La société RSGF, qui était propriétaire de 500 des 1 000 parts constituant le capital de la SARL Red Sea Wine (RSW), détenait une créance d'un montant de 2 216 428 euros sur cette filiale, propriétaire d'un domaine viticole à Saint-Sulpice et Cameyrac, au lieu-dit Le Leu, près de Bordeaux.

4. Par acte du 18 juillet 2011, la société RSGF a cédé les 500 parts qu'elle détenait dans le capital de RSW à la société Read Sea Investments, qui détenait déjà 50 % dudit capital au

30 juin 2011.

5. Par acte sous seing privé du même jour, elle a cédé la créance susmentionnée, comptabilisée pour un montant de 2 216 428 euros, qu'elle détenait sur la société RSW à la société Atlantic Pacific Entreprises (APE) BV, société de droit hollandais dont le siège est aux Pays­Bas. Cette créance était cédée pour 650 000 euros, qui sont venus s'imputer sur la dette que la société RSGF avait à l'égard de la société APE BV. La société RSGF a, en conséquence de cette cession de créance, comptabilisé au titre de l'exercice 2011 une charge exceptionnelle de

1 566 428 euros. Le service vérificateur a remis en cause la déductibilité de cette charge sur le fondement des articles 39-1 et 57 du code général des impôts, pour un double motif tiré, d'une part, de ce que cette cession à un prix selon lui minoré, était constitutive d'un acte anormal de gestion, et d'autre part, de ce que, eu égard à l'existence d'un lien de dépendance entre la société RSGF et le cessionnaire, l'avantage anormal consenti à la société APE BV, procédait d'un transfert de bénéfice vers la société hollandaise.

6. En vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale.

7. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

8. Les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

9. Au surplus, la commission départementale des impôts, saisie du désaccord, ayant en l'espèce émis l'avis que la cession litigieuse, effectuée à un prix inférieur de 60 % à la valeur nominale de la créance, ne pouvait être regardée comme effectuée dans l'intérêt de l'entreprise, il appartient à la société RSGF d'apporter la preuve que la cession à ce prix de ladite créance présentait pour elle un intérêt et constituait un acte de gestion normal.

10. Alors qu'il est constant que la créance en cause, inscrite en comptabilité par la société RSGF pour un montant de 2 216 428 euros, n'avait à la date de sa cession fait l'objet d'aucune provision pour dépréciation, la société requérante fait valoir que le prix de cession ne peut, compte-tenu de l'état dégradé du domaine viticole possédé par la société RSW ainsi que de la situation financière de celle-ci, être considéré comme minoré.

11. Toutefois, si la société RSGF verse au dossier des évaluations faites par des experts, ces expertises, qui concernent l'actif immobilier possédé par la société RSW, ne sauraient suffire à démontrer que celui-ci avait, à la date de la cession de créance, connu une dévalorisation telle que la valeur vénale de la créance sur RSW détenue par la société requérante avait elle-même été dévalorisée et ne représentait plus le 18 juillet 2011que 30 % de sa valeur nominale. En effet, l'une de ces expertises datant du 20 juin 2011 ne porte pas sur l'intégralité de l'actif immobilier de 15 ha possédé par la société RSW mais seulement sur la partie bâtie du domaine d'une surface d'environ 5 ha. L'autre expertise, si elle porte sur la totalité du domaine, englobant la partie plantée de vignes, n'a été établie qu'en 2013, alors que les vignes étaient à l'abandon depuis plus de deux ans, et ne peut donc attester de la valeur du domaine viticole deux ans auparavant à la date de la cession de créance. Au surplus, et ainsi que le relève l'administration, cet actif immobilier ne constituait pas le seul bien détenu par la société RSW qui, au 30 juin 2011, possédait également à son actif un stock d'une valeur de 47 000 euros et des créances d'un montant de 492 000 euros détenues sur la société SCEA et dont la société requérante ne justifie pas qu'elles auraient été sensiblement dépréciées en juillet 2011, en se bornant à se prévaloir de la procédure de redressement judiciaire suivie d'une liquidation dont cette société a fait l'objet, l'ouverture de cette procédure collective n'étant intervenue qu'en novembre 2013, soit plus de deux ans après la cession de créance différente à l'origine du redressement litigieux.

12. Dans ces conditions, la société RSGF n'est pas fondée à soutenir qu'elle a cédé la créance qu'elle détenait sur la société RSW à sa valeur vénale et que l'administration aurait estimé à tort que le prix de cession procédait d'une minoration de 1 566 428 euros par rapport à la valeur de cette créance, inscrite pour un montant de 2 216 428 euros dans sa comptabilité, supposée donner une image fidèle de son patrimoine. Elle ne démontre pas davantage l'intérêt propre qu'elle aurait eu à céder le 18 juillet 2011 à un prix très minoré ladite créance à la société APE BV et la contrepartie qu'elle en aurait retirée, en se bornant à faire valoir que si elle n'avait pas procédé à cette cession à ce prix, elle aurait perdu toute possibilité d'obtenir le remboursement de cette créance ou son rachat à meilleur prix par un autre acquéreur. Par suite, c'est à bon droit que le service vérificateur, qui ne s'est pas immiscé abusivement dans la gestion de l'entreprise en relevant qu'elle n'avait pas comptabilisé de provision pour dépréciation de sa créance, a estimé que cette cession de créance ne s'inscrivant pas dans le cadre d'une gestion normale et a réintégré en conséquence dans le résultat de l'exercice clos en 2011 le montant de

1 566 428 euros.

13. De tout ce qui précède, il résulte que la société RSGF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions litigieuses doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles tendant à la restitution de la somme versée, majorée des intérêts moratoires, et de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société RSGF est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SAS Red Sea Group France (RSGF) et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur des contrôles fiscaux.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme A..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2020.

Le président,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA01754

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01754
Date de la décision : 01/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELAS DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-01;19pa01754 ?
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