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01/07/2020 | FRANCE | N°19PA01601

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juillet 2020, 19PA01601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Société Des Etablissements A. Salvi a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du

1er janvier au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1718547/2-1 du 12 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2019,

la SAS Société des Etablissements

A. Salvi, représentée par Me C... A..., demande à la Cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Société Des Etablissements A. Salvi a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du

1er janvier au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1718547/2-1 du 12 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2019, la SAS Société des Etablissements

A. Salvi, représentée par Me C... A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1718547/2-1 du 12 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration, comme le tribunal ont refusé d'admettre son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'acquisition du pendentif en litige ; les premiers juges ont commis une erreur de droit en ce que, suivant la motivation erronée de la proposition de rectification, ils ont rejeté la déduction de la taxe grevant la commission sur l'achat du pendentif en se fondant sur la facture relative à cet achat ; l'administration fiscale ne peut se fonder sur l'absence sur la facture du montant de la taxe en cause, dès lors qu'il ressort des conditions générales d'achat aux enchères publiques de la société Artcurial, qu'elle a pour habitude de facturer sans mentionner de taxe ;

- cet achat a été fait par M. D... pour la société, même si faute de disposer d'un délai suffisant, il n'a pas pu être établi de mandat en ce sens ;

- l'administration supporte la charge de la preuve de l'absence d'intérêt pour l'entreprise de la dépense litigieuse ; le tribunal a confirmé la non déductibilité de la taxe sans se prononcer sur la partie qui doit supporter cette charge ;

- cet achat a été fait dans l'intérêt de l'entreprise.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture d'instruction a été fixée au 6 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., avocat de la SAS Société des Etablissements A. Salvi.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Société des Etablissements A. Salvi, qui exerçait notamment une activité de marchand de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 avril 2012. A l'issue de ce contrôle, le service lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 en raison de la remise en cause de la déduction, pour un montant de 36 436 euros, de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux frais de commission et de courtage supportés lors de l'acquisition d'un pendentif en or rose. La Société des Etablissements A. Salvi, dont la réclamation a été rejetée le 3 octobre 2017, a demandé en vain au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été assignés. Par la présente requête, elle relève appel du jugement n° 1718547/2-1 du 12 mars 2019 par lequel ce tribunal rejette sa demande.

2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession (...) desdites factures ". Aux termes de l'article 289 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " (...) II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ". L'article 242 nonies A de l'annexe II au même code disposait, dans sa rédaction en vigueur pendant la période d'imposition en litige : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client ; (...) 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'identification certaine du bénéficiaire d'une opération taxable ainsi que la mention du prix unitaire hors taxes et du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable à l'opération en cause sont essentielles à l'exercice du droit à déduction. En effet, la mention de ces informations sur la facture établie par le fournisseur ou le prestataire permet de présumer que les biens ou les services lui ont été livrés ou rendus et de vérifier qu'ils l'ont été pour les besoins de ses opérations taxées. Si l'absence de mention de ces informations ou leur caractère erroné sur la facture qui lui est remise peut ne pas faire obstacle à ce que la taxe soit déductible de celle à laquelle le bénéficiaire de l'opération taxable est soumis en raison de ses propres affaires, c'est seulement, ainsi que l'ont à bon droit indiqué les premiers juges, dans le cas où il apporte par tout moyen la preuve, qui lui incombe, du règlement effectif, par

lui-même, de cette facture pour les besoins de ses propres opérations imposables.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a refusé d'admettre en déduction la taxe sur la valeur ajoutée afférente à une commission de vente, d'un montant de

222 336,40 euros TTC, perçue par la maison de ventes aux enchères Artcurial sur la vente d'un pendentif en or et diamants réalisée le 20 juillet 2010, aux motifs que la facture émise par cette maison n'avait pas été libellée au nom de la société requérante mais à celui de son président,

M. E... D..., qu'elle ne mentionnait ni le taux, ni le montant de taxe sur la valeur ajoutée et pas davantage le montant hors taxes de la prestation et que cette opération n'entrait pas dans l'objet social de la société requérante.

5. D'une part, si, pour justifier que cette facture a été établie au nom de son président et non à son propre nom, la société requérante fait valoir que, faute de temps, elle n'a pas été en mesure d'accomplir les formalités nécessaires pour se porter enchérisseur en son nom propre auprès de la maison Artcurial, elle ne produit, à l'appui de ses allégations, aucune précision ni aucun commencement de preuve, alors d'ailleurs que les conditions générales de ventes de la société Artcurial prévoient expressément que " tout enchérisseur est censé agir pour son propre compte sauf dénonciation préalable de sa qualité de mandataire pour le compte d'un tiers, acceptée par Artcurial SAS " et que cette dernière, interrogée en mai et novembre 2013 par l'administration dans le cadre de l'exercice d'un droit de communication a indiqué en décembre 2013 que seuls sont connus comme acheteurs M. et Mme D..., titulaires d'un compte au débit duquel la facture a été inscrite.

6. D'autre part, et alors qu'il est constant que M. D... est personnellement, ainsi qu'il l'a déclaré lors des opérations de contrôle, collectionneur de minéraux depuis plusieurs années, la société requérante fait valoir que l'opération en cause s'inscrivait dans le cadre de l'exercice, par elle, d'une activité accessoire d'achat-revente de bijoux anciens. Toutefois, la société des Etablissements A. Salvi, déclarée comme ayant une activité de marchands de biens, ne justifie aucunement avoir exercé, durant la période en cause, ni même d'ailleurs antérieurement aux opérations de contrôle, une telle activité accessoire, et l'activité

d'achat-revente d'objets de collection, de curiosité et de minéraux anciens n'a été ajoutée à son objet social que le 2 juin 2015, soit postérieurement au contrôle fiscal et près de cinq ans après l'acquisition concernée. De même, si la société appelante a indiqué avoir fait effectuer en 2011 par un joaillier reconnu des opérations de retaille et de remontage du bijou en cause, selon elle dans un but spéculatif afin d'augmenter le prix de revente, ledit joailler, en réponse au droit de communication de l'administration a indiqué au vérificateur par lettre du 10 mars 2014 ne pas compter la SAS Société des Etablissements A. Salvi parmi ses clients.

7. En deuxième lieu, la SAS Société des Etablissements A. Salvi, ne conteste pas l'absence des mentions susmentionnées sur la facture en cause. Cette facture, versée au dossier, établie sous l'entête d'Artcurial, fait état d'un prix d'adjudication du pendentif s'élevant à

925 000 euros, de commissions de vente toutes taxes comprises d'un montant de 222 336,40 euros mais ne mentionne aucunement le taux non plus que le montant de taxe sur la valeur ajoutée qui aurait, le cas échéant, été appliquée aux commissions de vente et incluse dans le montant des commissions susmentionnées, et au contraire, précise qu'" il ne sera délivré aucun document faisant ressortir la TVA ". Il résulte de l'instruction que la SAS Société des Etablissements A. Salvi a estimé que les commissions facturées pour 222 336,40 euros incluaient une taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 % appliquée à leur montant hors taxe, et a ainsi calculé elle-même et entendu récupérer un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 36 436,40 euros. Toutefois, ce faisant, elle ne justifie pas que les commissions afférentes à l'achat du bijou, facturées par Artcurial et réglées par elle, englobaient effectivement un tel montant de taxe, alors que le barème de calcul des commissions de ventes de cet organisme, explicité dans ses conditions générales de ventes, et appliqué au prix d'adjudication du pendentif, aboutit à un montant de commissions différent de celui retenu par elle dans son calcul.

8. Dans ces conditions, et alors même que le bien dont s'agit a été comptabilisé en stock par la SAS Société des Etablissements A. Salvi, et que, sur le prix total facturé pour ce bien soit 1 127 336 euros, M. D... se soit acquitté du paiement, à hauteur de 17 336,40 euros avec sa carte bancaire personnelle, somme ayant donné lieu à une inscription au crédit de son compte courant et que le solde ait fait l'objet de règlements enregistrés pendant la période du

14 septembre 2010 au 7 février 2011 dans le compte ouvert au nom de celui-ci dans la société Artcurial et effectués au moyen de chèques de la SA Safar, administrateur de biens, agissant pour le compte de la société requérante et par des chèques de banque tirés sur le compte de cette dernière ouvert dans la banque Martin Maurel, la société requérante ne peut être regardée comme apportant la preuve, d'une part, que la somme litigieuse correspondait à un montant de taxe sur la valeur ajoutée ayant effectivement grevé l'acquisition de ce bien et, d'autre part, que cette acquisition aurait été effectuée pour les besoins de ses propres opérations imposables.

9. En troisième lieu, et au surplus, l'article 242 nonies A du même code, dans sa rédaction applicable à l'année en litige précise: " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes (...)/ 14° De manière distincte, le prix d'adjudication du bien, les impôts, droits, prélèvements et taxes ainsi que les frais accessoires tels que les frais de commission, d'emballage, de transport et d'assurance demandés par l'organisateur à l'acheteur du bien, pour les livraisons aux enchères publiques visées au d du 1 du I de l'article 289 du code général des impôts effectuées par un organisateur de ventes aux enchères publiques agissant en son nom propre, soumises au régime de la marge bénéficiaire mentionné à l'article 297 A du même code. Cette facture ne doit pas mentionner de taxe sur la valeur ajoutée ".

10. Il résulte des dispositions rappelées ci-dessus, que la société requérante ne pouvait prétendre à la déduction de taxe sur la valeur ajoutée au titre des commissions portées sur la facture établie conformément au 14° de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts par la société Artcurial, suite à l'adjudication du pendentif en or et diamants lors de la vente aux enchères qui s'est déroulée le 20 juillet 2010 à l'hôtel Hermitage à Monte Carlo.

11. De tout ce qui précède, il résulte que la SAS Société des Etablissements A. Salvi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge du rappel de taxe litigieux doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Société des Etablissements A. Salvi est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Société des Etablissements A. Salvi et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2020 .

Le président,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01601
Date de la décision : 01/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET BERNARD LAGARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-01;19pa01601 ?
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