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01/07/2020 | FRANCE | N°19PA01434

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juillet 2020, 19PA01434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1800296, la société Inter Invest Outre-Mer (IIOM) a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour le 4ème trimestre de l'année 2015 d'un montant de 2 900 958 francs CFP.

Par une requête n° 1800297, elle a demandé au tribunal de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour le 4ème trimestre de l'année 2017 d'un montant de 3 716 055 francs CFP.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1800296, la société Inter Invest Outre-Mer (IIOM) a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour le 4ème trimestre de l'année 2015 d'un montant de 2 900 958 francs CFP.

Par une requête n° 1800297, elle a demandé au tribunal de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour le 4ème trimestre de l'année 2017 d'un montant de 3 716 055 francs CFP.

Par jugement nos 1800296-1800297 du 12 mars 2019 le Tribunal administratif de la Polynésie française, après les avoir jointes, a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 26 avril et 13 novembre 2019, la société IIOM, représentée par Mes Pierre-Yves Bancel et Marion Leclerc, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement nos 1800296-1800297 du 12 mars 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie Française ;

2°) de lui accorder le remboursement demandé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa succursale en Polynésie française ne lui étant pas juridiquement distincte et n'exerçant pas une activité économique indépendante qui serait dissociable de la sienne, les prestations qu'elle lui rend ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les sommes versées par sa succursale ne constituent que des flux de trésorerie à l'intérieur d'une même entreprise, un mouvement de compte à compte, et en l'absence de fait générateur, aucune taxe n'est due ;

- les opérations litigieuses concernent des services dont les bénéficiaires ne se situent pas en Polynésie française ; ces services sont rendus à une société située hors de Polynésie française, de sorte qu'elles échappent à la taxe sur la valeur ajoutée en raison des règles de territorialité applicables ;

- les prestations de services réalisées entre un siège et sa succursale, même si celle-ci constitue un établissement stable au sens de l'impôt sur les sociétés, sont placées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2019, le gouvernement de la Polynésie française, représenté par Me A... C... conclut au rejet de la requête et à la mise à charge de la société appelante d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 14 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mai 2020.

Un mémoire, produit pour la société requérante, a été enregistré le 19 juin 2020, postérieurement à la clôture.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- l'arrêté n° 1132 CM du 21 juillet 2009 fixant les modalités de représentation fiscale en Polynésie française (régime intérieur) ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Inter Invest Outre-Mer (IIOM), anciennement dénommée Antilles investissements, et dont le siège est situé à Saint-Barthélemy, a notamment pour activité le montage d'opérations d'investissement dans les collectivités ultra-marines. Elle a créé, le 5 avril 2006, un établissement secondaire en Polynésie française commercialement dénommé " Pacific investissements ". Cet établissement secondaire a sollicité le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée concernant le 4ème trimestre de l'année 2015 et le 4ème trimestre de l'année 2017 par des demandes du 15 janvier 2016. Par lettres des 7 et 8 août 2018, la Polynésie française a rejeté ses demandes. Après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'ordonner le remboursement de ces crédits de taxe sur la valeur ajoutée, la société IIOM relève appel du jugement nos 1800296-1800297 du 12 mars 2019 par lequel ce tribunal a rejeté ses demandes.

2. D'une part, qu'aux termes de l'article 340-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti ". Aux termes de l'article 340-4 du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une activité économique, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur résidence, le lieu de leur siège social, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) ". Aux termes de l'article 340-8 de ce code : " Les prestations de services sont imposables lorsque le service est utilisé en Polynésie française ou lorsque le bénéficiaire a en Polynésie française le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu, sa résidence ou son domicile. Le bénéficiaire de la prestation s'entend du client direct du prestataire, quelle que soit la personne qui, en définitive, pourrait recueillir le bénéfice du service rendu. / Les prestations de services de toute nature se rapportant à un immeuble sis en Polynésie française sont imposables en Polynésie française ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 344-2 du code des impôts de la Polynésie française, relatif à la désignation d'un représentant fiscal : " Lorsqu'une personne établie hors de Polynésie française y est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou doit y accomplir des obligations déclaratives ou encore y recevoir des remboursements de crédit de taxe non imputable, elle est tenue de faire accréditer auprès de la direction des impôts et des contributions publiques un représentant assujetti établi en Polynésie française qui s'engage à remplir les formalités lui incombant et, en cas d'opérations imposables, à acquitter la taxe à sa place. Dans le cadre de cette accréditation, elle peut en outre déclarer ce même représentant habilité à percevoir en son nom tout remboursement de taxe (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté 1132 CM du 21 juillet 2009 susvisé relatif à la désignation d'un représentant fiscal : " Les personnes (...) qui ne sont pas établies en Polynésie française, et qui y sont légalement redevables des impôts, droits et taxes prévus par le code des impôts ont l'obligation de désigner au service des contributions un représentant solvable accrédité résidant en Polynésie française ". L'article 3 de cet arrêté dispose que " (...) le représentant fiscal (...) s'engage à remplir les formalités incombant au représenté et en cas d'opérations imposables à acquitter les impôts, droits ou taxes pour le compte de ce dernier. ". L'article 4 dudit arrêté précise que : " Toute latitude est laissée à la personne établie hors de Polynésie française dans le choix de son représentant. (...) Il doit toutefois être assujetti aux impôts, droits et taxes en Polynésie française et donc dûment connu à ce titre du service des contributions. En matière de représentation fiscale, ne sont pas considérées comme tel, les personnes connues du service des contributions exclusivement en tant qu'assujettis occasionnels ou propriétaires fonciers. (...) /Le mandat confié au représentant au titre de la représentation fiscale porte sur l'ensemble des impôts, droits et taxes prévus par le code des impôts dont le représenté est susceptible d'être redevable. ". L'article 5 dudit arrêté précise que " Le service des contributions notifie par écrit au représentant fiscal l'octroi ou le refus de l'accréditation dont il adresse une copie au représenté. / La décision de refus est motivée. Elle peut être fondée sur le comportement fiscal de la personne proposée comme représentant fiscal au regard de ses obligations déclaratives et du paiement de l'impôt ou sur les capacités financières de cette personne par rapport à l'importance des opérations à réaliser dans le cadre de la représentation fiscale (...) ". L'article 8 dudit arrêté ajoute que : " (...) Le représentant fiscal devant impérativement avoir la qualité de contribuable connu du service des contributions, il est donc astreint à la tenue de deux comptabilités distinctes et au dépôt des déclarations, pour les unes au titre de son activité propre et pour les autres au titre de l'activité exercée dans le cadre de la représentation fiscale. ". Enfin, l'article 10 de cet arrêté ajoute que : " Le représentant fiscal accrédité est solidairement responsable avec le représenté du respect des obligations déclaratives et du paiement de l'impôt. / II s'ensuit que nonobstant toute stipulation contractuelle contraire, le représentant fiscal accrédité peut être personnellement assigné en paiement des impositions restant due dans les comptes du pays au titre de la représentation fiscale. ".

4. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que les représentants fiscaux d'assujettis établis hors de Polynésie française doivent accomplir, pour le compte de ces derniers, des prestations consistant notamment en la tenue de la comptabilité des opérations qu'ils réalisent sur le territoire de la Polynésie française et le dépôt des déclarations de chiffre d'affaires correspondantes. Par suite, alors qu'il n'est pas contesté que les SNC mises en place par la requérante et ayant réalisé un investissement en Polynésie française étaient assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée sur ce territoire, il résulte des dispositions rappelées ci-dessus qu'eu égard à la nature des obligations incombant aux représentants fiscaux, l'établissement secondaire " Pacific Investissements " ne peut, contrairement à ce que soutient la société requérante, être considéré ni comme n'exerçant pas une activité économique indépendante et dissociable de la sienne, ni comme se bornant à rendre des services à son siège. En effet, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, cet établissement, immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Papeete, a la qualité de représentant fiscal des SNC sur le territoire de la Polynésie française et, compte tenu des conditions d'accréditation et des obligations incombant à ce représentant fiscal mentionnées au point précédent, et étant le seul organisme habilité à exercer les prestations découlant de son mandat, il déploie nécessairement une activité économique exercée de manière indépendante, de sorte qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 340-4 du code des impôts de la Polynésie française à raison des prestations de services opérées directement pour le compte des SNC, spécifiquement utilisées sur le territoire de la Polynésie française et de ce fait, soumises à la taxe en vertu des dispositions de l'article 340-8 du code des impôts de la Polynésie française.

5. En second lieu, la société requérante soutient que les services de représentation fiscale fournis par son établissement implanté en Polynésie française, ne représentent qu'une très faible partie de l'activité de celui-ci, lequel selon elle se consacre, pour l'essentiel, à d'autres activités nécessaires au montage des opérations de défiscalisation en Polynésie française et qui constitueraient des services ainsi fournis à son siège, donnant lieu à des flux financiers ne constituant pas un chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée.

6. Toutefois, et alors qu'elle est seule en mesure de le faire, la société requérante ne produit pas d'éléments suffisamment précis et probants pour corroborer ces allégations. En effet, en se bornant à fournir des fiches établies par ses soins décrivant les missions dévolues selon elle aux salariés affectés en Polynésie française et un document rédigé en termes très généraux émanant d'un expert-comptable, la société IIOM ne démontre pas que les montants de taxe sur la valeur ajoutée réputés collectés par son établissement situé en Polynésie française, étaient tels qu'après imputation de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, elle était en droit d'obtenir au titre du 4ème trimestre de l'année 2015 et au titre du 4ème trimestre 2017, tout ou partie du remboursement de taxe sur la valeur ajoutée litigieux.

7. De tout ce qui précède, il résulte que la société IIOM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et au remboursement des sommes en cause doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société appelante une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Inter Invest Outre-Mer est rejetée.

Article 2 : La société Inter Invest Outre-Mer versera une somme de 1 500 euros à la Polynésie française sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Inter Invest Outre-Mer et au gouvernement de la Polynésie française.

Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2020.

Le président,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01434 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01434
Date de la décision : 01/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : BANCEL ZEEN LAW

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-01;19pa01434 ?
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