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01/07/2020 | FRANCE | N°19PA00357

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juillet 2020, 19PA00357


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de leur accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014

Par un jugement n° 1711762/2-1 du 11 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 22 janvier 201

9 et

5 mars 2020, M. et Mme A..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de leur accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014

Par un jugement n° 1711762/2-1 du 11 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 22 janvier 2019 et

5 mars 2020, M. et Mme A..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1711762/2-1 du 11 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière en raison du non-respect des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et le délai de prescription n'a donc pas été interrompu ;

- les impositions litigieuses sont mal fondées, dès lors que c'est à tort que l'administration a rejeté la comptabilité de la société Envy, alors que l'absence de caractère sincère et probant de celle-ci n'est pas établie ;

- le tribunal n'a pas pris en compte ses remarques s'agissant de six factures de la société Création Lys et s'est fondé à tort sur ces factures pour en conclure l'existence d'omissions de recettes ;

- la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration est viciée dans son principe ;

- la preuve n'est pas apportée de l'appréhension réelle des sommes en cause correspondant à des recettes établies au terme d'une reconstitution de recettes artificielle.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février et 8 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture d'instruction a été fixée au 16 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative :

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Envy, exploitante d'un fonds de commerce de vente en gros et au détail de sacs, valises, ceintures et parapluies, située dans le 3ème arrondissement de Paris, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos le 31 décembre des années 2013 et 2014, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des compléments d'impôt sur les sociétés par une proposition de rectification en date du

14 avril 2016. L'administration ayant également réintégré aux revenus imposables de M. A..., gérant et détenteur de 40 % du capital social de la société, les revenus considérés comme distribués à son profit par celle-ci, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont en conséquence été assignées à M. et Mme A... au titre des années 2013 et 2014. Ces derniers, après avoir demandé en vain au Tribunal administratif de Paris de leur en accorder la décharge, en droits et pénalités, relèvent appel du jugement n° 1711762/2-1 du 11 décembre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de discuter et de faire étant dans le détail de tous les arguments et de toutes les pièces présentés devant lui, ont répondu de manière suffisamment motivée aux moyens invoqués par

M. et Mme A... dans leurs écritures. Par suite, si ceux-ci ont entendu contester, sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus, la régularité du jugement, ils ne sont pas fondés à le faire.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " et aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que les rectifications doivent être notifiées au contribuable et en cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la réglementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste.

5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 14 avril 2016 par laquelle l'administration fiscale a réintégré aux revenus imposables du foyer fiscal de M. A... les revenus considérés comme distribués à son profit au titre des années 2013 et 2014 a été adressée par courrier recommandé à la dernière adresse connue de son domicile, 10 rue Tiquetonne dans le 2ème arrondissement de Paris et que ce pli, gardé en instance au bureau de poste durant quinze jours mais n'ayant pas été retiré, a été retourné à l'administration après expiration de ce délai de garde postale. Sur l'accusé de réception accolé à l'enveloppe contenant ce pli, au regard de la mention " Présenté/Avisé le " a été portée la date du 15 avril 2016. Il suit de là que le destinataire du pli doit être considéré comme ayant été avisé ce jour-là que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont l'adresse lui était indiquée. En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la mention manuscrite " non localisée " figurant sur l'enveloppe n'infirme aucunement celle selon laquelle un avis de passage a été déposé dans leur boite aux lettres, mais a pour seul objet de préciser que le préposé a procédé à ce dépôt faute d'avoir pu localiser la porte d'entrée de leur domicile. Dès lors, la proposition de rectification en cause devant être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. A... et son épouse, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de la prescription :

6. Pour les motifs indiqués au point 4, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que, faute de notification régulière de la proposition de rectification, le délai de prescription du droit de reprise de l'administration n'a pas été interrompu et que la prescription leur serait acquise.

S'agissant du rejet de la comptabilité :

7. Il résulte de l'instruction que, pour écarter la comptabilité de la société Envy comme non probante, le vérificateur a d'abord constaté une forte irrégularité du coefficient multiplicateur sur achats revendus, établi selon les déclarations de résultat de la société Envy, ce ratio vente de marchandises hors taxe sur achats revendus hors taxe corrigés de la variation de stock s'établissant à 1,54 pour 2013 et 1,94 pour 2014, sans que la société n'ait pu apporter d'explication de cette fluctuation. Ensuite, l'exercice par le vérificateur du droit de communication auprès du principal fournisseur de la société Envy a mis en évidence l'existence de sept factures établies par ce dernier au nom de la société Envy pour des montant allant de 430,56 euros à 4 525,66 euros mais non comptabilisées par cette dernière au titre de l'exercice clos en 2013. Enfin, après avoir établi une comptabilité matière en rapprochant par catégorie de produits les achats revendus des ventes, le vérificateur a également mis en évidence des discordances constitutives de minorations de recettes à hauteur de 1 % des produits vendus en 2013 et 16,74 % en 2014.

8. Les sept factures en cause concernent bien la société Envy dès lors qu'elles ont été établies à son nom et à son adresse par la société Création Lys, son fournisseur, et qu'il résulte de l'extrait du compte " achats 2013 " du Grand-livre de cette dernière société, et non de la société Envy comme l'indique le jugement attaqué à la suite d'une erreur de plume, qu'elles ont été réglées par la société Envy soit en espèces, soit par chèques. Il est constant, par ailleurs, que la Société Envy n'a engagé aucune action à l'encontre de son fournisseur pour défaut de livraison des marchandises réglées. En se bornant, sans aucune autre précision, à mettre en doute la sincérité de la comptabilité de son fournisseur, la réalité des paiements effectués en espèces et la livraison des marchandises facturées, et à alléguer de prétendues anomalies tenant à l'écart entre les dates des bons de livraisons et celles des facturations, les requérants ne contestent pas valablement le défaut de comptabilisation par la société Envy des factures concernées. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'administration se serait fondée à tort sur cette absence de comptabilisation et sur la constatation de recettes omises à hauteur de 1 % des produits vendus en 2013 et 16,74 % en 2014, pour rejeter la comptabilité.

S'agissant de la méthode de reconstitution :

9. Si les requérants contestent, comme ils le faisaient en première instance, la méthode de reconstitution de recettes appliquée par le service vérificateur, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 5 à 8 de leur jugement, d'écarter le moyen tiré du caractère radicalement vicié de celle-ci.

S'agissant de l'appréhension des revenus distribués :

10. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat " et aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1o du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Il découle de ces dispositions que le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, doit être regardé comme le seul maître de l'affaire et est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

11. Il est constant que M. A... était, au cours des années 2013 et 2014, le gérant statutaire de la SARL Envy dont il détenait 40 % du capital social et dont il était l'unique détenteur de la signature bancaire. Dès lors, et alors même qu'il ne détenait pas la majorité du capital social, M. A..., disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, étant en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de ses biens propres, doit bien être regardé comme le seul maître de l'affaire, et est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôlait. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que l'administration n'établit pas l'appréhension par l'intéressé des revenus regardés comme distribués par la société au titre des années en cause.

12. De tout ce qui précède, il résulte que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge, en droits et pénalités, des impositions litigieuses doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2020.

Le président,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00357


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00357
Date de la décision : 01/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET DELPEYROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-01;19pa00357 ?
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