La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2020 | FRANCE | N°18PA01518

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 15 juin 2020, 18PA01518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 juillet 2016 par laquelle le directeur général de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France (CCIR Paris IDF) l'a muté sur le poste de directeur en charge de la mise en place de l'organisation de la future direction des achats de l'ESCP-Europe auprès du directeur général adjoint en charge de l'enseignement, de la recherche et de la formation.

Par un jugement n° 1615939/2-2 du 23 février

2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. D....

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 juillet 2016 par laquelle le directeur général de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France (CCIR Paris IDF) l'a muté sur le poste de directeur en charge de la mise en place de l'organisation de la future direction des achats de l'ESCP-Europe auprès du directeur général adjoint en charge de l'enseignement, de la recherche et de la formation.

Par un jugement n° 1615939/2-2 du 23 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 mai 2018 et le 16 décembre 2019, M. D..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre à la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France (CCIR Paris IDF) de le réintégrer dans ses fonctions de directeur des achats dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la CCIR Paris IDF la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- sa mutation constitue une sanction disciplinaire déguisée, équivalente à une rétrogradation au sens de l'article 36 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, qui aurait dû être précédée des garanties procédurales prévues à l'article 37 de ce statut ;

- l'absence de saisine de la commission paritaire régionale l'a privé d'une garantie et constitue un vice de procédure substantiel ;

- le fait de lui imputer des manquements sur le plan managérial caractérise l'élément subjectif de la sanction déguisée ;

- l'élément objectif de la sanction déguisée est établi au regard de la perte de responsabilité et d'autonomie qu'il a subie et du caractère fictif de l'emploi sur lequel il a été muté ;

- le classement sans suite de son signalement au procureur de la République ainsi que la relaxe de la CCIR Paris IDF par le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 2 mars 2017, postérieurs à la décision attaquée, sont sans incidence sur la légalité de la mesure de mutation ;

- l'enquête administrative interne réalisée par la CCIR Paris IDF a été conduite avec partialité, notamment en ce que seule une faible proportion de l'effectif de son service a été auditionnée ;

- le directeur général de la CCIR Paris IDF a inexactement apprécié l'intérêt du service en décidant sa mutation dès lors que l'adéquation alléguée du nouveau poste avec ses compétences n'est pas avérée et que les difficultés relationnelles et managériales invoquées, à les supposer existantes, ne lui sont pas imputables et ne faisaient en tout état de cause pas obstacle à sa réintégration en tant que directeur des achats ;

- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 octobre 2018 et 23 décembre 2019, la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France (CCIR Paris IDF), représentée par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. D... à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952, ensemble le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;

- la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 ;

- le décret n° 2012-595 du 27 avril 2012 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me G... pour M. D...,

- et les observations de Me C... pour la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France.

Un mémoire a été enregistré le 30 mars 2020 pour la CCIR Paris IDF.

Une note en délibéré, enregistrée le 1er juin 2020, a été produite pour la CCIR Paris IDF par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., qui exerçait, depuis le 1er avril 2008, les fonctions de directeur des achats à la chambre de commerce et d'industrie de Versailles, a été nommé, à compter du 2 janvier 2013, sur le poste de directeur des achats de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris-Ile-de­France (CCIR Paris IDF), établissement créé par l'article 2 du décret du 27 avril 2012 susvisé par rattachement des différentes chambres de commerce et d'industrie des départements d'Ile-de-France. Suite à des tensions entre M. D... et plusieurs de ses proches collaborateurs ayant perturbé, en mai 2013, le fonctionnement de la direction des achats, et ayant entraîné l'intervention de sa hiérarchie, M. D... a été placé en arrêt maladie du 21 au 28 juin 2013 puis du 1er août 2013 au 1er septembre 2014. N'ayant pu retrouver l'exercice effectif de son poste après son retour, M. D... a demandé, par lettre du 2 février 2015 adressée au président de la CCIR Paris IDF, à être rétabli dans 1'exercice plein et entier de ses fonctions de directeur des achats et a dénoncé une situation de harcèlement moral exercé à son encontre. Par une décision du 11 février 2015, le directeur général de la CCIR Paris IDF a décidé la mutation de M. D... sur un poste de directeur auprès du directeur général adjoint, chargé de l'administration générale, avec pour mission, notamment, de proposer les processus à mettre en oeuvre en matière d'achats dans la perspective de l'autonomisation de l'école d'enseignement supérieur consulaire des hautes études commerciales (HEC). Par un jugement du 2 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision. Par une décision du 19 juillet 2016, le directeur général de la CCIR Paris IDF a de nouveau décidé la mutation de M. D..., le nommant, à effet du 1er septembre 2016, sur le poste de directeur en charge de la mise en place de l'organisation de la future direction des achats de l'ESCP Europe. M. D... relève appel du jugement du 23 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de la minute du jugement produite avec les pièces du dossier de première instance, que cette décision a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Elle comporte ainsi l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation qui a été notifiée au requérant ne comporte pas la reproduction de ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 37 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : " Les sanctions prévues à l'article 36 2°, 3° ,4°, 5° et 6° sont prononcées par le Président de la Compagnie Consulaire ou son délégataire. Toutefois, l'exclusion temporaire sans rémunération pour une durée de seize jours à six mois maximum, la rétrogradation et la révocation doivent être prononcées après consultation de la Commission Paritaire Régionale. Cette commission est également consultée au cas où une nouvelle mesure d'exclusion temporaire est envisagée dans un délai d'un an. / Avant toute sanction prévue à l'article 36-2°, 3° ,4°, 5° et 6°, l'agent doit pouvoir prendre connaissance de son dossier, être informé des faits qui lui sont reprochés et pouvoir présenter sa défense devant le Président de la Commission Paritaire Régionale. Il peut se faire assister de tout défenseur de son choix (...) ". Aux termes de l'article 37 bis du même statut : " Les problèmes de harcèlement moral ou sexuel doivent être portés à la connaissance de la Direction/service des Ressources Humaines, ou de la hiérarchie, qui doit diligenter une enquête sur cette question en vue de rétablir une situation normale (...) ".

4. La décision attaquée portant mutation de M. D..., dans l'intérêt du service, sur le poste de directeur en charge de la mise en place de l'organisation de la future direction des achats de l'ESCP-Europe est motivée, notamment, par " l'existence d'importantes difficultés relationnelles et managériales " rencontrées par celui-ci, " très préjudiciables au bon fonctionnement du service " dont il a la direction. M. D... soutient que cette mesure constitue une sanction disciplinaire déguisée, équivalente à une rétrogradation au sens de l'article 36 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, qui aurait dû être précédée des garanties procédurales prévues à l'article 37 de ce statut.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par sa lettre du 2 février 2015 mentionnée au point 1, M. D... a demandé au président de la CCIR Paris IDF de diligenter une enquête interne, sur le fondement de l'article 37 bis du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, en considération des faits de harcèlement moral dont il s'estimait victime de la part de sa hiérarchie et de ses deux collaboratrices directes. Il résulte notamment des conclusions de cette enquête administrative, réalisée entre le 16 février et le 16 mars 2015 par le responsable du service des affaires juridiques et des instances paritaires de la direction générale adjointe des ressources humaines et un juriste du même service, après audition de dix-sept personnes de l'entourage professionnel de M. D..., que " rien ne semble a priori accréditer l'existence de faits de harcèlement à son encontre de la part de ses collègues ou de sa hiérarchie ". Ces conclusions mentionnent en outre que M. D... " a mal vécu... le fait de devoir appliquer et gérer une organisation des achats qu'il n'avait pas lui-même choisie ", que " son approche plus juridique qu'achat de la direction des achats a vraisemblablement exacerbé chez lui le sentiment de persécution qu'il a ressenti ", qu'il a " vraisemblablement eu de son côté des comportements disproportionnés et des propos déplacés, au moins envers certains collaborateurs " et que " ses sautes d'humeur, son caractère lunatique ainsi que son comportement ambivalent et subreptice ont aussi été soulignés à maintes occasions par la majorité des personnes auditionnées, tout comme l'absence d'échange constructif avec ses collaborateurs ". Par suite, les conclusions de cette enquête, dont aucune pièce du dossier ne permet de la faire regarder comme ayant été conduite avec partialité, sont de nature à corroborer l'existence de difficultés relationnelles et managériales de M. D... avec ses proches collaborateurs qui, contrairement à ce qu'il soutient, lui sont, au moins partiellement, imputables. Si M. D... produit à cet égard de nombreux témoignages d'agents de la CCIR Paris IDF, dont un certain nombre appartenait à la direction des achats, faisant état, notamment, de ses qualités d'ouverture, de disponibilité et d'écoute, ainsi que de son comportement respectueux et courtois, ces témoignages, pour élogieux qu'ils soient, n'émanent pas de ses collaborateurs directs et ne sont pas, dès lors, de nature à contredire les conclusions de l'enquête susévoquée. Si M. D... fait en outre valoir qu'en tout état de cause, ses collaborateurs proches avaient tous quitté la CCIR Paris IDF à la date de la décision attaquée, et qu'en conséquence, le motif tiré de ses difficultés relationnelles et managériales ne présentait plus d'actualité à cette date, une telle circonstance, à la supposer même établie, est sans incidence sur la prise en compte de ces difficultés au regard de l'intérêt du service. De plus, M. D... ne saurait utilement soutenir qu'il n'est pas avéré qu'il ferait courir des risques de souffrance au travail à ses collaborateurs dès lors que la décision attaquée n'est pas motivée par une telle circonstance. Enfin, si M. D... fait valoir que la décision attaquée serait en réalité l'aboutissement d'un processus mis en oeuvre par la CCIR Paris IDF, visant à prendre à son encontre des mesures de rétorsion en conséquence de sa dénonciation d'irrégularités dans les modalités de reconduction de certains marchés passés par elle ainsi que d'autres anciennement conclus par la chambre de commerce et d'industrie de Paris, une telle allégation, ainsi que celle tenant à l'existence d'un détournement de pouvoir, ne sont établies par aucune pièce du dossier.

6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, alors même que la mesure de mutation sur le poste de directeur des achats de l'ESCP-Europe, dont aucune pièce du dossier ne permet d'établir le caractère fictif, a entraîné pour M. D... une perte de responsabilités qui lui étaient jusqu'alors confiées en sa qualité de directeur des achats, notamment en ce qui concerne les responsabilités d'encadrement, cette décision était motivée non par une intention de le sanctionner mais par l'intérêt du service et le constat que sa présence sur un poste où il se trouverait en situation de management direct était susceptible de préjudicier à cet intérêt. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que cette mesure revêtirait un caractère disciplinaire et qu'elle aurait dû, pour ce motif, être précédée des garanties procédurales prévues à l'article 37 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être également rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCIR Paris IDF, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CCIR Paris IDF et non compris dans les dépens de la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à la chambre de commerce et d'industrie de région Paris

Ile-de-France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Portes, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2020

La présidente,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01518
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Caractère disciplinaire d'une mesure - Mesure ne présentant pas ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SCP HERALD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-15;18pa01518 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award