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26/05/2020 | FRANCE | N°19PA03305

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2020, 19PA03305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 juillet 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé son admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 1820506 du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 oc

tobre 2019, M. A..., représenté par

Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 juillet 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé son admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 1820506 du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2019, M. A..., représenté par

Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 mars 2019 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de police du 31 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre, à défaut, au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, injonction assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, insuffisamment motivé, est irrégulier ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie de sa demande dès lors qu'il justifiait d'une présence en France supérieure à dix années ;

- le préfet aurait dû également saisir la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour ;

- l'ancienneté de son séjour en France et sa bonne intégration constituent des motifs exceptionnels d'admission au séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle est fondée sur un refus de titre de séjour illégal ;

- il est astreint à un suivi médical ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnait son droit à une vie privée et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est fondée sur des décisions illégales.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... F... A..., ressortissant ivoirien né le 27 décembre 1976, a sollicité du préfet de police son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 31 juillet 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

M. A... relève appel du jugement en date du 27 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient M. A..., les premiers juges ont suffisamment répondu, au point 2 de leur jugement, au moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle et notamment de son état de santé. Le jugement n'est donc pas irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de la motivation :

3. La motivation de la décision n'est pas stéréotypée. Contrairement à ce qui est soutenu dans la requête d'appel, le préfet qui ne s'est pas prononcé sur l'état de santé du requérant, n'avait pas à le faire, s'agissant d'une demande qui n'était pas présentée en qualité d'étranger malade. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour, qui reprend l'argumentation développée devant les premiers juges, doit être écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal au point 2 du jugement attaqué.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut- être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ". ;

5. M. A... est entré en France en décembre 2018 selon ses déclarations, et les justificatifs les plus anciens qu'il produit remontent à cette date. L'arrêté du préfet de police a été pris le 31 juillet 2018. M. A... ne pouvait donc justifier, à la date de l'arrêté contesté, résider habituellement en France depuis plus de dix ans. Ainsi, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sans soumettre pour avis sa demande à la commission du titre de séjour, le préfet de police n'a pas entaché d'irrégularité la procédure suivie.

6. Les dispositions de l'article R. 313-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile réservent au ministre, saisi d'un recours hiérarchique contre un refus d'admission exceptionnelle au séjour, la faculté discrétionnaire de saisir la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour instituée par l'article R.313-34 du même code.

M. A... ne saurait dès lors faire grief au préfet de police de ne pas avoir saisi cette commission.

7. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. Si M. A... soutient qu'il est présent de façon ininterrompue sur le territoire français depuis dix ans, qu'il a noué des liens très forts avec la France, qu'il est parfaitement intégré à la société française, ces circonstances, au demeurant mal justifiées par les documents médicaux, bancaires et administratifs qu'il produit, ne peuvent toutefois être regardées en elles-mêmes comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant qu'il soit délivré à M. A... un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article

L. 313-14 précité. Ainsi, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation refuser de lui délivrer le titre qu'il sollicitait.

Sur le moyen tiré de l'atteinte portée à la vie privée et familiale :

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ... ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".

10. S'il ressort des pièces du dossier que la présence de M. A... en France est justifiée depuis décembre 2008, les éléments qu'il fournit, surtout constitués d'ordonnances et d'analyses médicales et de documents bancaires et administratifs, ne permettent pas d'apprécier son insertion dans la société française, ses conditions d'existence et l'intensité de ses liens personnels et familiaux. S'il évoque la présence d'un fils né en 2011, il ne justifie pas de l'existence d'une vie privée et familiale avec sa mère, ni de l'intensité des liens qui l'unissent à son enfant, et notamment d'une contribution effective et régulière à son éducation et à son entretien. M. A... dispose d'attaches dans son pays d'origine, où résident ses parents et son frère et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-et-un ans. Dans ces conditions, en dépit de la durée du séjour du demandeur en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en va de même, et pour les mêmes motifs, du moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... n'ayant pas au demeurant sollicité son admission au séjour sur le fondement de ces dispositions.

11. Enfin, aucune des circonstances invoquées par M. A... n'est de nature à faire regarder la décision contestée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

12. Ainsi qu'il a été au point 3, le refus de titre de séjour opposé à M. A... est suffisamment motivé. En application des dispositions de l'avant-dernier alinéa du I de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit un tel refus n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.

13. Le refus de titre de séjour n'étant pas illégal, M. A... ne saurait invoquer son illégalité pour obtenir l'annulation de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français.

14. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

15. S'il ressort des pièces du dossier que le requérant est suivi pour une hépatite B, il n'établit pas que ce suivi ne pourrait être poursuivi et qu'il ne pourrait pas bénéficier, le cas échéant, des soins appropriés en Côte d'Ivoire.

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 11, les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement porterait une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

17. La décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, M. A... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

18. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'annulation du jugement et de l'arrêté du 31 juillet 2018 doivent être rejetées. Ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte doivent l'être par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. B..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 mai 2020.

L'assesseur le plus ancien,

M-C... Le président de la formation de jugement,

président-rapporteur,

Ch. B...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 19PA03305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03305
Date de la décision : 26/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : PARTOUCHE-KOHANA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-26;19pa03305 ?
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