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13/05/2020 | FRANCE | N°18PA03395

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 13 mai 2020, 18PA03395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés en date du 29 juillet 2018 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1814109/8 du 3 août 2018, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à cette demande en annulant ces arrêtés du 29

juillet 2018, en tant qu'ils portent refus d'un délai de départ volontaire et interdi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés en date du 29 juillet 2018 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1814109/8 du 3 août 2018, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à cette demande en annulant ces arrêtés du 29 juillet 2018, en tant qu'ils portent refus d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1814109/8 du 3 août 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande de M. C... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant ledit tribunal en ce qu'elle porte sur les décisions de refus d'un délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Il soutient que :

- un double motif justifiait le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ; d'une part, la présence de M. C... constituait une menace pour l'ordre public, et d'autre part, il existait un risque que celui-ci se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre ; ce dernier motif à lui seul suffisait à fonder le refus de délai de départ volontaire en l'absence de toute circonstance humanitaire particulière ; de plus, la présence de l'intéressé en France présentait bien une la menace à l'ordre public ;

- les autres moyens invoqués en première instance par M. C... à l'encontre de ce refus et tirés de l'insuffisance de motivation, de l'absence d'examen particulier de sa situation, sont dépourvus de fondement ;

- c'est à tort que, par voie de conséquence de l'annulation du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, le premier juge a également annulé l'interdiction de retour sur le territoire français faite à M. C... pour une durée de deux ans ;

- dès lors que le refus d'octroi d'un délai de départ est bien fondé, M. C... devait faire l'objet d'une interdiction de retour en vertu des dispositions du III de 1'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aucune circonstance humanitaire particulière s'y opposant ;

- cette interdiction était par ailleurs suffisamment motivée, est intervenue après un examen particulier de la situation de l'intéressé et trouve son fondement dans l'obligation, légalement faite à celui-ci, de quitter le territoire français sans délai.

La requête a été communiquée à M. A... C..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 14 janvier 2019 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 12 février 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés en date du 29 juillet 2018 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le préfet de police relève appel du jugement n° 1814109/8 du 3 août 2018 de ce tribunal en tant qu'il a partiellement fait droit à cette demande en annulant l'arrêté préfectoral litigieux, en tant qu'il porte refus d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

2. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...)1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) a) si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".

3. Le tribunal a estimé que le refus du préfet de police d'accorder à M. C..., de nationalité marocaine, un délai pour exécuter la mesure d'éloignement prise à son encontre était illégal, au motif que la menace à l'ordre public inhérente à la présence de l'intéressé en France n'était pas établie, faute pour les faits invoqués par le préfet de police, consistant en un vol précédé de dégradations ayant donné lieu à une interpellation en flagrant délit et un placement en garde à vue, d'avoir donné lieu à une condamnation pénale.

4. Toutefois, le préfet de police relève devant la Cour, qu'ainsi que le mentionne l'arrêté litigieux, M. C... ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français, n'avait entamé aucune démarche afin de régulariser sa situation et obtenir un titre de séjour alors qu'il déclarait être en France depuis deux ans, et n'avait présenté lors de son interpellation aucun document d'identité ou de voyage. En application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, M. C... est réputé acquiescer aux faits, lesquels sont, au demeurant, corroborés par les pièces du dossier. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir qu'en application des dispositions des a) et f) du 3° du II de l'article précité, le risque que M. C... se soustraie à l'obligation d'éloignement qui lui était faite était établi à la date de l'arrêté contesté et cela alors même que l'intéressé aurait eu une grand-mère résidant en France. Dans ces conditions, comme le fait valoir le préfet de police en appel, ce seul motif, figurant expressément dans l'arrêté litigieux, permettait que soit légalement refusé à l'intéressé un délai pour l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre, et c'est donc à tort que le tribunal administratif a estimé que ce refus contrevenait, pour la raison rappelée au point précédent, aux dispositions du II de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. M. C... soutenait également devant le tribunal que le refus litigieux d'octroi d'un délai était insuffisamment motivé et n'avait pas été précédé d'un examen particulier de sa situation personnelle. Or, l'arrêté contesté comporte l'exposé des circonstances de droit et de fait sur lesquelles s'est fondée l'autorité préfectorale pour prendre la décision litigieuse de refus d'un délai de départ volontaire. De la motivation de cet arrêté, il ressort qu'il a bien été précédé d'un examen particulier de la situation de M. C....

6. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire opposé à M. C....

7. En second lieu, aux termes des dispositions du III de 1'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour [...]. La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

8. D'une part, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le tribunal a, à tort, procédé à l'annulation de l'interdiction de retour faite à M. C..., par voie de conséquence de l'annulation prononcée à tort de la décision de refus d'un délai de départ volontaire, alors que ce refus était, ainsi qu'il a été dit, bien fondé.

9. D'autre part, l'arrêté préfectoral notifié à M. C... le 29 juillet 2018, comporte une motivation suffisante de l'interdiction de retour sur le territoire français qui lui est faite pour une durée de deux ans, et de cette motivation il ressort que l'édiction de cette interdiction a été précédée d'un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

10. Par ailleurs, cette interdiction n'est pas dépourvue de fondement dès lors qu'elle a été édictée après que M. C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français devenue définitive et assortie d'un refus bien fondé de délai de départ volontaire.

11. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'aucune circonstance humanitaire ne justifiait en l'espèce que l'autorité préfectorale ne prît pas d'interdiction de retour à l'encontre de M. C..., lequel est célibataire, sans charge de famille, a vécu dans son pays jusqu'à l'âge de 21 ans, n'était entré en France que depuis deux ans, selon ses propres déclarations, et ne démontrait pas avoir dans ce pays des liens étroits et stables.

12. Dans ces conditions, l'interdiction litigieuse est justifiée dans son principe et également dans sa durée, eu égard à l'ensemble de la situation de M. C... décrite au point précédent et au surplus des agissements de l'intéressé rappelés au point 3.

13. De tout ce qui précède, il résulte que le préfet de police est fondé à obtenir, d'une part, l'annulation du jugement n° 1814109/8 du Tribunal administratif de Paris en date du 3 août 2018, en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. C... en annulant les arrêtés préfectoraux du 29 juillet 2018, en tant qu'ils portent refus d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'autre part, le rejet des conclusions de la demande de l'intéressé dirigées contre ces décisions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1814109/8 en date du 3 août 2018, est annulé, en tant, d'une part, qu'il a annulé le refus d'octroi à M. C... d'un délai pour déférer à l'obligation de quitter le territoire français édictée par arrêté du 29 juillet 2018, d'autre part, en tant qu'il a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français faite à M. C... pour une durée de deux ans.

Article 2 : les conclusions de M. C... présentées devant le tribunal et tendant à l'annulation du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 mars, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2020.

Le président de la 2ème chambre,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18PA03395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03395
Date de la décision : 13/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-13;18pa03395 ?
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