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22/04/2020 | FRANCE | N°19PA02172

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 22 avril 2020, 19PA02172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant son pays de renvoi, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2019 par lequel le préfet de Seine-Saint-Denis a prononcé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1900676-1900776 du 12 février 2019, le Tribunal administratif de Melun a annul

é les arrêtés du 22 janvier 2019 et du 24 janvier 2019 du préfet de la

Seine-Sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant son pays de renvoi, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2019 par lequel le préfet de Seine-Saint-Denis a prononcé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1900676-1900776 du 12 février 2019, le Tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés du 22 janvier 2019 et du 24 janvier 2019 du préfet de la

Seine-Saint-Denis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1900676-1900776 du 12 février 2019 et de rejeter la demande présentée par M. A... F... B... devant le Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté du 22 janvier 2019 dès lors que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par une décision du ministre de l'intérieur du 15 janvier 2019 et n'a pas été contestée devant le tribunal administratif ; il n'a pas expressément demandé l'asile durant sa garde à vue ;

- les autres moyens de la requête présentée devant le tribunal administratif ne sont pas fondés ; l'arrêté litigieux a été signé par une autorité compétente ; il est suffisamment motivé ;

M. A... B... n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 224-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

La requête a été communiquée le 6 septembre 2019 à M. A... F... B... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais né le 6 juin 1976, est arrivé en France le 7 janvier 2019 à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle par un vol en provenance de Dakar et à destination de Paris. Il a fait l'objet d'une mesure de refus d'entrée sur le territoire français et a été placé en zone d'attente où il a présenté une demande d'asile. Par une ordonnance du 10 janvier 2019, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance Bobigny a autorisé son maintien en zone d'attente pour une durée de huit jours. Par une décision du 15 janvier 2019, après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le même jour, le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers le Sénégal, au motif que la demande d'asile était manifestement infondée. Après avoir refusé d'embarquer sur deux vols à destination du Sénégal, l'intéressé a été placé en garde à vue le 21 janvier 2019, puis en rétention administrative le 22 janvier 2019. Par un arrêté du 22 janvier 2019, le préfet de la

Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi et, par un arrêté du 24 janvier 2019, il a décidé son maintien en rétention administrative. Il relève appel du jugement du 12 février 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé ces deux arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3° (...) la demande d'asile est manifestement infondée. Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (...). ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (...) ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ". L'article R. 741-2 dudit code dispose : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. Il en est de même lorsque l'étranger a introduit directement sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans que sa demande ait été préalablement enregistrée par le préfet compétent. Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'entrée en France que M. B... a présentée au titre de l'asile pendant son placement en zone d'attente a été rejetée le 15 janvier 2019 comme manifestement infondée par le ministre de l'intérieur, qui a également prescrit son réacheminement vers le territoire du Sénégal ou tout autre pays vers lequel il serait légalement admissible, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... a refusé d'embarquer sur des vols à destination du Sénégal et a ainsi, par son comportement, rendu impossible son réacheminement. Ces faits étant susceptibles de caractériser une infraction pénale, il a été placé en garde à vue. Ce placement en garde à vue a eu pour effet de mettre fin à son maintien en zone d'attente. M. B... est ainsi entré sur le territoire français, même si la circonstance qu'il avait cessé d'être maintenu en zone d'attente pour les besoins de la procédure judiciaire engagée à son encontre, n'a pas eu pour effet de régulariser les conditions de son entrée sur le territoire.

5. Il ressort toutefois des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 3, et de celles des articles L. 741-2, L. 742-1 et L. 743-1 du même code, que lorsqu'un étranger, présent sur le territoire français, formule une demande d'asile, notamment à l'occasion d'une interpellation, l'autorité de police a l'obligation de transmettre cette demande au préfet qui, hormis les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 du même code, qui ne sont pas ceux de l'espèce, est tenu de l'enregistrer et de remettre à l'étranger une attestation de demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour. Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France bénéficie, sauf dans les cas visés à l'article L. 743-2, du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, de celle de la Cour nationale du droit d'asile.

6. Il ressort du procès-verbal d'audition de M. B..., établi le 21 janvier 2019 à 19 heures par les services de police pendant sa garde à vue, qu'il a déclaré notamment " Moi, j'ai un problème, je suis homosexuel, j'ai peur des représailles, d'être condamné au Sénégal car c'est réprimé par la loi sénégalaise " et a répondu à la question " Quel était le motif de votre séjour en France ' " en déclarant : " quand je suis venu, j'ai dit que je voulais faire un reportage en tant que journaliste, mais ce n'était pas vrai " et encore, à la question " Dans le cas où M. le préfet de la Seine-Saint-Denis décidait de prendre une mesure de reconduite à la frontière avec ou sans rétention, avez-vous des observations à formuler ' ", a répondu : " Cet arrêté signifierait que l'on signe mon arrêt de mort au Sénégal ". Dans les circonstances de l'espèce, par ses déclarations, M. B... doit être regardé comme ayant sollicité à nouveau l'asile, alors qu'il n'était plus retenu à la frontière ni encore placé en rétention administrative. En l'absence de toute disposition en ce sens et contrairement à ce que soutient le préfet de la Seine-Saint-Denis, la circonstance que la demande d'asile présentée par M. B... avant son entrée irrégulière sur le territoire français ait été rejetée par le ministre de l'intérieur une décision du 15 janvier 2019 ne l'autorisait pas à refuser d'enregistrer la demande d'asile qui lui était présentée par l'intéressé après son entrée sur le territoire. En outre, en l'absence de décision d'irrecevabilité prise par l'OFPRA, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne saurait en tout état de cause utilement se prévaloir de ce que la demande de M. B... n'aurait été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 22 janvier 2019 au motif qu'il ne pouvait prendre une mesure d'éloignement à l'encontre de M. B... sans méconnaître les dispositions des articles

L. 741-1, L. 741-2, L. 743-1, R. 741-1 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il devait être regardé comme ayant sollicité l'asile avant que ne soit prononcée à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 22 janvier 2019.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., président de chambre,

- Mme D..., présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2020.

Le président de la 4ème chambre,

M. C...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02172
Date de la décision : 22/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-04-22;19pa02172 ?
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