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11/03/2020 | FRANCE | N°18PA04063

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 mars 2020, 18PA04063


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 26 octobre 2018 par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1819429 en date du 31 octobre 2018, le magistrat désig

né par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 26 octo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 26 octobre 2018 par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1819429 en date du 31 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 26 octobre 2018 refusant à M. D... l'octroi d'un délai de départ volontaire, ainsi que de l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois, a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 28 décembre 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 du jugement n° 1819429 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris en date du 31 octobre 2018 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation des décisions du 26 octobre 2018 refusant à M. D... l'octroi d'un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire était entachée d'illégalité ;

- le tribunal ne pouvait annuler la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois, dès lors qu'elle a son fondement dans l'obligation de quitter le territoire, de sorte que l'illégalité de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire ne pouvait emporter, par elle-même et par voie de conséquence, l'annulation d'une décision portant interdiction de retour ;

- les moyens tirés de l'incompétence du signataire et de l'insuffisance de motivation du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire manquent en fait ;

- ce refus ne porte pas atteinte aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, étant précisé que M. D... n'apporte aucun élément sur la nationalité française de son enfant ;

- les stipulations de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 créant seulement des obligations entre États, ne sauraient être utilement invoquées par M. D....

La requête du préfet de police a été communiquée à M. D... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant tunisien né le 1er août 1981, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de police en date du 26 octobre 2018 portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et fixation du pays de destination. Par un arrêté du même jour, le préfet de police a interdit à l'intéressé de retourner sur le territoire national pendant une durée de douze mois. Par un jugement en date du 31 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de M. D..., a annulé les décisions du préfet de police en date du 26 octobre 2018 portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français, mis à la charge de l'État la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. D.... Le préfet de police fait appel de ce jugement et demande l'annulation des articles 1er à 3.

Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné :

2. Le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a, pour annuler la décision du préfet de police en date du 26 octobre 2018 refusant à M. D... l'octroi d'un délai de départ volontaire, estimé que cette décision avait été prise en méconnaissance des dispositions du f) du 3°) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que M. D..., qui avait spontanément déclaré son identité aux services de police, disposait d'une adresse stable et permanente au 102 rue Balard, à Paris, et présentait ainsi des garanties de représentations suffisantes. Il a, en conséquence de cette annulation, annulé la décision du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. D..., qui n'a produit qu'un extrait d'un passeport périmé depuis le 27 mars 2013, ne justifie pas de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, étant entré irrégulièrement sur le territoire français en 2008 et s'y maintenant depuis cette date sans justifier d'un droit au séjour. Le préfet de police est, par suite, fondé à soutenir que M. D... se trouvait dans la situation prévue par les dispositions du a) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1, permettant de regarder comme établi le risque que M. D... se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français. C'est donc à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision refusant à M. D... un délai de départ volontaire et, par voie de conséquence, la décision du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 12 mois.

3. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens invoqués par M. D... devant le tribunal administratif :

4. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français étant devenue définitive,

M. D... n'est plus recevable à exciper de son illégalité pour contester la légalité du refus de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français litigieux.

5. En deuxième lieu, par un arrêté n° 2018-00532 du 23 octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris, le préfet de police a donné à

M. B... A..., attaché d'administration de l'État placé sous l'autorité du chef du 8ème bureau et signataire de l'arrêté contesté du 26 octobre 2018, délégation à l'effet de signer notamment les décisions portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

6. En troisième lieu, la décision de refus d'octroi d'un délai de départ vise le paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle fait état du risque que M. D... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet, raison pour laquelle le délai de départ volontaire lui est refusé et précise que ce dernier ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ni être entré régulièrement sur le territoire français et avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision refusant à M. D... l'octroi d'un délai de départ volontaire doit, par suite, être écarté.

7. En quatrième lieu, M. D... n'établit ni l'ancienneté de son séjour en France, ni contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant, et ne justifie pas d'une insertion particulière à la société française. La décision de lui refuser un délai de départ volontaire n'a, dès lors, pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

8. En cinquième lieu, M. D... fait valoir qu'il est père d'un enfant de vingt mois. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, il ne justifie pas vivre avec lui, ni contribuer à son entretien et à son éducation. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le préfet de police n'aurait pas suffisamment tenu compte de l'intérêt de cet enfant en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions en date du 26 octobre 2018 portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement n° 1819429 en date du 31 octobre 2018 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentées par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris dirigées contre le refus d'octroi d'un délai pour exécuter volontairement la mesure d'éloignement prise à son encontre et l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... D....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. C..., président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 mars 2020.

Le président rapporteur,

S.-L. C...L'assesseur le plus ancien,

V. POUPINEAU

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA04063


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Simon-Louis FORMERY
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 11/03/2020
Date de l'import : 18/04/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18PA04063
Numéro NOR : CETATEXT000041722294 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-11;18pa04063 ?
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