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06/02/2020 | FRANCE | N°19PA01526

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 février 2020, 19PA01526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2018 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1823579 du 22 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2019, Mme E... B..., représentée par

Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le

jugement du 22 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2018 par laquelle le préfet de police ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2018 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1823579 du 22 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2019, Mme E... B..., représentée par

Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2018 par laquelle le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités italiennes ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil,

Me A..., en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- seul l'accusé de réception de la demande par les autorités italiennes a valeur probante, l'accusé de réception émanant du point français étant insusceptible de faire foi ;

- en fixant le point de départ du délai de transfert au 15 novembre 2018 alors que l'accord implicite des autorités italiennes, saisie le 30 octobre, devait naitre le 13, ce qui a une incidence sur la date d'expiration du délai de transfert, le préfet de police a donné une information erronée et l'a privée d'une garantie ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 26 du règlement (UE) n°604-213 du 26 juin 2013, car il contient une information erronée sur le point de départ du délai de transfert.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris n° 2019/015477 du 26 mars 2019.

Les parties ont été informées le 20 novembre 2019, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer, l'arrêté étant devenu caduc à l'expiration du délai de six mois prévu pour la remise.

Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient :

- en réponse au moyen d'ordre public que le délai de six mois dans lequel l'arrêté de transfert doit être exécuté a été porté à dix-huit mois du fait, en l'espèce, de l'état de fuite de l'intéressée au sens des dispositions de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... B..., ressortissante malienne née le 4 avril 1998, relève appel du jugement du 22 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

12 décembre 2018 par laquelle le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes.

Sur le non-lieu :

2. Avant l'expiration du délai de six mois imparti pour procéder à la réadmission, le préfet de police a, en application des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, notifié aux autorités italiennes le

29 mai 2019 l'extension à dix-huit mois du délai de réadmission, l'intéressée étant selon lui en situation de fuite. La situation de fuite n'a pas été contestée par Mme B... à qui la réponse du préfet de police au moyen d'ordre public soulevé par la Cour a été communiquée. La requête n'est donc pas privée d'objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de remise aux autorités italiennes :

3. D'une part, aux termes de l''article 23 du règlement n° 604/2013 " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ". L'article 25 de ce même règlement prévoit que : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement. (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Selon l'article 19 de ce même règlement : " 1. Chaque Etat membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. / 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. / 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante ".

5. En vertu de ces dispositions, lorsque le préfet est saisi d'une demande d'enregistrement d'une demande d'asile, il lui appartient, s'il estime après consultation du fichier Eurodac que la responsabilité de l'examen de cette demande d'asile incombe à un Etat membre autre que la France, de saisir la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, qui gère le " point d'accès national " du réseau DubliNet pour la France. Les autorités de l'Etat regardé comme responsable sont alors saisies par le point d'accès français, qui archive les accusés de réception de ces demandes. Les demandes émanant des préfectures sont, en principe, transmises le jour même aux autorités des autres Etats membres si elles parviennent avant 16 heures 30 au point d'accès national et le lendemain si elles y parviennent après cette heure. En outre, si les préfectures n'avaient pas directement accès aux accusés de réception archivés par le point d'accès national, elles peuvent désormais y accéder directement.

6. La décision de transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable au vu de la consultation du fichier Eurodac ne peut être prise qu'après l'acceptation de la reprise en charge par l'Etat requis, saisi dans le délai de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. A cet égard, s'il est nécessaire que les autorités françaises aient effectivement saisi les autorités de l'autre Etat avant l'expiration de ce délai de deux mois et que les autorités de cet Etat aient, implicitement ou explicitement, accepté cette demande, la légalité de la décision de transfert prise par le préfet ne dépend pas du point de savoir si les services de la préfecture disposaient matériellement, à la date de la décision du préfet, des pièces justifiant de l'accomplissement de ces démarches.

7. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise alors que l'Etat requis n'a pas été saisi dans le délai de deux mois ou sans qu'ait été obtenue l'acceptation par cet Etat de la reprise en charge de l'intéressé. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur ce point au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance.

8. Il résulte des dispositions citées ci-dessus du règlement (CE) n° 1560/2003 du

2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

9. Il ressort des pièces du dossier que la consultation du fichier Eurodac a révélé que Mme B..., dont la demande d'asile a été enregistrée en France le 17 octobre 2018, a sollicité l'asile en Italie le 29 juin et le 7 août 2017. Le préfet de police a produit devant le tribunal administratif les pièces qui justifient de l'envoi au point d'accès du réseau Dublinet pour la France, le 30 octobre 2018, de la requête visant à la reprise en charge de l'intéressée par les autorités italiennes et du constat d'accord implicite envoyé le 11 décembre 2018 à ces mêmes autorités. Si le préfet de police n'a produit aucune pièce relative aux échanges entre le point d'accès national français et le point d'accès national italien du réseau Dublinet, il n'a été fait état ni devant le tribunal administratif ni devant la cour d'aucun élément permettant de penser que les autorités italiennes n'auraient pas été effectivement saisies aux dates indiquées ci-dessus. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

10. Enfin, si l'arrêté contesté indique que les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de remise le 31 octobre 2018 alors qu'il ressort des données Dublinet qu'elles ont été saisies le 30 octobre 2018, cette discordance de date n'a eu aucune incidence sur la procédure et ne prive Mme B... d'aucune garantie dès lors qu'à la date de l'arrêté attaqué, soit le

12 décembre 2018, l'acceptation implicite des autorités italiennes était acquise depuis le 14 novembre 2018.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., au ministre de l'intérieur, et à Me A.... Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 février 2020.

Le rapporteur,

Ch. C...Le président,

M. D...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 19PA01526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01526
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET HUG et ABOUKHATER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-06;19pa01526 ?
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