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06/02/2020 | FRANCE | N°18PA02544

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 février 2020, 18PA02544


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 décembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 21 mai 2012 de l'inspecteur du travail de la 3ème section de l'unité territoriale de Seine-et-Marne refusant à la société Newplast Joint GE Barthélémy l'autorisation de le licencier et, d'autre part, autorisé son licenciement.

Par un

jugement n° 1301475 du 21 janvier 2015, le tribunal administratif a annulé cette d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 décembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 21 mai 2012 de l'inspecteur du travail de la 3ème section de l'unité territoriale de Seine-et-Marne refusant à la société Newplast Joint GE Barthélémy l'autorisation de le licencier et, d'autre part, autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1301475 du 21 janvier 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 15PA01191 du 27 mars 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Newplast Joint GE Barthélémy contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 21 janvier 2015.

Par une décision n° 410957 du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi formé par la société Newplast Joint GE Barthélémy, a annulé l'arrêt 15PA01191 de la Cour administrative d'appel de Paris du 27 mars 2017 et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2015 sous le n° 15PA01191, la SAS Newplast Joint GE Barthélémy, représentée par Me C..., a demandé à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 21 janvier 2015, de rejeter la demande de M. A... et de mettre à la charge de l'intimé la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle a soutenu que :

- le licenciement de M. A... est justifié par un motif économique réel et licite tiré de difficultés économiques rencontrées ;

- elle a satisfait à son obligation de reclassement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2016, M. A..., représentée par

Me B..., a conclu au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Newplast Joint GE Barthélémy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il a soutenu qu'aucun des moyens de la requête n'était fondé.

Après l'annulation de l'arrêt du 27 mars 2017 par le Conseil d'Etat et le renvoi de l'affaire à la cour, la requête n° 15PA01191 a été enregistrée à nouveau sous le n° 18PA02544.

Par une lettre du 4 septembre 2018, la Cour, en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative a invité les parties à produire un mémoire récapitulatif.

Par un mémoire récapitulatif enregistré le 29 octobre 2018, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Newplast Joint GE Barthélémy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la recherche de postes de reclassement n'a été ni loyale ni sérieuse ;

- la société, qui allègue les difficultés économiques des sociétés du groupe présentes en France, n'a procédé qu'à des recherches superficielles ;

- la société n'a effectué aucune recherche dans les sociétés présentes au Maroc et en Grande-Bretagne en partant abusivement du postulat qu'il aurait forcément refusé un déménagement ;

- la recherche auprès de la société Plastil UK n'était pas personnalisée ;

- les instances représentatives du personnel n'ont pas été régulièrement consultées ;

- le groupe n'était pas affecté par des difficultés économiques et les conditions du licenciement économique ne sont pas remplies ;

- le plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisant.

Par un mémoire récapitulatif enregistré le 28 novembre 2018, la société la SAS Newplast Joint GE Barthélémy, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301475 du 21 janvier 2015 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le secteur de la plasturgie dans son ensemble était affecté de difficultés graves et durables, et l'établissement de Coulommiers était déficitaire ;

- elle a réalisé des recherches effectives dans les sociétés du groupe où un reclassement était possible ;

- M. A... a été destinataire d'offres individualisées pour des postes correspondant à son profil, et d'offres non individualisées pour des postes plus éloignés de ses compétences ;

- l'envoi de lettres circulaires aux sociétés du groupe ne prive pas la recherche de son sérieux ;

- aucun poste correspondant au profil de M. A... n'était disponible à l'étranger ;

- M. A... a refusé le poste correspondant à son profil qui lui était proposé à Cholet au motif qu'il était trop éloigné de la région Ile de France, et un poste moins intéressant mais proche de son domicile ;

- le moyen nouveau soulevé pour la première fois en appel, tiré de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi est irrecevable ;

- l'appréciation ne relève pas de la compétence du juge administratif et au demeurant les mesures prévues par le plan sont suffisantes.

La clôture de l'instruction est intervenue le 9 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations Me G..., représentant la société Newplast Joint GE Barthélémy.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 24 décembre 2012, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé la société Newplast Joint GE Barthélémy à licencier pour motif économique M. A..., salarié protégé. La société relève appel du jugement du 21 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.

3. Aux termes de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. / Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus / (...) ".

4. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Si l'employeur omet, contrairement à l'obligation que lui font les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, d'interroger préalablement le salarié pour savoir s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national, il lui appartient alors de conduire ses recherches en considérant que le salarié est réputé avoir accepté de recevoir toute proposition de poste situé hors du territoire national. Sous cette réserve, la seule omission commise par l'employeur est sans incidence sur le caractère sérieux de la recherche qui lui incombe.

5. Il est constant que le groupe GJL auquel appartient la société Newplast Joint Barthelemy comprend une filiale au Maroc et une filiale au Royaume-Uni et que M. A... n'a pas été interrogé quant à sa volonté de recevoir des offres de reclassement hors du territoire français. Ainsi donc, en application des principes rappelés au point précédent, il est réputé avoir accepté de recevoir toute proposition de poste situé hors du territoire national. L'omission commise par l'employeur est sans incidence sur la légalité de la décision contestée pour autant que les recherches de reclassement à l'étranger ont été menées avec sérieux.

6. Dès lors que la filiale marocaine du groupe GJL n'aurait pu offrir qu'une rémunération extrêmement modique à M. A..., sans rapport avec le salaire qu'il recevait en France pour son emploi de chef d'équipe-régleur de l'unité de Coulommiers et sans qu'il ressorte au demeurant des pièces du dossier que la législation marocaine du travail aurait permis son reclassement dans une entreprise de ce pays, la circonstance que l'employeur n'ait pas jugé utile d'interroger les responsables de la filiale marocaine sur les emplois disponibles ne saurait caractériser l'absence de sérieux de la recherche. La société Newplast Joint GE Barthélémy justifie pour la première fois en cause d'appel avoir interrogé le 9 novembre 2011 les responsables de la filiale britannique Plastil UK sur les possibilités de reclassement des salariés dont le licenciement était envisagé. Si M. A... met en doute la réalité de cette démarche, il n'est pas établi que la demande du 9 novembre 2011 et la réponse négative apportée le

21 novembre 2011 auraient été confectionnées par la société requérante pour les besoins de la cause. La demande qui comporte la définition des postes des salariés à reclasser, le coefficient permettant d'évaluer la rémunération perçue en France, et le statut (cadre, agent de maitrise, collaborateur) était suffisamment détaillée pour permettre à son destinataire de déterminer s'ils pouvaient correspondre à un besoin de la filiale britannique. La circonstance que la demande ait été formulée de manière identique à celle qui avait été adressée aux dirigeants des unités et filiales françaises n'entache pas la recherche d'un manque de sérieux. Les possibilités de reclassement dans l'entreprise, et éventuellement au sein du groupe, s'appréciant à compter du moment où celui-ci est envisagé et non à la date d'autorisation du licenciement, et en l'absence de circonstance particulière tenant à la situation de M. A... ou à un souhait qu'il aurait formulé en ce sens, la recherche de reclassement dans la filiale britannique n'avait pas à être renouvelée. Il en résulte que dans les circonstances de l'espèce, la recherche de reclassement de M. A... dans une filiale du groupe à l'étranger a présenté, compte tenu des possibilités effectives de permutation, un caractère suffisamment sérieux. C'est à tort que le tribunal administratif de Melun a retenu le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 1233-4-1 du code du travail pour annuler la décision du ministre autorisant le licenciement de M. A....

Sur les autres moyens :

7. Il appartient cependant à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... dans son mémoire récapitulatif après cassation.

8. En premier lieu, la société a interrogé onze sociétés du groupe sur les possibilités de reclassement. Les renseignements fournis étaient suffisamment précis. Une offre correspondant à l'emploi de M. A... lui a été faite à Saint-Léger-sous-Cholet avec des conditions salariales équivalentes le 19 janvier 2012, puis un poste de chef de production dans le Maine-et-Loire le

24 février 2012 qu'il a refusés parce qu'il ne voulait pas déménager. Une vingtaine d'autres postes, généralement non individualisés, correspondant à des emplois de catégorie inférieure, lui ont ensuite été successivement proposés en février 2012 puis en juillet 2012, qu'il a également refusés parce qu'ils étaient situés dans l'ouest de la France. Il n'est pas fondé à soutenir que la recherche de reclassement en France n'aurait pas été loyale et sérieuse.

9. En second lieu, il résulte des pièces du dossier que la société requérante enregistrait sur le site de Coulommiers des pertes d'exploitation constantes qui allaient en s'aggravant. Le secteur de la plasturgie au sein du groupe souffrait de graves difficultés et la plupart des sociétés étaient lourdement déficitaires. Ces difficultés étaient pérennes. M. A... n'est pas fondé à soutenir que la situation de l'entreprise ne justifiait pas son licenciement.

10. En troisième lieu, si M. A..., qui n'assortit ce moyen d'aucune précision, semble soutenir que le comité d'entreprise n'aurait pas été consulté sur son licenciement, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est prononcé le 30 mars 2012. Le moyen manque donc en fait.

11. Enfin, si M. A... critique l'insuffisance du plan de sauvegarde pour l'emploi, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne saurait être utilement soulevé au soutien d'un recours dirigé contre une autorisation de licenciement d'un salarié protégé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Newplast Joint GE Barthélémy est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 24 décembre 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social l'a autorisée à licencier pour motif économique M. A.... Les demandes de M. A... présentées tant en première instance qu'en appel doivent être rejetées.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Newplast Joint GE Barthélémy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande à ce titre M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que demande la société Newplast Joint GE Barthélémy au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301475 du tribunal administratif de Melun du 21 janvier 2015 est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. A... présentées devant le tribunal administratif de Melun et devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Newplast Joint GE Barthélémy et les conclusions de

M. A..., présentés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Newplast Joint GE Barthélémy, au ministre du travail et à M. D... A.... Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. F..., premier vice-président,

- M. E..., président assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 février 2020.

Le rapporteur,

Ch. E...Le président,

M. F...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 18PA02544


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02544
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : ACR

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-06;18pa02544 ?
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